mirrored heart

hauts le/s cœur/s

– Putain de merde ! Ça me fait chier !

L'explosion de colère de Yuri résonne dans le Sports Palace, alors que la piste conserve les traces de sa glissade, une profonde indentation sur la surface glacée. À l'extérieur, la météo semble se fondre parfaitement avec son état d'esprit : le grésil frappe les grandes baies vitrées.

– Recommence, Yura.

Viktor, en dépit de sa patience, peine à garder une voix douce. C'est défendable, Yuri ne commet de telles erreurs que lorsqu'il perd sa concentration, et il est censé abandonner sa mauvaise humeur dès qu'il franchit les portes de la patinoire. Il essuie son legging, puis s'élance à nouveau. En l'air, il ne parvient pas à trouver son centre de gravité et chute fatalement.

– Tigrenok... Ce sont tes nerfs qui te jouent des tours.

– Mais je sais, putain !

– Ce n'est pas grave si tu tombes, tant que le saut est complet. Détends-toi.

Excepté que Yuri n'a pas réussi à se détendre une seule seconde après sa découverte de la lettre.

Sous les conseils de Viktor, il poursuit avec le reste de son programme court. Le segment des pirouettes ne lui pose pas de problème, mais le Lutz qui suit se révèle difficile. Il enfonce sa lame de patin dans la glace pour se propulser et exécute les quatre rotations attendues par Viktor. Malheureusement, la gravité le rappelle à l'ordre.

– C'est mieux, déclare Viktor.

Une douleur lancinante empêche Yuri de se relever. De bleus parsèment déjà sa hanche à la suite à ses chutes.

– Ce n'est pas mieux ! C'est nul ! Merde, merde, merde !

Yuri frappe la piste de ses poings serrés. Au milieu du tumulte assourdissant de ses insultes, une main s'appuie sur son épaule.

– Comment ça va ? Tu ne t'es pas blessé ?

La voix de Yuuri est empreinte de préoccupation.

– Ça fait un mal de chien, mais ce n'est rien.

– Dans le doute, fais une pause cet après-midi. Tu te sentiras mieux demain.

Sans un mot, par crainte de déverser sa colère sur Yuuri, Yuri quitte la patinoire. Otabek, debout près des barrières, l'observe.

Depuis leur départ de Minsk, il a l'impression que les yeux d'Otabek ne se sont pas détachés de lui.

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Le calme tarde à revenir, dans le Sports Palace comme dans l'esprit de Yuri. Sous le parvis, il sirote son café à l'abri des intempéries et des regards indiscrets de son équipe.

Être observé pendant qu'il mange est une source d'angoisse pour lui, et cette aversion est exacerbée en période de stress. Il ne parvient pas à se détendre, hanté par le souvenir de l'intrusion dans les vestiaires. L'idée que son admirateur puisse le suivre jusqu'à Saint-Pétersbourg, ou pire encore, qu'il puisse s'en prendre à ses proches et à sa famille, le tourmente.

Malgré tout, à l'inverse de la suggestion d'Otabek après avoir lu la lettre, Yuri n'a pas discuté de la situation avec Viktor. Il ne veut pas prendre le risque que Viktor propose d'abandonner les Mondiaux.

– Yuri ?

La voix monotone d'Otabek le tire de ses pensées.

– Tu n'as pas déjeuné.