Le soleil hivernal meurt tôt dans l'après-midi, derrière la ligne d'horizon. Yuri tire le nez de sa couverture et plaque une main sur son visage, les doigts écartés pour pouvoir scruter la pièce. Depuis quand regarde-t-il les journées se fondre les unes dans les autres, caché dans son lit ? Quarante-huit heures ? Une semaine ?
C'est à peine s'il se souvient de son séjour à l'hôpital. La blouse qu'il portait était rêche de trop de lavages et sa chambre empestait le désinfectant. Les antidouleurs et les calmants collaient à ses lèvres asséchées. Ses proches s'étaient succédé à son chevet et il leur avait répondu avec de courts grognements. Tout ce qu'il voulait, c'était dormir.
Dormir et se réveiller dans un monde où tout ça n'était qu'un cauchemar.
Yuri repousse la couverture et se tourne sur le ventre. Ce bout du matelas est froid. La chaleur d'Otabek lui manque déjà ; il n'arrive plus à s'assoupir seul.
Le temps passe avec lenteur, rythmé par la danse des ombres qui progressent sur le mur et des lumières artificielles de la ville qui les délogent. Quand le noir s'est étendu jusqu'au lit, la silhouette d'Otabek apparaît, encadrée par la porte comme une peinture déformée par le regard exténué de Yuri.
- Yura ? Ça ne va pas ?
- Si, pourquoi ?
- Tu n'as pas répondu à mes textos.
Ah, c'est vrai, Otabek a appris à envoyer des SMS. Il a même remplacé son stupide Motorola par un iPhone flambant neuf gracieusement offert par Viktor.
- C'était quoi, l'urgence ?
- Savoir quels ingrédients tu voudrais dans ta soupe.
Otabek s'assoit sur le bord du lit, un sac plastique sur les genoux. Yuri roule à nouveau et s'approche de sa cuisse, à la manière d'un chat qui exigerait une caresse. Cela dit, l'instinct de mordre la main tendue prend le dessus.
- Beurk.
- Je vais suivre la recette de Katsuki. J'ai du bœuf, des légumes d'automne, et du miso.
- Double beurk.
Un sourire soulève le coin de la bouche d'Otabek. Il replace une mèche poisseuse derrière l'oreille de Yuri, puis se lève sans chercher à débattre.
La voix d'Otabek, qui murmure aux chats pendant qu'il cuisine, berce Yuri. Le temps qu'Otabek revienne, deux bols fumants en main, il somnole déjà.
- Tu penses pouvoir te relever et manger ?
- Pfff, je ne suis pas mourant.
- Tu n'as pas l'air en forme non plus.
- Les médicaments me foutent la gerbe, c'est tout.
Tandis que Yuri se redresse, Otabek lève la cuillère et l'approche de sa bouche.
- Dégage, putain. Si tu me touches, je vais te vomir dessus.
L'appréhension ne quitte pas les traits d'Otabek. Yuri n'arrive pas à rester en colère. Il se saisit de la soupe et mange malgré son estomac noué.
- Même manger me fait un mal de chien. Ce connard m'a vraiment démonté le nez.
Du peu que Yuri a observé dans le miroir, une partie de son visage est gonflée, violacée. Laide.
- Ne t'inquiète pas, murmure Otabek. Tu es toujours attirant.
Le rire qui échappe à Yuri est, lui aussi, douloureux.
- Si tu le dis.
- Bien sûr. Ton nez reviendra bientôt à la normale.
VOUS LISEZ
mirrored heart
FanfictionL'attention constante des médias pèse lourdement sur Yuri, éclipsant sa véritable personnalité. Bien que sa célébrité diminue petit à petit, il continue de susciter l'intérêt de ses fans les plus fervents. En conséquence, il doit aussi subir Otabek...