Au risque de t'aimer | Bucky Barnes

1. Coaching

Un pinceau à la main, je rafraîchis la peinture du Paul et Darlene, le bateau de Sam et Sarah. En les aidant à sa réfection, je me suis découvert un talent insoupçonné et une réelle attraction pour le bricolage.

J'ai aussi fait la connaissance de Bucky. Ça a pris du temps, mais nous avons fini par nous apprivoiser. J'ignore s'il a entièrement confiance en moi à présent, mais je pense pouvoir dire sans trop me tromper que nous sommes amis.

Même s'il n'entre jamais dans les détails lorsqu'il évoque son passé avec Hydra, je suis consciente de toute la noirceur et de la douleur qu'il porte sur ses épaules, tout comme des cauchemars qui le tourmentent toujours. Il évite le sujet, et je le comprends.

Après le chantier du bateau, il a fini par prolonger son séjour à Delacroix. Plus rien ne le retenait à New-York, et il a l'air de s'être attaché à notre petite île, à son port et ses habitants. Il ne l'avouera jamais, mais je suis persuadée qu'il s'est aussi attaché à Sam.

En dehors de la famille Wilson et de moi, il ne fréquente pas grand monde. Malgré ses efforts et ses progrès, il lui reste encore du chemin à faire. La rédemption n'est pas un parcours facile, surtout après avoir vécu autant d'horreurs que lui.

« J'étais sûr de te trouver ici ! lance une voix qui me fait sursauter.

— Sam ! Tu m'as fait peur.

— Encore en train de rêvasser ?

— C'est faux, nié-je alors que la faible quantité de peinture étalée ces dernières minutes clame le contraire.

— Je voulais te proposer de venir manger à la maison avec nous ce soir. Bucky sera là.

— Avec plaisir. Je ramène à boire ! »

Je connais Sam depuis des années. Bien avant qu'il ne devienne Falcon ou Captain America. Bien avant qu'il ne sauve le monde. Bien avant même qu'il ne s'engage dans l'armée et que je me fasse embaucher par la Wilson Family Seafood, la petite entreprise familiale tenue par Sarah. Je suis aussi proche d'elle que de son frère. Au fil du temps, ils sont devenus mes amis les plus chers.

Je dépose un pack de bière sur la table du jardin en saluant au passage toute la maisonnée. Aj et Cass sont une fois de plus suspendus au bras en vibranium de Bucky, qui discute avec leur oncle sans même leur prêter attention. Ce dernier s'active au-dessus du barbecue dont un délicieux fumet s'échappe. Je réponds par un sourire au signe de la main que m'adressent mes deux amis et aide Sarah à finir de mettre la table tout en papotant. Malgré l'humidité ambiante de la saison, je ne me lasserai jamais de l'atmosphère chaleureuse de fin de journée propre au sud de la Louisiane, colorée par le soleil qui décline lentement sur l'océan.

« Vous repartez bientôt en mission ? questionné-je après le dessert.

— Eh oui, déjà, me répond Sam. L'équipe a besoin de retrouver un peu de cohésion, et Thanos n'est malheureusement pas le seul à mettre le bazar.

— C'est le retour des Avengers, alors ?

— On peut dire ça. Même si sans Steve, Stark, Natasha et les autres... ce ne sera plus vraiment pareil. »

Je hoche la tête en risquant un coup d'œil vers Bucky. Je sais combien le départ de leur ami Steve les a affectés, même s'il a donné naissance à une nouvelle amitié improbable entre les deux anciens militaires.

« Désolé de changer de sujet, mais nous avons une raison spéciale de trinquer, aujourd'hui, déclare l'aîné des Wilson en levant son verre.

— Quoi donc ? m'étonné-je de concert avec sa sœur.

— Notre ami le Loup blanc s'est fait draguer cet après-midi ! Il a tapé dans l'œil de la caissière du supermarché.

— La pauvre, elle s'en est remise ?

— Sérieux, Sam ? réplique le concerné. Elle était juste aimable avec moi, comme avec tous les clients. C'est son job.

— Je t'assure que non. Je n'ai pas eu le droit à la même attention ni au même sourire aguicheur que toi.

— Pourquoi ça t'étonne, Bucky ? Je suis certaine que tu pourrais faire des ravages, si tu t'ouvrais un peu, avance Sarah.

— C'est exactement ce que je lui ai dit ! Il cache bien son jeu, mais il avait du succès en 40.

— C'est bien loin, tout ça.

— Et tu n'as jamais eu envie de recommencer à rencontrer des filles ? l'interrogé-je.

— Envie, oui. Mais tout est plus compliqué maintenant. Je ne suis même plus sûr de savoir comment faire.

— Et si je t'aidais ? Je pourrais être ta coach en séduction !

— Toi ?! s'esclaffe Sam avant de se prendre une tape sur l'épaule.

— Hé ! Je suis sûre que j'ai plus d'expérience que toi.

— C'est pas une mauvaise idée, renchérit la maîtresse de maison. Ça pourrait te faire du bien et t'aider à te rouvrir un peu.

— Je ne sais pas trop, hésite notre ami.

— On parle pas de trouver le grand amour, hein, même pas de conclure, ajouté-je. Juste de rencontrer des personnes sans enjeu ni prise de tête.

— Ça me fait bizarre de dire ça, mais je crois qu'elles ont raison.

— Mais je vous ai déjà vous.

— Pas faux, ça devrait amplement lui suffire, concédé-je.

— Allez, ça peut être drôle. Je mettrais ma main à couper que ça te tente, insiste son coéquipier.

— C'est encore tôt, je...

— Ttt, arrêtons les excuses. Essaie au moins un rencard et je suis persuadé que ton âme de flirteur va revenir au galop. »

Le pauvre semble pris au piège. Nous avons probablement du mal à imaginer combien cette simple idée doit être difficile à envisager pour lui. Après coup, je culpabilise un peu d'avoir insisté.

Lorsque nous rentrons ensemble vers nos logements respectifs en fin de soirée, j'en profite pour nuancer notre engouement.

« Je suis désolée, j'espère qu'on ne t'a pas trop brusqué, tout à l'heure.

— Ne t'en fais pas. C'est vrai que ce n'est pas évident de me projeter en rendez-vous, ou de simplement parler à une femme.

— Je te remercie, plaisanté-je en prenant un air faussement vexé. Ne te sens surtout pas forcé. Rien ne t'oblige à te remettre à la drague si tu n'en as pas envie.

— Ce n'est pas que je n'en ai pas envie, crois-moi. J'aimais plutôt ça avant. Mais c'était il y a longtemps et maintenant, je ne suis plus sûr d'être aussi intéressant.

— Je t'assure que tu l'es. C'est différent d'avant, c'est sûr, mais tu as un tas de choses à offrir. T'es quelqu'un de passionnant, Bucky. Alors donne l'opportunité à d'autres d'apprendre à te connaître. »

Il esquisse un sourire touché. Il n'a certainement pas eu grand monde pour le complimenter ces dernières années.

Je n'ose même pas imaginer tout ce qu'il a subi. La crainte, la torture, la haine, le sang... Tout ce qui a été imposé à un cœur qui semble si doux sous sa carapace froide de soldat insensible.