Chapitre 3

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Apolline

Alors... le dimanche je prends mon vol à Paris, j'atterris à Ottawa à 5h, heure canadienne, ce qui fait que je serai chez ma meilleure amie vers 5h30 si sa sœur vient me chercher comme elle me l'avait promis. Une semaine hors de ma zone de confort, ça va me changer les idées. Hormis le fait que je vais louper une semaine de cours à la fac. J'en parlerai avec Amy demain, j'espère qu'elle acceptera de prendre mes cours.

Tandis que je prépare mes affaires, plongée dans mes pensées, je me sens quelque peu coupable, égoïste, de n'apporter aucun cadeau à Leya.

Mais, après tout... c'est moi, la surprise, pas vrai?

Mon téléphone vibre soudainement, interrompant le fil de mes pensées. "@apo.ll.ivy: @ly.ouss a commencé à vous suivre".

C'est qui ça encore?

En voyant sa photo de profil, je me souviens que j'avais remarqué qu'Emma était abonnée à son compte; j'ai dû m'abonner à son compte distraitement.

Je m'étonne quelque peu de son abonnement en retour mais n'en fait rien, continuant à préparer mes affaires.

J'embarque avec moi trois pulls bien chaud au cas-où et les glisse dans ma valise, avant de m'attaquer à un sac supplémentaire. Il me semble assez judicieux d'emmener avec moi mes deux prochaines lectures sans doute: L'as de cœur et L'as de pique.

Lorsque j'ai fini de préparer un sac et que j'ai bouclé ma valise, maintenant pleine à ras bord, je descends en dévalant les escaliers. Ma petite chienne me fait alors la fête, comme à chaque fois lorsque je sors de ma tanière où j'ai pu me rendre sans elle. Nous jouons pendant une petite demi-heure, avant que ma mère ne rentre.

- Bonjour, je marmonne alors que son regard froid m'évite avec soin.

- Tu as bien travaillé depuis le début de la semaine? demande-t-elle en réponse à mon bonjour.

- Oh, absolument, puisque c'est une femme du nom de Katherine Ivy qui m'a obligé à suivre ces études et à obtenir d'excellents résultats alors que j'aurais préféré me diriger vers autre chose, j'ironise malgré moi avant de réaliser ce que je viens de dire.

Merde...

Elle me fusille du regard avant de passer à l'attaque.

- APOLLINE! TES BLAGUES DE MAUVAIS GOÛTS NE ME FONT PAS RIRE!!

Elle me tire du sol où je caressait encore Sakura par le col de mon t-shirt en continuant à crier si fort que même les voisins pourraient l'entendre.

- MAINTENANT TU ARRÊTES TES CONNERIES ET TU VIENS M'AIDER À RANGER LES COURSES! crie-t-elle en commençant à lever la main sur moi.

Oh non papa... pourquoi n'es-tu pas là?

Sakura pousse un aboiement craintif, et ma mère paraît se rendre compte de ce qu'elle s'apprêtait à faire, puisqu'elle abaisse son bras tout en continuant à me fusiller du regard.

Elle me fait peur... c'est la vérité. Par moment, quand nous sommes seules, j'ai réellement peur de ce que pourrait faire la furie qu'elle devient.

Comme si je ne m'en faisait pas déjà assez moi-même.

Masochiste, susurre une voix dans ma tête que je fais taire aussitôt.

Je n'en peux plus de ma mère ces derniers temps. C'est comme si elle s'était arrêtée de vivre, le cœur comme transformé en pierre glaciale qu'aucun coup ne pourrait briser. Une vie seulement formée de dégoût et de colère envers la seule fille qu'il lui reste, ce n'en est pas une.

Ok sa fille est morte, mais c'était aussi ma sœur merde!

Elle pense vraiment que ça ne va rien changer sur moi? Que je ne me fais rien subir?

Je l'aide malgré tout à ranger les courses, d'humeur morose, jusqu'à ce que mon père arrive.

- Papa! je m'exclame en lui sautant dans les bras tandis qu'il me fait tourner autour de lui comme lorsque j'étais petite.

- Alors ma petite princesse, ta journée s'est bien passée?

- Oui, très bien, di-je en omettant le moment précédent passé avec ma mère. On a beaucoup discuté avec Amy, elle m'a appris plein de choses.

- Amy, c'est qui ça encore? s'énerve ma mère.

- Une amie de la fac, mais bien évidemment tu ne peux pas savoir, puisque tu ne te donnes même pas la peine de demander, lui réponds-je avec un regard noir.

- Les deux seules femmes de ma vie, s'il vous plaît, détendez-vous. Il y a tellement d'électricité dans l'air que mes cheveux sont sur le point de se dresser sur ma tête! De quoi j'aurais l'air, moi, décoiffé, hein? dit mon père, réprimant un fou rire.

Il essaye souvent de détendre l'atmosphère ainsi. Pour moi, ça marche par moments, mais pour ma mère... je crois qu'elle n'a pas compris que l'on était tous touchés par la mort d'Allison. On essaye seulement de s'en sortir à notre façon! Elle, broie sans arrêt du noir, me crie dessus sans raison... Elle me tient responsable de ce qui est arrivé...

J'en pleure, tous les soirs. Mais jamais, au grand jamais, je ne rejette la faute sur d'autres, ne leur impose mes humeurs où mes choix. Cette vie a réussi à me faire tomber dans une réelle dépression.

C'est un grand soulagement que d'avoir une amie comme Leya dans ma vie; je ne sais pas ce que je serai devenue sans elle. Leya, c'est le genre d'amies que l'on peut appeler à chaque instant et qui nous répondra peu importe l'heure: c'est celle qui est capable d'apporter du réconfort dans une vie. Et je l'aime, énormément, sans doute plus que moi-même.

Notre amitié aurait tellement pu ne jamais voir le jour.

C'était par un chaud jour d'été qu'avait commencé la colonie de vacances Normande. Leya avait alors 11 ans et moi 10: toutes les deux loin de nous douter que 7 ans après nous serions inséparables.

Au premier abord, je ne voulais pas aller à cette colonie, mais ma mère m'avait convaincue et je ne regretterai jamais de l'avoir finalement écoutée. Dès le début de ces vacances, je n'avais pas vraiment apprécié Leya; je la trouvais presque prétentieuse, ou peut-être arrogante. Pourtant, le responsable nous confondait tout le temps. La colonie entière pensait que nous étions jumelles: la couleur de nos cheveux et de nos yeux si proches à l'époque ne faisait que les induire en erreur encore davantage. C'est finalement grâce à cela que nous sommes devenues ce que nous sommes aujourd'hui: meilleures amies.

Bien sûr, ça m'a brisé le cœur lorsqu'elle est repartie au Canada - et heureusement que les téléphones existent.

En définitive, elle aura la surprise de me voir arriver chez elle pour son anniversaire dimanche, et ses parents sont convaincus que rien ne lui ferait plus plaisir - d'ailleurs, moi aussi.

Comme on dit, loin des yeux, près du cœur.

AILY - Apolline Ivy. Lyam Youssef.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant