Chapitre 19 : PRESQUE

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13 janvier 2022, 11 :03

J'attends Georges sur le parking de la résidence. Il doit passer me prendre pour m'emmener au spa.
Les autres sont déjà sur les pistes depuis deux bonnes heures. Ils se sont levés à 8 heures tapantes pour - je cite - "rentabiliser la journée". Drôle de façon de profiter de son weekend.

Quand j'ai annoncé que j'avais accepté la proposition de Georges, j'ai eu le droit à un sermon général m'expliquant à quel point il était inconscient de ma part de faire confiance à un homme qui pourrait aussi bien s'avérer être le descendant de Jack l'Éventreur (ça c'est le commentaire de Paul, toujours aussi optimiste et rassurant)

J'ai donc promis que je leur téléphonerais en cas de besoin et que je ne commettrais pas d'imprudence. A ma connaissance, le seul risque que j'encours est de me faire virer du jacuzzi parce que ce sera l'heure de fermeture.

Je vois s'avancer vers moi un suv gris flamboyant, et son charmant conducteur abaisse sa vitre pour me saluer.
Si Jack l'Eventreur ressemblait à ça, je comprends qu'il ait fait un malheur ! Il est sacrément sexy sous son col roulé moulant.

"Salut poupée, monte" me lance t il avec un clin d'oeil.

Bon ok, on repassera pour l'expression. On va mettre ça sur le compte de son grand âge (quoique, même mon père qui a soufflé ses 54 bougies ne dirait pas ça)

Je grimpe sur le siège passager et la voiture démarre. Georges fredonne la chanson qui passe à la radio :

"J'ai encore rêvé d'elle...je l'ai rêvé si fort que mes draps s'en souviennent..."

D'accord, donc le projet c'est vraiment full vintage ce matin. Je ne peux pas m'empêcher d'éprouver un certain malaise.

Quelques minutes de karaoké ambiance ringarde plus tard, nous arrivons sur le lieu-dit. Tandis que j'enfile mon maillot de bain - gentiment prêté par la réception, autant vous dire qu'à voir la tête du truc c'est un vestige préhistorique, peut-être même classé au patrimoine de l'UNESCO - je commence à me demander si c'est vraiment une bonne idée. Trop tard pour faire demi-tour maintenant, faut assumer ma vieille.

Je retrouve Georges en sortant des vestiaires, affublé d'un slip de bain moulant à l'effigie de Bob l'éponge qui me brûle la rétine. Au temps pour moi, je ne sais pas si cet homme a 80 ou 5 ans d'âge mental - c'est une surprise de chaque instant.

Nous nous mettons en quête du fameux bain à remous, et alors que je m'y glisse en espérant profiter d'un moment de relaxation en silence, je suis sortie de ma rêverie par sa grosse voix qui me demande :

"Alors, jolie sirène que vous êtes, comment se fait-il que vous soyez seule ? Et où est le père de cette petite crevette que vous avez là-dessous ?"

Je ne sais pas ce qui m'atterre le plus entre la métaphore aquatique bancale et le niveau d'indiscrétion de sa question.

N'ayant pas la moindre envie de rentrer dans son jeu, je me contente de bredouiller une réponse évasive et me précipite aux toilettes prétextant une envie urgente.

Aussitôt hors de son champs de vision, je me saisis de mon téléphone et appelle en urgence mes amis à la rescousse. Je déteste leur donner raison, mais comme disait Mamie Thérèse "aux grands maux les grands moyens". Et là c'est un cas extrême.


Bien sûr, je tombe sur le répondeur de Paul, puis celui de Val. Ça valait bien le coup de me faire toutes ces recommandations si c'est pour laisser son portable en silencieux au fond de sa combinaison.
En désespoir de cause, je finis par composer le numéro de Sam. Ma fierté en prend un coup mais je m'en remettrai. Alors qu'une minute de plus passée aux côtés de Georges, pas sûr.

Bingo, il décroche.

"Sam, désolée de te déranger. Je suis un peu embêtée, t'es le seul qui a décroché. Le Georges est un peu lourdeau, je ne me sens pas à l'aise. Je voudrais rentrer..."

Je n'ai même pas le temps de finir ma phrase qu'il m'interrompt et dit :

"Envoie-moi l'adresse, j'arrive"

Moi qui m'attendais déjà à recevoir une leçon de morale du style "je t'avais prévenue, tu n'en as fait qu'à ta tête", je suis agréablement surprise.

Je retourne tout de même vers Georges en attendant mon sauveur pour ne pas éveiller ses soupçons. Je ne sais pas trop quelle excuse je vais bien pouvoir sortir pour m'éclipser de ce bourbier.

10 minutes s'écoulent, sans doute les plus longues de ma vie. Georges me bassine avec ses exploits de chasse et de pêche, espérant sans doute m'impressionner. À croire que parler de hareng fumé va m'émoustiller.

Finalement, la délivrance. Je vois Samuel approcher au loin. Il affiche un visage furieux. Alors dans un élan imaginatif, et sans trop savoir ce qui me prend, je lui lance :

"Chéri ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?"

D'abord perplexe, il comprend rapidement la supercherie et se prête au jeu :

"C'est ta mère qui a appelé. Ton père a fait un AVC ! Il faut qu'on y aille tout de suite !"

Je feins la stupeur et m'excuse auprès de Georges pour ce départ précipité. Je ne lui laisse pas le temps de rétorquer quoi que ce soit que je suis déjà partie.

Je me rhabille dans les vestiaires et sors rapidement rejoindre Samuel qui m'attend sur le parking. Quand nos regards se croisent, nous explosons de rire à l'unisson. L'absurdité de ce qui vient de se passer détend l'atmosphère et les tensions des jours passés s'envolent.

Sur la route pour rentrer, je lui raconte mes mésaventures en détails et Samuel lève les yeux au ciel :

"Sérieusement, il y a encore des mecs qui pensent plaire avec ce genre de phrases à la con ? Pauvre type"

"Faut croire...en tout cas merci d'être venu aussi vite. Et désolée que tu aies interrompu le ski à cause de moi...j'aurais dû vous écouter" lui adressai-je, penaude.

"C'est normal. Et puis tu ne pouvais pas deviner que tu allais tomber sur un pervers dans le genre"

Nous finissons le trajet en silence et regagnons le châlet tranquillement. Je nous prépare des chocolats chauds pour nous réchauffer tandis que Samuel tente de faire un feu de cheminée.

Je tiens dans ma main les deux tasses fumantes que j'approche en sa direction quand, manque de chance, il se retourne au même moment pour me faire face. Résultat une grosse flaque de chocolat brûlant s'écrase sur son cardigan bleu marine.

Je me confonds en excuses, désespérée par mon incurable maladresse. Samuel, beaucoup moins perturbé que moi, se contente de retirer son haut d'un mouvement très fluide, laissant apparaître sa musculature.

Ça devient une habitude chez lui ! J'ai rarement vu quelqu'un d'aussi peu pudique. Il faut dire que si j'avais son corps de mannequin Abercrombie, j'en ferais peut-être autant.
La lumière du soleil se reflète sur son visage tandis que ses muscles se contractent au rythme de ses mouvements.

Je le fixe depuis quelques secondes déjà quand il me surprend en flagrant délit :

"Hé ho ! Sasha ! C'est par ici que ça se passe" me provoque t il en désignant son visage, parfaitement conscient que ce n'est pas cette partie qui retenait mon attention.

"Arrête de me regarder comme ça, c'est perturbant..." ajoute-t-il

Possédée par une force qui m'attire irrésistiblement à lui, je m'avance en soutenant son regard et lui dit d'une voix à la fois suave et ironique :

"Ah bon ? Alors comme ça, je te fais de l'effet ?"

Il garde le silence et me regarde intensément. Je fais quelques pas de plus et nos corps se frôlent. Je sens la chaleur de sa peau et son souffle qui s'accélère tandis que mes mains se posent délicatement sur son torse. Nos visages se rapprochent, nos lèvres s'effleurent quand soudain :

"Coucou ! On est rentré"

La porte d'entrée s'entrouvre, laissant apparaître le visage de Paula suivie de toute la bande.

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N.A : Alors, votre avis sur Georges ? Et le presque baiser entre Sasha et Samuel, vous l'aviez vu venir ? 

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A SUIVRE...(prochain chapitre publié le 19/11)

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