27 novembre 2021, 8 : 51
Ça y est, j'y suis.
« Cabinet de Madame DA FONSA - psychologue et psychothérapeute spécialisée dans le domaine de la parentalité - formée à l'EMDR »
Comme une envie de vomir à la lecture de cette plaque dorée fièrement apposée sur la porte de l'immeuble. Difficile de dire si c'est la perspective d'ouvrir mon cœur à une parfaite étrangère ou les nausées matinales qui parlent.
Au moment de sonner à l'interphone, j'ai une furieuse envie de tout annuler et de rebrousser chemin. Mais impossible, j'ai promis à Val et Paul que j'essaierais. Et puis, si j'y pense de façon plus pragmatique, Val est nichée dans sa Twingo à une cinquantaine de mètres d'ici et attend patiemment que je ressorte du rendez-vous pour me ramener. Même si je le décidais, j'aurais du mal à m'éclipser sans qu'elle s'en aperçoive.
Je prends mon courage à deux mains et compose le numéro 14. Deux sonneries plus tard, la voix chevrotante de la secrétaire m'invite à entrer. Cette fois, plus de retour en arrière. Et puis après tout, qu'est-ce que j'ai à perdre, si ce n'est les 80 euros de consultation et une heure de mon précieux temps ?
De toute façon, ça peut difficilement aller plus mal. Ça fait deux semaines que j'erre comme une âme en peine dans mon appartement, à la recherche de réponses toutes plus insatisfaisantes les unes que les autres. Je ne vais plus en cours, je ne vois plus personne et je refuse catégoriquement d'aborder le sujet « bébé », ou plutôt devrais-je dire « celui dont on ne doit pas prononcer le nom » comme l'a baptisé Paul, qui n'a pas perdu son sens de l'humour.
Malgré tout, je sens que lui et Val s'inquiètent pour moi. Val, encore, rien de bien étonnant. Elle a toujours été un peu maman poule avec moi, tout ça parce qu'elle est plus âgée de 9 mois...Mais Paul, ce n'est pas le style. Son instinct protecteur est tellement bien caché qu'on se demande parfois s'il existe. Il a quand même réussi à noyer son hamster l'année dernière en voulant lui faire prendre un bain, parce que, je cite, « je pouvais pas deviner qu'il savait pas nager ».
Bref, Paul n'est pas du genre démesurément préoccupé. Et pourtant, il a fini par se rallier à Val qui insistait depuis une semaine pour que j'aille « voir quelqu'un ».
Je déteste cette expression. C'est ridicule. Comme si c'était un gros mot « psychologue ». Comme s'il ne fallait pas risquer de froisser les sentiments des patients jugés trop fragiles pour tolérer la simple vérité. On ne parle pas d'aller boire un café entre copines ou de prendre rendez-vous chez son podologue. On parle de déposer sur un plateau d'argent nos faiblesses et nos doutes, de mettre le doigt sur les blessures qui irradient tout notre être depuis des années, qui sont le fléau même de notre existence, en espérant qu'on parviendra à en arracher l'épine qui nous empêche de cicatriser.
Alors, oui, ça me fait peur. Je suis même terrifiée à l'idée d'aller affronter tout ça ce matin, de prendre le risque de ressortir de ce rendez-vous encore plus abattue que lorsque j'y serai entrée. De me rendre compte que je ne suis pas faite pour être mère, que je ne sais pas ce que je vais faire de ce bébé ni même de ma vie. Que j'ai peur de répéter les erreurs de mes parents.
Ça fait beaucoup de choses à régler pour une séance de 45 minutes. Et même si je ne remets pas en question l'efficacité de cette psy, à moins qu'elle brandisse une baguette magique, j'ai bien peur qu'elle ne puisse pas me sauver.
Je finis par entrer dans la salle d'attente, et j'y découvre une petite pièce à la décoration à la fois chaleureuse et épurée. Quelques fauteuils dépareillés se succèdent pour former un demi-cercle devant lequel siège une table basse en bois. Sur les murs, des affiches scandent « Ne souffrez pas en silence - vous n'êtes pas seul.e » ou encore « Certaines douleurs ne se voient pas, elles s'écoutent ». Un peu abrupte comme entrée en matière, mais au moins on sait de quoi il est question.
Contrairement à tous les cabinets médicaux que j'ai pu fréquentés dans ma vie, il n'y a pas de magazines Elle ou Télérama disposés en vrac au bon vouloir des patients. Simplement des feuilles blanches, quelques stylos, des bouquins de psychologie et un diffuseur d'huiles essentielles. J'imagine que c'est pour nous conditionner à la « relaxation ». Et le pire, c'est que ça marche.
Ce léger parfum de lavande me ramène à des souvenirs d'enfance, d'étés passés en Provence chez Mamie Thérèse et Papi Julio. Quand les problèmes semblaient s'envoler avec l'arrivée du beau temps, le temps de l'insouciance dont on ne mesure à quel point il nous rendait heureux qu'après qu'il s'en soit allé. Foutue lavande et foutue nostalgie, ça nous prend aux tripes sans prévenir.
Une douce voix féminine me sort de mes pensées :
« Madame Molino, si vous le voulez bien, c'est à nous. » m'indique une femme que je soupçonne être Mme Da Fonsa. Perspicace, me direz-vous.
D'un pas hésitant, je la suis jusqu'à son bureau. La pièce est à l'image de salle d'attente : simple, mais l'on s'y sent bien.
La psychologue, une blonde, la trentaine, arbore une tenue plutôt décontractée. La cohérence dans les choix des vêtements laisse à désirer, mais lui confère un petit côté Madame Irma qui me la rend tout de suite moins intimidante. Et puis après tout, elle est psychologue, pas styliste.
« Alors, pourriez-vous m'en dire un peu plus sur ce qui vous amène à me consulter aujourd'hui ? » demande-t-elle.
Je réfléchis un instant. Comment résumer ma situation ? « Bonjour, Sasha Molino, 21 ans, actuellement à mi-chemin entre l'angoisse et la dépression à cause d'un bébé qui a élu domicile dans mon ventre sans trop me consulter »
Bof, peux mieux faire.
« Disons que je fais face à une situation assez inédite. Je viens d'apprendre que j'étais enceinte de 5 mois, un déni de grossesse pour le nommer plus clairement. C'est le docteur Van Deer qui m'a donné vos coordonnées en m'indiquant qu'un accompagnement psychologique était souvent recommandé pour les femmes dans mon cas, pour apprivoiser l'idée d'accueillir un bébé, j'imagine » répondais-je simplement.
Quelques secondes s'écoulent sans que la psy ne semble vouloir intervenir. Je prends ça pour une incitation à poursuivre.
« Pour être tout à fait honnête avec vous, je n'avais pas vraiment envie de venir. Non pas que je ne crois pas en l'efficacité des psys, bien au contraire. Seulement, avec tous ces bouleversements dans ma vie, il y a un tourbillon d'émotions qui me traversent et j'ai du mal à savoir quoi faire de tout ça. Mais je sais que si je viens vous voir, ce n'est pas pour parler météo. Il va falloir qu'on discute des choses qui fâchent, les sujets difficiles que j'ai plutôt l'habitude d'ignorer. Et je ne sais pas si je me sens prête à affronter tout ça en plus d'un bébé surprise ».
Ma voix devient fébrile et mes yeux embués de larmes. La psy doit sentir mon désarroi car elle vient à mon secours en répondant :
« Je comprends tout à fait que vous puissiez avoir de l'appréhension : entreprendre une thérapie n'est pas quelque chose d'anodin. Mais nous pouvons, si vous le souhaitez, essayer de travailler ensemble à la gestion de ces émotions qui semblent vous déstabiliser .
Je tiens à préciser qu'il n'y a aucune obligation. Ce temps où nous nous rencontrons est un temps pour vous : vous y partagez ce que vous souhaitez partager, et à votre rythme.
Pour commencer, je peux déjà vous présenter mon mode de fonctionnement habituel ainsi que les modalités d'un suivi psychologique. Ensuite, vous serez libre de me dire si cela vous convient ou si vous préférez qu'on en reste là. Est-ce que cela vous irait ? »
Je hoche la tête en guise d'approbation. Ça va aller.
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N.A : Alors, votre avis sur la psy ? Est-ce que vous pensez qu'elle va pouvoir aider Sasha ?
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A SUIVRE...(prochain chapitre publié le 24/09)
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Le hasard fait bien les choses
ChickLit« Mademoiselle Molino, ce que je vais vous annoncer risque de vous mettre en état de choc : vous êtes enceinte de 5 mois ». " J'entends encore résonner ces paroles dans ma tête, sans que je puisse vraiment leur donner un sens. Enceinte. Moi. Un béb...