Chapitre 2 - Là où l'autorité maternelle l'emporte sur celle paternelle

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Victoire se retourna dans son lit lorsque quelques rayons de soleil percèrent ses rideaux. Elle enfouit sa tête dans son coussin de plumes avant de ressentir un picotement dans l'épaule. Elle se remémora non sans un frisson les évènements étranges de la veille. Qui étaient ces deux hommes parfaitement inconnus ? Que lui voulaient-ils ? Et comment avaient-ils réussi à rentrer dans le château sans éveiller de soupçons ?

Elle avait failli y passer lorsque le meurtrier masqué avait lancé son poignard dans sa direction, cela ne tenait qu'au miracle qu'elle ait survécu. La main de la Providence avait certainement dû dévier son geste.

Après que les deux hommes furent passés par la fenêtre, elle avait dû relever les fauteuils renversés et avait amené rapidement le dossier marron tant attendu à son père – celui-ci n'avait pas remarqué que sa chère fille avait les cheveux défaits et un bras ensanglanté tant il était attristé. Puis elle était remontée prestement dans sa chambre pour soigner sa blessure qui s'était révélée n'être qu'une simple coupure peu profonde. Elle avait ensuite enfilé une autre robe et avait appelé sa nourrice.

- Hermeline, est-ce que tu pourrais aller nettoyer les débris d'un vase que j'ai malencontreusement renversé dans le bureau de Père ? Tu sais combien je suis maladroite !

Alors qu'on avait exprimé son exaspération, Victoire était redescendue rejoindre les convives et sa famille dans la salle de bal. Elle avait volontairement omis de les prévenir qu'un criminel en fuite avait décidé de faire une petite escale revivifiante dans le bureau, de peur de déclencher une apocalypse prématurée dans cet univers festif et insouciant.

A peine avait-elle posé le pied sur le seuil du salon de réception que sa mère s'était jetée sur elle en s'enflammant :

- Où donc étiez-vous passée ? Dois-je vous rappeler que vous étiez censée porter le panier de fleurs aux mariés ? Tout le monde vous attend !

« Oups... » avait pensé Victoire, sans remords.

A la fin des cérémonies de mariage, la tradition voulait que les époux reçoivent un panier de fleurs pour leur assurer la fécondité et un équilibre financier.

- Qu'est-ce que c'est que cette vieille robe ? avait encore demandé Mme de Cazuret.

Victoire avait alors laissé entendre que sa tasse de thé avait décidé d'arroser les fleurs en tissu de sa précédente robe.

- Que vous êtes maladroite, ma fille ! Filez chercher ce panier... et faites attention à ne pas le renverser !

Victoire s'était précipitée dans l'antichambre pour prendre le grand panier d'osier qui débordait de roses, de pivoines et de lys.

Enfin, épuisée, elle n'avait même pas dansé, prétextant un mal de ventre pour se retirer dans sa chambre. Elle s'était étendue sur son lit et avait rapidement sombré dans les bras de Morphée, assaillie par des images de masques aux yeux ensanglantés.


La porte de la chambre s'ouvrit et Hermeline entra apportant son déjeuner sur un plateau.

- Bien le bonjour, mademoiselle. J'espère que vous vous êtes bien reposée depuis la veille, ajouta-t-elle en ouvrant en grand les rideaux.

Un flot de lumière aveuglant aspergea alors la chambre. Victoire remonta aussitôt son drap sur son visage.

- Oui, je te remercie, répondit-elle d'une voix lointaine.

- Alors ? Avez-vous dansé avec le beau marquis de Brignole ?

Dans l'ombre du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant