17 mai 1685
Le repas royal n'en finissait pas. Victoire et Louise, malgré la fatigue occasionnée par la chaleur écrasante, se tenaient au milieu des courtisans venus s'entasser dans le salon de Vénus pour regarder leur roi prendre sa collation du midi.
Les effluves de parfums mélangés aux odeurs de nourriture montaient à la tête de Victoire, l'étourdissant un peu plus à chaque arrivée de nouveaux plats. Les six services comprenaient trois potages, six entrées, dix hors-d'œuvre, six rôtis, cinq entremets et onze desserts. La jeune fille mourrait d'envie d'ouvrir son éventail mais l'étiquette réprimandait fortement les courtisans qui montraient des signes de lassitude en présence du roi.
Un valet annonça les desserts et une magnifique pièce montée de crème glacée veinée de feuilles d'or, portée par quatre serviteurs, fut déposée sur la table royale. Louis XIV se servit d'une part pas plus grosse qu'un poing d'enfant. La pièce montée repartit aussitôt vers les cuisines. Le valet annonça ensuite l'arrivée d'une coupe de fruits exotiques et la valse des desserts succéda à celle des plats chauds.
Compressée dans son corset, Victoire tentait en vain d'ignorer son ventre qui criait famine. Le repas prit fin quelques minutes plus tard et alors que le roi essuyait d'un rapide geste ses royales lèvres, il s'adressa à l'un des courtisans.
- Monsieur de Cayolle, vous aviez raison au sujet de ces fruits, ils sont excellents ! Mais n'est-ce pas vous qui étiez intéressé par le commerce avec les Amériques ?
Le roi quitta la salle sans attendre la réponse. Une fois sorti, une avalanche de compliments et de faveurs s'abattirent sur le marquis de Cayolle. Il avait obtenu les grâces du roi et les courtisans s'empressaient déjà de le féliciter. Victoire savait que la plupart d'entre eux le congratuler par pur intérêt car le roi était la source des grâces et des disgrâces.
Elle joua des coudes au milieu de la foule, Louise dans son sillage, et parvint enfin à sortir du salon.
- Maintenant direction les cuisines ! Je meurs de faim ! lança cette dernière.
Regarder manger le roi en ayant le ventre vide n'était pas une expérience à réitérer de sitôt.
Les deux amies se dirigèrent vers le Grand Commun où les cuisines se trouvaient. L'endroit ressemblait à une vraie fourmilière tant il y avait de valets, cuisinières, commis et marmitons à l'œuvre. Les plats royaux à peine touchés par le roi reposaient sur une immense table aussi longue que la pièce. Ils étaient ensuite servis pour la collation des courtisans puis des domestiques. Au pied de la cheminée, une jeune fille nettoyait les cendres de l'âtre tandis qu'un commis apportait de nouvelles buches. Victoire aperçu un petit garçon de cuisines chiper malicieusement un morceau de la pièce montée et l'engloutir en s'enfuyant.
***
Après s'être restaurées à en avoir mal au ventre, Victoire glissa à son amie :
- Quittons les cuisines. Madame a sûrement besoin de nous.
Elles se dirigèrent vers la sortie lorsqu'une jeune fille, petite et frêle, assise au bord d'une table bancale attira le regard de Victoire. Des mèches rousses et rebelles s'échappaient de son bonnet rapiécé. Victoire reconnut aussitôt la fillette qui avait aidé à coudre sa robe dans le Berry.
- Bonjour Céleste, lui dit gentiment Victoire en s'approchant.
La petite couturière sursauta et répondit gauchement. On lui demanda par quel hasard elle se trouvait à Versailles. Le hasard se nommait Mme de Mareuil et avait décidé de remercier la petite fille après la séance d'essayage chez la marquise de Cazuret.
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Dans l'ombre du Soleil
Fiksi Sejarah1685, Versailles. Louis XIV, le Roi-Soleil, illumine la cour. Mais dans son ombre bien des choses se trament : complots, meurtres, vols... C'est ainsi que Victoire de Cazuret, dix-sept ans et nouvelle demoiselle d'honneur de Madame, fait son entrée...
