O négatif (2/3)

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Les chandeliers muraux qui nous entourent s'allument subitement, comme par magie. Je découvre alors le visage des deux personnes devant moi et reste sans voix. Le plus grand des deux me regarde d'un air nonchalant, les mains dans les poches. Il aborde une crinière mi-longue, d'un rouge vif. Son teint blafard est recouvert de tatouages en tout genre et son visage ne compte pas moins de 8 piercings. Deux aux lèvres, deux dans le nez -dont un sur l'arrête-, deux en forme de barre dans le cartilage de l'oreille et deux autres à l'intérieur, juste au niveau du canal auditif.

- T'es suicidaire ou un truc du genre ? me dit-il soudainement en arquant un sourcil.
- Bon sang, Rhain ! Tu n'as aucune délicatesse.

Mes yeux s'attardent sur le deuxième individu dont le style est radicalement opposé. Lui se tient droit, fier. Ses cheveux châtains sont élégamment coiffés sur le côté, ses vêtements ajustés à la perfection. Ses iris ambrés tirent sur l'orange et non vers l'emeraude comme son voisin. Je me perds dans mes contemplations au point d'en oublier la situation dans laquelle je me trouve. Du moins, jusqu'à ce que le plus petit reprenne la parole.

- Excuse-le, il n'est pas très agile avec les mots. En fait, ce qu'il voulait dire, c'est : qu'est-ce que tu fais ici ?

Je déglutis et me mords la lèvre. Les mots refusent de sortir. J'ai eu beau imaginer cette scène dans ma tête, nuit et jour, pendant des mois entiers, aujourd'hui je perds mes moyens. J'entrouvre la bouche pour prendre la parole mais aucun son ne s'en extirpe.

- Tu t'es blessée ? renchérit-il.

Hein ? Je hausse les sourcils puis ressens soudainement des picotements dans la main droite. En l'ouvrant, je constate une égratignure. Mince, j'ai dû me faire ça en grimpant à l'arbre... J'effleure la blessure du bout des doigts lorsqu'un grognement à glacer le sang me parvient aux oreilles. Le bruit atroce me rappelle celui d'un fauve prêt à bondir. Je lève les yeux et hoquette de surprise à la vue des deux hommes face à moi. Leurs iris se sont teintés d'un blanc livide et des poches rougeâtres sont apparues sous leurs yeux. Cette vision cauchemardesque me donne la chair de poule. Je recule d'un pas. Le plus grand grimace, le plus petit s'approche de moi d'un air menaçant.

- Je répète ma question pour la dernière fois. Qu'est-ce que tu fais ici ?

Mon cœur s'emballe. Je suis dans une impasse. Il est beaucoup trop tard pour fuir et je n'ai aucune envie de prendre le risque. Je les regarde à tour de rôle et commence à déboutonner mon manteau. Ils me fixent sans comprendre jusqu'à ce qu'ils découvrent ce que je cachais dessous. Un ensemble affriolant de lingerie trois pièces en dentelle floral apparaît sous leurs yeux incrédules.

- Je rêve...
- Ça alors, quelle surprise !

Le rouge me monte aux joues tandis que je m'efforce de garder mon manteau ouvert. Quelle folle je fais... Débarquer de nulle part et me montrer à moitié nue devant des inconnus ! Inhumains qui plus est. Quelle mouche m'a piquée ?

- Alois, quelqu'un s'est réveillé.
- Raah, râle-t-il. Ce n'est pas grave, viens avec nous.

Rhain me saisit précipitamment par le bras et m'entraîne dans le couloir. Les chandeliers s'éteignent et je me laisse guider tant bien que mal, le cœur battant. J'ai eu beau leur montrer clairement mes intentions, rien ne me dit qu'ils vont coopérer.

- Par ici.

Alois désigne une porte par laquelle nous passons. Rhain me lâche et nous entrons alors dans une pièce avec une seule et unique fenêtre pour source de lumière. Je devine une réserve de produits d'entretien. La porte se referme à clé et je frémis. Me voilà prise au piège, comme une souris.

- Donc, où en étions-nous... Ah oui, la raison de ta visite.

J'entrouvre les lèvres pour répondre lorsqu'Alois me fonce dessus et me plaque contre une étagère. Une pluie de pulvérisateurs tombent juste à côté de moi et je me fige sur place. Sa force est incroyable.

- Tu crois que tu peux venir ici, te pavaner en sous-vêtements comme si tu étais chez toi ? Tu t'amuses ? C'est un jeu pour toi ? me demande-t-il en me regardant fixement. Je pourrais t'ôter la vie en une fraction de seconde. Tu te crois peut-être différente des autres mais, pour nous, tu n'es qu'un bout de viande.

Je me décompose. Le risque que la situation dégénère dans le mauvais sens était élevé, mais je ne m'attendais pas à ce qu'ils soient si peu réceptifs à mes avances. Mon poul s'accélère dangereusement, je ne sais pas quoi faire. Alois esquisse un sourire, révélant dans le même temps une paire de canines terrifiante.

- Tu as peur, petite fleur ? Où est passé ton aplomb de tout à l'heure, hm ?
- Si t'as rien d'autre à dire, j'imagine que tu ne vois aucun inconvénient à ce qu'on te vide de ton sang ?
- Je...

A peine ai-je le temps de répondre qu'il attrape délicatement ma main blessée et l'approche de force de son nez. Il ferme les yeux et hume l'odeur qui s'en dégage avec un intérêt morbide. Je le regarde faire en tremblant et aperçois ses iris blancs quand il me dévisage à nouveau. 

- Laisse-moi deviner, O négatif, n'est-ce pas ? Magnifique...

Il pose la pointe de son croc sur ma chair et la perfore sans aucun effort. Je grimace de douleur et observe, impuissante, la perle de sang qui en sort. Sa langue la récupère avec lenteur et un soupir lascif se dégage de sa gorge.

- Elle s'est droguée... souffle-t-il.
- Quoi ?

Oh non, c'est pas vrai !!! Mais comment peut-il le savoir ? Une seule goutte de sang lui a suffit ?! 

- Elle a pris des aphrodisiaques.
- Merde, t'es sacrément dérangée comme nana, toi.

Sentant que la situation m'échappe, je ferme les yeux et inspire profondément. Mon courage réapparaît pendant un laps de temps qui me permet de prendre la parole. 

- S'il vous plaît, je... J'attends ça depuis des mois. Je ne suis pas une idiote qui fantasme sur les vampires comme une adolescente. Je sais de quoi vous êtes capables, mais je m'en moque. En fait, ça m'excite. Quand je pense au fait que je ne suis qu'une pauvre humaine sans défense, ça me rend toute chose... Alors, s'il vous plaît, prenez-moi ♥ Prenez-moi jusqu'à ce que je m'évanouisse, je vous en supplie...

- Écoutez-la. Quelle vilaine fille...
- Pffff... Qu'est-ce qu'on va faire de toi ? 

Fantasmes et rêves interditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant