Fantasmes et rêves interdits

Derrière le masque (3/5)

1 mois plus tard

Je regarde l'horloge au-dessus de moi. Les aiguilles défilent avec lenteur. Je n'en peux plus. Tous ces regards sur moi m'épuisent. Depuis que je suis avec Samaël, j'ai l'impression d'être devenue une bête de foire. Les filles, qui empestent la jalousie, me lancent des éclairs par les yeux en permanence et les mecs, eux, ont l'air de me prendre en pitié pour une raison que je n'explique pas. Comme s'ils savaient quelque chose que j'ignorais ou comme s'ils s'attendaient à ce qu'il m'arrive malheur. J'ai bien tenté d'interroger Mathias, mais il n'a fait que me fuir. Tout me laisse à penser qu'il y a anguille sous roche, mais chaque fois que j'essaie d'interroger Samaël, ma gorge se serre. Je n'arrive pas à le confronter. Je n'arrive même pas à l'imaginer me faire du mal. Il est tellement attentionné, gentil et doux avec moi... Je m'en veux de douter de lui. Je ne le mérite pas.

La sonnerie retentit et la porte à ma gauche s'ouvre après quelques secondes. Les élèves sortent à tour de rôle, puis Samaël apparaît, les mains dans les poches. Avec sa chemise entrouverte et sa sacoche en toile qui tombe au niveau de ses hanches, il fait bien plus mature que les autres garçons de sa classe. Il est d'ailleurs le seul qui ne porte pas de sac à dos. Il me remarque et son visage s'illumine. Je lui souris timidement et lui fais un petit coucou.

- Mademoiselle, me dit-il en attrapant ma main pour y déposer un baiser.

Je glousse et lève les yeux au plafond en secouant la tête.

- On est au XXIème siècle, tu pourrais te comporter comme un garçon de ton âge ?

- Comme ça ?

Il passe un bras autour de ma nuque et m'attire brutalement contre lui. Le geste me surprend au point que j'en ai le souffle coupé. Décidément, avec lui, c'est tout l'un ou tout l'autre. Ma réaction l'amuse et je rougis davantage, embarrassée.

- Un vrai gangster...
- Pas vrai ? Bon, on y va ?

Je hoche la tête et il retire son bras pour venir me tenir la main. Je suis aussi heureuse qu'une gamine de 5 ans qui se baladerait à Disneyland, main dans la main avec Tigrou. Je m'attends à ce que nous nous rendions à la cafétéria, mais il m'attire dans un couloir à l'écart des autres élèves. Je l'interroge du regard et suis surprise de lire de la gêne sur son visage.

- J'ai un cadeau pour toi, avoue-t-il.

- Ah bon ? Qu'est-ce que c'est ?

Il ouvre sa sacoche et me tend une petite pochette. Je la saisis et l'analyse pendant de longues secondes pour essayer d'en deviner son contenu, mais n'y parviens pas. Je décide donc de l'ouvrir et suis aussitôt étonnée. Je ne m'attendais absolument pas à ça.

- C'est... un collier pour chien ? lui dis-je en levant les yeux vers lui.

- Hein ? N-non ! C'est un ras-de-cou ou un chocker, si tu préfères.

Je baisse les yeux vers l'objet et fronce les sourcils en l'examinant. L'odeur du collier m'indique qu'il est en cuir. Je défais l'attache et reporte mon attention sur l'imposant anneau métallique qui trône au milieu.

- L'anneau c'est pour quoi faire ?
- C'est purement esthétique. Tu n'aimes pas... ?
- Et bien, c'est... c'est particulier.
- Désolé, j'ai été égoïste.
- Hein ? Pourquoi ?
- J'affectionne beaucoup ce genre de collier et j'espérais sincèrement en offrir un à la fille que j'aime.

La fille qu'il... aime ? Je me pince la lèvre et baisse les yeux. Merde... Il m'offre un cadeau et c'est comme ça que je le remercie ?! Quelle idiote ! Je peste intérieurement et porte le collier à mon cou pour pouvoir le mettre.

- Je vais le porter. Tu peux m'aider à le mettre ?
- Tu es sûre ?
- Mais oui ! C'est un peu spécial, mais puisque c'est toi qui me l'as offert, je suis contente de l'avoir.

Je pivote pour lui tourner le dos et le laisse fermer la sangle. Le cuir se plaque contre ma gorge et obstrue quelque peu ma respiration. J'expire instinctivement pour tenter de gagner de l'espace, en vain. C'est trop serré. Samaël m'attrape délicatement par les épaules pour me remettre face à lui et observer le rendu avec des yeux brillants.

- C'est encore mieux que ce que j'avais imaginé. Tu es ravissante.

Je détourne le regard d'embarras jusqu'à ce qu'il vienne me saisir par la taille. Sa main libre se faufile dans mes cheveux avec douceur tandis qu'il m'attire contre lui. Mon souffle s'emballe, les battements de mon cœur s'accélèrent. Il va m'embrasser. Je ferme les yeux et savoure le contact de ses lèvres sur les miennes. Elles sont douces, chaudes, et légèrement sucrées. Mon corps tout entier frémit. Je tente de reculer pour mettre fin au baiser, mais à ma plus grande surprise, il me retient. Pour la première fois, sa langue se faufile entre mes lèvres pour venir me goûter. Au même moment, la sensation d'une décharge électrique me traverse tout entière. Une vague de chaleur s'installe dans mon bas ventre et s'intensifie à mesure que le baiser continue. J'ai envie de lui. J'ai envie qu'il aille plus loin.

Je me presse davantage contre son corps et prolonge nos échanges buccaux. Mes coups de langue deviennent plus impatients, plus fougueux. Mon ardeur prend le dessus et la sensation de brûlure entre mes cuisses m'incite à me dandiner contre lui. Je l'embrasse avec une gourmandise évidente, la faim me tiraille. Je glisse une main sur son bas ventre, mais il saisit mon poignet avant que je n'atteigne ma cible, m'arrachant un soupir de frustration.

- Pas ici, souffle-t-il. On ne peut pas, quelqu'un pourrait nous surprendre...
- Mais j'ai envie... On est ensemble depuis 1 mois et il ne s'est toujours rien passé...
- Je sais, mon cœur... Écoute, tu n'as qu'à venir chez moi ce soir, d'accord ?
- C'est vrai ?
- Oui, mes parents sont absents pendant une semaine.
- Bon, d'accord.

Je me détache de lui à contrecœur. Mon entrejambe dégouline, je n'ai absolument pas envie d'arrêter. Il dépose un petit baiser sur mon front et récupère la pochette qui contenait le collier pour la mettre dans sa sacoche.

- On va à la cafét' ?

J'acquiesce et lui prends la main. Je sens que la journée va être longue mais, heureusement, la soirée s'annonce palpitante.