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-Ton professeur ? J'espère que tu te payes notre tête, Léonie ? S'égosille ma mère à peine franchie la porte de mon appartement.

Je sursaute au son de sa voix. Bien que je sois arrivée en avance afin d'avoir le temps d'anticiper notre confrontation, il faut croire que j'ai sous-estimé l'acharnement dont peut faire preuve ma mère à l'encontre du trafic bordelais car elle pénètre dans la pièce à treize heures quarante cinq tapantes, si ce n'est quelques secondes plus tôt.

-C'est tout simplement inadmissible! Imagine comment je me suis sentie quand, en plein boulot, devant tous mes collègues, je reçois un appel provenant de ta faculté pour me demander si tu entretiens une relation avec ton professeur!

A un moment de ma vie, j'ai carrément pensé que j'avais des dons de voyance. Je songeais réellement à devenir médium après avoir prédit (à quelques évènements près) l'issue d'un repas de famille. J'ai presque été déçue quand j'ai appris que l'agence des Avengers ne me recruterait finalement pas uniquement parce que ma mère était prévisible. Je soupire, j'imagine que tous les enfants font face à ce genre de déception. Ava m'a confié un jour qu'elle était persuadée que son frère avait planqué ses lettres d'admission pour Poudlard parce qu'il ne voulait pas se retrouver tout seul avec les sautes d'humeur passionnées de leurs parents.

-Donc ta colère se justifie juste parce que tu as honte de ce qu'on m'accuse?

Ma voix, qui d'habitude se fait écraser par la fureur de ma mère, se fait bien plus sèche que je ne l'aurais cru.

Cette fois-ci sera différente de toutes les autres fois.

-Léonie, ce n'est pas ce que ta mère a voulu dire, intervient mon père avec une volonté de pacifisme.

Je l'assassine du regard, lui faisant savoir qu'aujourd'hui, je n'ai pas besoin de ses interventions pour détendre l'atmosphère car je compte bien provoquer une véritable explosion.

-Bien sûr que si, je proteste. C'est exactement ce qu'elle a voulu dire. Alors, je t'en supplie papa, si ce n'est pas pour prendre position n'intervient pas, comme tu l'as toujours fait.

Mon père se renfrogne et je me tourne vers ma mère.

-Dire que je pensais que tu te soucierais au moins du fait à quel point ces derniers jours ont été durs pour moi. Mais non, tout ce qui te préoccupe, c'est ce que vont penser les gens si ils apprennent que ta fille passe sous le bureau!

-Donc tu l'admets ? S'étrangle-t-elle. Tu passes sous le bureau?

-Non! Je m'exclame. Enfin... Ça n'a rien avoir avec ça.

-Je n'arrive pas à y croire, non mais tu l'entends Roger ? Elle couche avec son professeur d'université pour avoir de bonnes notes! N'a-t-elle donc aucune intégrité?

Mes ongles s'enfoncent dans mes paumes. Je déteste quand je la vois faire en public mais je hais encore plus quand elle le fait avec moi parce que j'ai exactement conscience de ce qu'il se passe autour de moi et je suis incapable d'effectuer le moindre mouvement pour inverser la donne. Elle est en train de retourner la situation pour me donner le mauvais rôle et conforter ses pauvres idées étriquées.

-On devrait au moins laisser Léonie s'expliquer, avant de partir trop loin dans nos propos, se mêle mon père en posant une main sur l'épaule de ma mère.

-Très bien, cède-t-elle. Si tu y tiens, expliques-nous comment ça a commencé, Léonie? Laisse-moi deviner, après avoir foiré ton premier examen?

Ma poitrine se serre si fort que ma respiration se coupe. J'ai l'impression qu'on vient de m'infliger la gifle du siècle, je sens même ma joue chauffer sous le geste. Si j'ai encaissé ce genre d'accusation de la part d'une bande d'inconnus, dont la seule préoccupation est d'étancher leur soif de commérages, s'en est tout autre venant de ma propre mère. Même si notre relation n'est pas des plus fusionnelles, la réalité est d'autant plus dure à supporter quand j'avais tout de même placé des espoirs quant à sa réaction.

Le ProfesseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant