3 - Deuxième partie

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- Figurez-vous que j'étais une gamine triste et solitaire, j'avais une famille si dysfonctionnelle que lorsqu'on se voyait, on ne savait pas quoi se dire parce qu'on ne se connaissait pas. J'étais incapable de me faire des amis et je n'avais pas de foyer parce qu'on déménageait trop souvent pour avoir un chez-soi. J'allais pas à l'école comme les autres gamins, mais vous savez ce que j'ai fait ? J'ai étudié, du matin au soir, j'avais le nez plongé dans des bouquins.

- Leroy, ça suffit, tenta de la calmer Hotch.

- Pas question ! vous me jugez sur un profil erroné.

Les yeux plongés dans les yeux, Cyra prit le silence de son supérieur comme un signe de sa résignation de sa part. Il était prêt à écouter ce qu'elle avait à lui dire.

- Quand j'ai eu quinze ans, j'ai supplié mon père de me laisser aller au lycée comme tous les autres adolescents, je voulais être normale, pour une fois. Seulement, je suis entrée directement en dernière année, dans une petite ville, où les préjugés ont la peau dure et les mentalités sont étriquées.

Toute l'équipe avait douloureusement conscience de ce qui suivait mais Cyra n'était pas certaine de pouvoir jamais mettre les mots adéquats sur ce qu'elle avait vécu alors elle contourna.

- J'y suis restée six mois avant de retourner en France, saine de corps, mais pas d'esprit. Je ne pouvais plus faire un pas dehors sans avoir peur que leurs mains me touchent à nouveau ; chaque fois que je fermais les yeux, je les revoyais. Mais, encore une fois, je me suis plongée dans mes études. Je m'inscrivais dans tous les cours en ligne que je trouvais, et j'ai eu mon diplôme. J'ai été à la fac où je suivais plusieurs cursus simultanément pour garder mon esprit occupé. Et vous voulez savoir ? ça a été pour moi.

Elle avait retrouvé un semblant de calme, malgré l'émotion qui perçait dans sa voix.

- C'est mon seul mécanisme de défense, le travail ; ce qui ne veut pas dire que j'enterre mes problèmes pour les ignorer. On a un boulot de merde ici, parce qu'on est sans cesse face aux pires atrocités, aux pires dégénérés de la terre. Pourtant, on vient tous les matins, à chaque fois que le téléphone sonne, on sait qu'on va encore devoir supporter des corps mutilés et des enfants torturés, on le sait et on continue à répondre au téléphone parce qu'on sait qu'à la fin, on va l'avoir cet enfoiré, on aura gagné une nouvelle bataille contre les monstres. Ce boulot, conclut-elle ; c'est tout ce que j'ai, c'est tout ce qui fait que toutes les merdes qui arrivent sont supportables.

Dans le regard de Hotch, Cyra vit qu'il comprenait et qu'il partageait au moins un peu son point de vue. Le message était passé de la façon dont elle avait voulu, elle se fichait pas mal que tout l'étage ait pu profiter de son coup d'éclat, elle s'en alla l'esprit plus léger. Elle ignorait ce qu'elle pourrait bien faire de ses journées mais parler lui avait fait réaliser qu'elle pourrait de nouveau s'inscrire sur quelques cours en ligne, à Harvard ou à Yale. Peut-être que c'était l'occasion ou jamais de suivre ce cours d'anglais médiéval qui lui faisait envie depuis tant d'années.

Dans le bureau, le silence se fit soudain assourdissant alors que l'équipe de profilers se rapprochait pour se serrer les coudes.

- Malgré tout le temps passé à travailler ensemble, j'ai toujours l'impression que Cyra est un mystère, remarqua JJ.

- Elle est comme nous tous, contra Emily ; elle préfère garder pour elle sa vie privée. Elle n'avait pas tort.

La jolie blonde allait répliquer quand elle fut interrompue par la sonnerie de son téléphone qu'elle s'empressa de décrocher en s'éloignant.

Morgan, Prentiss et Reid la regardèrent hocher la tête, puis disparaître dans son bureau avant de rejoindre celui de Hotch. Lorsqu'ils en ressortirent quelques minutes plus tard, la sentence était déjà connue de tous.

Les aventures de Cyra - Une histoire Esprits CriminelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant