Une vie oubliée et sauvée

Chapitre 6 - Rien à tout [Savannah]

Mais pourquoi cet homme me dévisageait-il comme ça ? Et pourquoi insinuait-il que je n'étais pas la vraie Savannah ? Je regardais Beth, qui se tortillait sur sa chaise, et voyais que plus l'homme parlait, plus son visage devenait rouge de colère. Elle se leva d'un coup, tapa sur la table et avec un ton qui aurait fait frémir le plus redoutable des loups se tourna vers Brad.

« Ecoute moi bien Brad, maintenant ça suffit. Je ne sais pas ce que tu insinues, mais oui la jeune fille ici présente est bien ma petite fille. Les test ADN pratiqués prouvent que c'est la fille de Richard et Hélène. Tu devrais être ravi qu'elle soit encore en vie. Pourquoi réagis-tu comme ça ? »

Brad la regardait d'un air ahuri, il tirait sur sa cravate comme si celle-ci l'empêchait de respirer et se triturait les doigts.

« Non... bien sûr que je suis content qu'elle soit en vie, c'est juste qu'après trois années, elle réapparaisse comme ça. Voilà tout ! »

Je le fixais en essayant de comprendre la réaction à l'annonce que j'étais toujours en vie. Son visage était loin de refléter le bonheur, au contraire, il semblait très nerveux et agité. Le notaire se racla la gorge.

« Allons, asseyez-vous tous, je vais tout vous expliquer. Nous allons continuer la lecture du testament et des dernières volontés de Mr et Mme HARPER. »

Il recommença à lire le testament, dans lequel était stipulé que ma grand-mère était ma tutrice et que je j'héritais de leurs parts de l'entreprise ainsi que d'un loft à New York. Il expliquait aussi qu'une close stipulait que je n'avais pas le droit de revendre mes parts à qui que ce soit sauf à un dénommé Walter Dwayne, qui leur avait fait une très belle offre, et que l'argent de la transaction me reviendrait automatiquement. Un silence de mort régnait dans la pièce quand le notaire eut fini de lire l'intégralité du testament. Tout à coup, Will pris la parole.

« Maitre, j'aimerais comprendre pourquoi je suis ici, je ne suis mentionné nulle-part.

- Justement, j'allais y venir ! Il y a presque quatre ans, Les Harper m'ont contacté pour modifier leur testament. Ils savaient que tu avais un master de commerce et leur fille suivait le même cursus. C'est pourquoi ils ont précisé que tu devras aider Savannah dans la gestion de l'entreprise, si toutefois tu es d'accord avec ça ? »

Je voyais Brad fulminant dès que le notaire expliqua à Will que lui seul pourrais m'aider, il ne tenait plus en place.

« Quoi, mais c'est absurde. Pourquoi Will aiderait et pas moi ? C'est moi l'associé après tout. C'est du grand n'importe quoi, et cette histoire de ne pas revendre les parts sauf à ce « machin chose » là, alors que moi je pourrais très bien les racheter. Qu'est-ce que deux gamins y connaissent dans l'import-export ? »

Il tournait en rond dans la pièce, en agitant ses bras dans tous les sens. Je ne connaissais pas cet homme, mais je ne savais pas dire pourquoi sa présence me mettait mal à l'aise, voire me glaçait le sang. Il enchaina avec une rage folle :

« Ça fait trois ans que je fais tourner la boite tout seul, je me débrouille très bien sans eux. Après l'annonce de l'accident et de leur mort, on m'a donné pleins pouvoirs sur l'entreprise.

- Non Mr Connor, on vous a donné les droits sur l'entreprise provisoirement. J'ai les papiers du juge de New-York qui le stipulent. C'était le temps d'éclaircir la disparition de leur fille. Donc quand le détective privé engagé par sa grand-mère l'a retrouvé dans un hôpital et lui a fait subir tous les tests ADN, le juge m'a envoyé un courrier pour me notifier l'arrêt de vos droits provisoires complets sur l'entreprise. De plus, vous êtes associé à trente pour cent et Melle Harper l'est à soixante-dix pour cent, ce qui fait d'elle l'associée majoritaire. »

Brad se mit dans une rage folle, disant que ça ne se passerait pas comme ça, qu'il nous enverrait ses avocats et que l'on devrait en découdre devant les tribunaux. Il ne prit même pas la peine de dire au-revoir et sortit en claquant la porte, ce qui me fit sursauter.

« Bon débarras. » souffla Beth, avant de reprendre : « Si j'ai bien tout compris, ma petite fille est actionnaire majoritaire dans l'entreprise, propriétaire d'un loft à New-York et Will et moi devons l'aider. Sans oublier qu'elle ne doit pas vendre ses parts sauf à ce Mr Walter. C'est bien ça Maitre ?

- Oui, vous avez assez bien résumé la situation. J'ai quand même omis de vous dire devant Mr Connor que Savannah héritait aussi d'un montant d'un million deux cents milles dollars, ce qui équivaut à plus d'un million cent vingt-cinq mille euros. »

Je restais sans voix à cette annonce, je ne comprenais rien à ce qui se passait dans ce bureau. Tout ce que je saisissais, c'était que mes parents avaient tout prévu pour moi au cas où il leur arriverait quelque chose, preuve qu'ils devaient vraiment m'aimer. Mon cœur se serra dans ma poitrine en pensant je n'avais aucun souvenir d'eux, que je les avais totalement oubliés et pourtant eux avaient pensé a tout pour mon futur. Je me sentais coupable et je pensais que je ne méritais rien de tout ce qu'ils m'avaient légué. Après une bonne demi-heure, nous étions enfin sortis du bureau. En sortant, je voulu reprendre une grande bouffée d'air mais mon souffle se coupa quand je vis l'homme qui nous attendait sur le parking en fumant une cigarette. Il avait toujours l'air énervé et marmonnait tout seul. Quand il nous aperçut enfin, il se dirigea vers nous d'un pas ferme et décidé. Sans laisser le temps à Beth de se rendre compte de quoi que ce soit, il lui cracha :

« Je peux te parler seul à seul ?

- Si tu as quelque chose à dire, tu peux très bien le dire devant eux. »

- Comme tu voudras ! » Grogna-t-il. « Vous n'êtes pas en mesure de faire face à l'ampleur du travail qui vous attend pour l'entreprise. Laissez-moi gérer tout seul et je donnerai sa part des bénéfices à la p'tite sans qu'elle ait à bouger le petit doigt. »

Il avait de la haine dans la voix et cracher ces mots. Je voyais le visage de Beth se tendre et Will serrait les poings tellement forts que ses jointures en devenaient blanches. Mais pourquoi voulait-il à tout prix m'évincer de l'entreprise ? Aurait-il quelque chose à cacher ? Plus il parlait, plus je voyais Will bouillir de l'intérieur, jusqu'à qu'il se mette à rire d'un rire franchement sarcastique.