Chapitre 3 - Un ange revenu [Will]

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Il était dix-huit heures quand je décidai qu'il était temps de retourner au ranch. Comme à chaque fin de balade, je sifflais et toute la petite troupe se rassemblait derrière Shadow et Clarity. Shadow était mon cheval : je l'avais eu pour mes 9 ans, j'avais grandi avec et donc un lien invisible nous unissait. Lui et moi, c'était à la vie à la mort, rien ne pourrait nous séparer. Avec son mètres soixante-dix au garrot, sa robe et son crin couleur ébène, Il était puissant, rapide et très intelligent. Il avait tendance à se méfier des humains, mais une fois qu'il en adoptait un, ce gaillard se transformait en guimauve qui adorait se faire gratouiller l'encolure. Lui et moi étions pareils : d'apparence bourru mais très loin de l'être à l'intérieur. Nous étions arrivés en moins de vingt minutes au ranch et je me dépêchai de mettre les chevaux dans les trois paddocks. Ils restaient toujours par deux et les deux restant me suivirent comme des agneaux jusqu'aux box. Nous avions huit chevaux et six d'entre eux avaient été sauvés de l'abattoir, tout ça pour une blessure ou leur âge. Voilà pourquoi ici était le ranch de la seconde chance. Le grand-père de Beth avait commencé en sauvant un cheval, et puis de fil en aiguille deux, trois et ainsi de suite jusqu'à elle maintenant. Une très belle tradition familiale et preuve d'amour envers les chevaux.

J'allai chercher un à un les chevaux aux paddocks et effectuai le même rituel avec chacun. Un bon brossage, une vérification complète pour m'assurer qu'aucune bête ne s'était blessée durant les balades et un réapprovisionnement en grain. Je finissais toujours par Shadow et Clarity puisque ces deux-là étaient de vrais inséparables. Même leur box étaient collés l'un a l'autre. Je commençais avec Shadow qui, lui, adorait se faire brosser. Après l'avoir examiné sous toutes ses coutures, je le mis dans son box avec une bonne grosse portion de grain. Clarity était toujours la dernière dont je m'occupais, car elle faisait remonter des souvenirs chaleureux et pénibles en même temps. C'était le temps où elle était encore parmi nous. Cela faisait onze ans qu'elle était partie, mais son souvenir restait gravé dans ma mémoire et Clarity me la rappelait beaucoup. Elle était d'un tempérament doux, affectueux et très réservé. Pendant que je m'attelais à la brosser, j'entendis la voix de Beth venir de l'extérieur, comme si elle parlait toute seule.

« Alors là, tu vois c'est le manège où l'on fait travailler un peu certains chevaux. Et ici, la carrière.»

J'aperçus deux silhouettes, celle de Beth et celle d'une autre femme. Mon cœur s'emballa tout seul au simple fait d'imaginer que cela pouvait être-elle. Beth m'avait prévenu de son retour mais j'avais totalement oublié que c'était aujourd'hui. La matriarche m'avait déjà parlé de son amnésie, en m'expliquant qu'elle avait oublié vingt années de sa vie et que ses seuls souvenirs sont ceux des trois dernières années qu'elle avait passé dans un hôpital aux USA. Elle était de retour, « mon ange » était bien revenue à la maison. Malheureusement, mon cœur se serra à l'idée qu'elle nous ait totalement oublié, que l'on soit pour elle de parfaits inconnus. Je continuais de brosser Clarity comme si de rien n'était, sachant pertinemment qu'elles venaient dans ma direction. La jument commença à s'énerver et à tirer sur sa longe. Ressentait-elle sa présence ? L'avait-elle reconnue ? On disait que les chevaux ont une très bonne mémoire.

« Oh ma belle ! Allez, tout doux, on se calme. »

J'essayais de la calmer mais rien n'y faisait, elle tirait encore plus sur sa longe si bien que celle-ci se détacha. Beth et Savannah s'arrêtèrent net, mais la jument continuait d'avancer vers elles.

« N'ai pas peur ! voici Clarity, c'est ta jument ! Tu l'as reçu en cadeau pour tes huit ans. Elle me fit un petit clin d'œil et ajouta – A croire qu'elle ne t'a pas oublié. »

La jument avança avec hésitation en direction de Savannah qui était légèrement tendue. Elle s'arrêta à près d'un mètre et tapa un sabot par terre, tendit sa tête vers Savannah qui ne bougeait toujours pas. Notre petite fugueuse se rapprocha encore, si bien que leurs visages n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Avec tendresse et douceur, elle posa son front sur son épaule. Savannah ne sachant pas quoi faire regarda Beth. Celle-ci lui mima avec ses mains de caresser l'animal sur l'encolure. Avec hésitation et une main tremblante, elle se mit à la caresser. Clarity s'appuya un peu plus fort sur l'épaule, ce qui fit faire un mouvement de recul à « mon ange ». Beth attrapa la longe et éloigna la jument.

« Allez ma belle, doucement un pas après l'autre. Laisse-lui le temps de se rappeler de toi. »

La petite fugueuse n'était pas contente mais elle avait dû sentir que sa maitresse n'était pas comme d'habitude, ainsi Beth pu la mettre dans son box sans trop de mal. Moi, je ne pouvais pas décrocher mon regard de Savannah. Elle se tenait là, devant moi. Ce n'était pas uns de ces rêves que j'avais fait mille fois. C'était bel et bien la réalité. Je n'avais qu'une envie - la serrer dans mes bras. Or je savais que cela était une mauvaise idée. Je risquais de la brusquer. Beth qui me connaissait par cœur, me fit un signe de la tête, comme pour me donner le courage de me présenter à elle. Face à mon mutisme, Beth souriait et pris la parole.

« Viens Savannah ! je te présente Will, la personne qui m'aide à la ferme. Je suppose que tu ne te rappelles pas de lui mais petit vous étiez insép... » Beth stoppa net en regardant Savannah, et moi qui n'avait pas décroché mon regard, et vit une larme rouler sur sa joue. Elle prit son téléphone et pianota à toute vitesse comme si celui-ci lui brulait les doigts. Elle me le tendit avec une main tremblante pour que je puisse lire ce qu'il y avait d'écrit. Je m'exécutais et n'en revenais pas, elle se rappelait de moi enfant. Mon cœur se remit à battre et je fis un sourire tellement niais que je devais ressembler à un parfait abruti.

« C'est toi le garçon que je voyais dans mes rêves. Tu n'es plus aussi petit, mais je reconnais ton regard et tes yeux noisette. Tu es bien réel et moi qui croyais avoir tout inventé. »

« Oui, c'est bien moi. C'est vrai qu'à l'époque tu étais plus grande que moi ! Nous étions toujours à trainer ensemble et à faire les quatre cent coups...je me retenais de parler car mon cerveau venait de percutait que tout ça elle avait dû l'oublier. Je repris avec une certaine tristesse dans la voix. « Mais je suppose que tu ne t'en rappelle pas, beaucoup de temps s'est écoulé depuis la dernière fois que t'ai vu. Onze ans exactement ! Si jamais tu as des questions ou si tu veux savoir quoi que ce soit n'hésites pas je serais là. Surtout qu'en onze ans beaucoup de choses se sont passés au ranch. Mais maintenant tu es là et nous aurons tout le temps et le loisir d'en parler et d'apprendre à nous connaitre. »

Sa main tremblante était toujours tendue vers moi, elle se remit à écrire rapidement puis me tendit son écran sous le nez.

« Oui je veux tout savoir, Beth, toi, mes parents et tout ce qui touche à mon enfance. Je veux que vous me racontiez chaque détail, chaque évènement de ma vie que j'ai passé ici avec vous et mes parents. Avec un peu de chance tout ça pourra me faire retrouver la mémoire pour comprendre qui je suis et qui j'ai été. »

Je la fixais et je pouvais lire de l'espoir dans ses yeux. Elle avait raison, peut-être que si Beth et moi lui racontions tous les souvenirs et toutes les anecdotes qu'elle avait pu avoir ici, cela aidera surement sa mémoire à revenir. Mais il fallait y aller doucement, comme le médecin nous avait expliqué car il ne faudra pas que soit trop violent pour elle.

Une vie oubliée et sauvéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant