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- Herman n'est toujours pas venu, constate Erin en nous accueillant au café. 

- Malheureusement il est trop fatigué, dis-je.

Elle hoche lentement la tête :

- Je vois.

J'évite d'entrer dans les détails en la présence de Lucy juste à côté de moi, mais je vois l'état de mon ami se dégrader au fil des jours. Je crains qu'il ne doive être hospitalisé très vite, malgré la volonté du vieil homme de rester dans sa boutique.

- Erin, est-ce que c'est toi qui fait les chocolats chauds ? demande Lucy pendant que nous nous asseyons à notre place habituelle.

Elle m'a posé la question sur le chemin, et comme je n'étais pas certain de la réponse, je l'ai incité à la poser directement à la jeune femme. 

- Certains oui, sourit Erin.

- Est-ce que c'est dur ? 

- Pourquoi cette question ?

- J'aimerais savoir en faire chez moi, parce que quand Felix va partir je pourrais plus venir en boire ici.

- Tu pourras demander à tes parents, dis-je alors. Ils pourront t'y emmener.

Elle hausse les épaules, pas encore vraiment convaincue. Ce n'est pas la conversation que nous avons eu hier qui va tout changer, certes, mais je suis sûr que les choses vont s'améliorer pour Lucy et sa famille. J'aimerais que Lucy ressente cet espoir elle aussi. 

- Peut-être.

- Tu veux que je te montre ? propose alors la serveuse.

- Tu veux bien ? s'exclame Lucy.

- Bien sûr, viens.

La fillette se lève et je les suis jusqu'au comptoir. Personne ne dit rien lorsque la petite suit Erin du côté des serveurs. Sous mon regard attendri, je vois la serveuse expliquer calmement et simplement les étapes à Lucy qui l'écoute avec beaucoup d'attention, concentrée. Elle aide même Erin pour mettre la chantilly, les yeux pétillants. Et lorsque des gouttes tombent au sol, Lucy tient à les nettoyer elle-même. Enfin, elle le présente ma tasse avec double dose de crème, une expression de joie intense peinte sur son visage.

- Tu as vu Felix ! C'est moi qui ai fait ton chocolat chaud !

Je souris :

- Oui, et je suis sûr qu'il sera très bon !

La manière dont Lucy s'est révélée ces dernières semaines m'impressionne. Elle est bien loin de la fillette timide et silencieuse que j'ai rencontré au début du mois. J'aime à croire que ma présence l'aide à se libérer. J'ai comprit pourquoi elle était si silencieuse et éteinte. Ses parents n'ont pas fait leur deuil, elle non plus. Peut-être qu'avec un peu de temps et d'aide, elle restera aussi lumineuse et grandira en véritable Soleil, surmontant la tragédie qui a inondée sa famille ces derniers mois. 

- Est-ce que que peux prendre une paille ? 

- Tiens, accepte Erin.

Lucy repart vers notre table en sautillant de joie, et je remercie Erin d'un sourire, mon chocolat à la main. Puis Erin me retient alors que j'allais retrouver la fillette :

- Felix ?

- Oui ?

Je la vois hésiter, puis elle demande :

- Quand tu seras reparti en Corée, qui va prendre soin de Lucy ?

Je lui souris :

- Ne t'inquiète pas. Je crois que les choses vont s'arranger pour elle. Elle ira mieux, j'en suis certain.

Erin hoche la tête.

- Tu m'avais dit que tu irai parler à ses parents ?

- C'est fait. Ne t'en fais pas, je suis persuadé que les choses iront on s'arrangeant. 

Erin sourit faiblement :

- Tu sais Felix, je voulais te remercier.

- Pourquoi ?

- D'être venu dans ce café et de m'avoir tant fait sourire ces dernières semaines. Mes clients préférés vont beaucoup me manquer, je crois que tu ne te rends pas comptes à quel point tes petites actions au cours de ces semaines ont fait du bien a beaucoup de monde.

Mon cœur se réchauffe à ces mots. Erin sait manier les mots. 

- Ce n'est parce que je repars que tu verras plus Herman ou Lucy, dis-je.

- Peut-être, mais ce sera différent. Et la joie que tu apportes à cette petite... C'est très précieux. Tu es spécial. 

- Merci Erin. Je reviendrai ne t'en fais pas. Ma famille vit ici...

En prononçant ces mots, je me surprends à penser à mes parents et mes sœurs bien sûr, mais aussi à Lucy qui me regarde, assise à notre place en m'attendant. Mon cœur bat plus fort et je réalise combien je suis attaché à cette petite. Si je sais qu'elle m'apprécie beaucoup, je ne me rendais pas compte à quel point c'était réciproque...

- J'espère qu'on se reverra alors. Je serais enchantée que tu puisses rencontrer ma fille à ton retour. 

Je lui souris sincèrement et presse sa main amicalement :

- Je l'espère aussi. 

Erin hoche la tête puis repart à son travail, alors que je vais rejoindre Lucy. 

- Vous parliez de quoi ? demande-t-elle, agitée.

- De mon départ, avouais-je. 

Elle fronce le nez :

- Pourquoi tu y penses ? Tu es encore là. Tu as hâte de partir ? 

- Non. 

- Pourtant tu as tes amis en Corée. 

- Et je serais ravi de le retrouver. Mais cela n'empêche pas que tu as raison, je suis là pour l'instant, et c'est ce qui compte. 

Elle me sourit puis demande:

- Et ton chocolat, il est bon ? 

- Très !

- Tu l'as pas goûté ! 

- Non tu as raison. 

- Alors tu peux pas savoir. Goûte.

Je ris. Lucy me regarde quelques secondes, avant de rire à son tour. Certains clients se tournent vers nous, mais on sen fiche, et sans trop savoir pourquoi, nous voilà partis dans un fou rire qui n'appartient qu'à nous. Je sens le regard bienveillant de Erin sur nous et je sens la joie de Lucy qui rayonne jusqu'à moi. Plus rien n'a d'importance. 

La magie de Noël est réelle. 

Deux bouts de carton et une ficelle ➳ 𝔉𝔢𝔩𝔦𝔵Où les histoires vivent. Découvrez maintenant