- Il est où Herman ? demande Lucy alors que je la guide vers le café.Nous ne nous arrêtons pas devant la boutique comme à notre habitude, ce qui inquiète immédiatement la petite qui tend le cou vers la vitrine. La pancarte indique "fermé".
- Il ne peut pas nous recevoir aujourd'hui, dis-je en évitant le regard de la fillette.
- Pourquoi ?
Je repense au message que le vieil homme m'a envoyé hier soir pour m'annoncer son hospitalisation en urgence, et mon cœur se sert. Je ne suis même pas autorisé à lui rendre visite, ce que j'ai voulu faire ce matin même. J'inspire et avoue :
- Il est malade, Lucy.
- Beaucoup ?
Je ne peux que hocher la tête tandis que je sens la petite main de Lucy se crisper dans la mienne. Je voudrais détourner son attention de cette information, alors je reprends :
- Je suis désolé pour Bob, je ne sais pas si tu vas pouvoir le finir.
- C'est pas le plus important Felix. Ne t'inquiète pas, je ne suis pas triste pour Bob. Je suis triste pour Herman. Et toi ?
Je hoche la tête, ne sachant même pas quoi dire. Je décide simplement d'être honnête et de parler simplement pour ne pas perdre Lucy :
- Moi aussi...
- Je voudrais le voir, dit elle alors.
Je soupire et avoue :
- Je ne sais pas si c'est possible...
- Mais je voudrais lui dire au revoir.
Je regarde alors la fillette qui fixe le sol en avançant mécaniquement, surpris.
- Quoi ?
- Il est très malade, je ne sais pas si je vais le revoir.
Heurté par la lucidité de Lucy, je ne sais pas quoi dire. Cette petite est bien trop éveillée par la dure réalité de notre monde, à tel point que ça en est douloureux de l'entendre parler de cette manière. Comment peut-elle être si consciente, si terre à terre à cet âge ? Elle m'étonne.
- Et c'est important de dire au revoir. Je n'ai pas pu dire au revoir à Adam.
- Ton grand frère, c'est ça ?
- Hum...
J'ai envie de saisir l'occasion d'en parler avec Lucy. Cette fillette n'a que six ans, mais elle a le droit de faire son deuil comme tout le monde. Je sais qu'elle a besoin d'en parler, et je n'osais pas le faire pour ne pas attiser sa peine. Mais je sens que c'est le bon moment...
- Tu te souviens bien de lui ?
- Pas vraiment, avoue-t-elle. Mais mon cœur oui. Il était trop gentil et il jouait beaucoup avec moi. C'était le meilleur grand frère du monde.
- Et je suis sûr qu'il t'aimait beaucoup.
- J'ai pas trop comprit que j'allais plus le revoir. Même parfois je comprends pas. J'aimerais bien le revoir.
- C'est normal. Tu es encore petite tu sais.
Elle fronce les sourcils :
- Je suis pas petite !
Je souris et rectifie :
- Oui je sais. Tu es très grande pour ton âge.
- Mais je voudrais pas être grande.
Je souris, touché par ces mots :
- Alors essaie de garder ton innocente encore longtemps. Fais comme moi, ne sois pas un vrai adulte, dis-je en riant.
- J'aimerais être comme Erin quand je serai grande.
- Ah oui ? Pourquoi ça ?
- Elle est gentille et très belle.
- Oui, comme toi.
- Non, moi je suis timide. Erin elle brille.
- Chacun brille à sa manière tu sais. Moi par exemple je te trouve rayonnante.
- C'est vrai ?
Je hoche la tête, me souvenant de la lumière que j'ai vu en elle lors de notre première rencontre.
- Oui. Et être timide ce n'est pas un défaut.
Lucy semble réfléchir à mes mots un instant, avant de reprendre :
- Oui mais si j'étais pas timide j'aurais des amis à l'école.
- Est-ce que ta timidité nous a empêché de devenir amis ?
- On est amis ?
- Oui. Tu ne crois pas ?
- Si...
Elle baisse les yeux et murmure :
- Mais je n'ai jamais eu de vrai ami...
- Et bien maintenant tu en as un. Nous allons passer Noël ensemble, puis nous nous reverrons lorsque je reviendrai. Comme des amis. Et ce n'est pas parce qu'on se verra peu que cela changera quelque chose.
- C'est promis ?
- Oui. Et tu sais que je tiens mes promesses. Et puis, tu te feras d'autres amis à l'école en mon absence.
- J'espère... Mais tu seras toujours mon meilleur ami. Tu veux bien ?
- Je veux bien, dis-je en pressant un peu plus la main de Lucy.
Nous poussons la porte du café, soulagés de retrouver la chaleur agréable du lieu après avoir frissonné dans le vent de fin décembre. L'ambiance de Noël est toujours plus présente au fil des jours, et l'excitation des fêtes se fait ressentir chez les gens de manière générale. Les sourires ambiants, les discussion animées... La bonne humeur générale est très agréable.
- Bonjour et bienvenue ! Où souhaitez vous vous asseoir ?
- Erin est pas là ? demande spontanément Lucy. J'ai un dessin pour elle.
La serveuse sourit :
- Non pas aujourd'hui. Elle a eu une urgence.
Lucy sert ma main plus fort et je baisse mon regard vers elle. Elle demande d'une petite voix tremblante :
- Elle aussi elle est malade ?
La femme face à nous secoue la tête en souriant :
- Ho non, pas d'inquiétude ! Elle a eu des contraction ce midi. Son bébé est un prématuré qui avait envie de passer Noël dehors !
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Deux bouts de carton et une ficelle ➳ 𝔉𝔢𝔩𝔦𝔵
FanficLucy est une fillette seule. Elle porte le Soleil au fond de son cœur et attend de pouvoir le diffuser autour d'elle. Elle attend un ami. Felix lui, il a réussi à transmette son Soleil autour de lui. Il revient dans sa ville natale, Sydney pour le m...