Chapitre 1

206 22 8
                                    


Les cris joyeux se répètent en boucle dans ma tête. Les sourires fusent, les jouets pleins les mains et les diverses chansons chantonnées avec amour résonnent partout dans la pièce.

Les couleurs.

Les couleurs pleins les yeux, des rires pleins les oreilles, et encore des rires et des rires.

Le bonheur. Se sentir heureux. Savoir être heureux. Faire en sorte d'être heureux.

Ce sourire que je me colle chaque jour avant de sortir de chez moi. Cette bienveillance que je ressens lorsque mes pieds traversent la pièce. Tout ça, c'est le bonheur.

C'est ici, c'est avec eux que le bonheur existe. Parce qu'en dehors de cette pièce, en dehors de cet endroit, les adultes ne sont que bêtes enragées et assoiffées de désirs non avouables. Des vils créatures pour lesquelles le besoin principal, le besoin vital est leur intérêt personnel, l'intérêt individuel.

L'homme est un loup pour l'homme.

S'épanouir. Ce mot, en réalité, n'est que mensonge.
Tissu de mensonge cousu par ces bêtes elles-mêmes.
Ce bonheur n'est que parole. Fichue trahison.
On ne peut pas ressentir de bonheur entre adultes.
Ces créatures malicieuses, elles sont fausses, désireuses.

Les cartes colorées décorant la salle entière me saluent comme à mon habitude. Les chiffres maladroits, dessinés par leurs propres soins, me font chaud au cœur. Cette douce poésie récitée avec maladresse, une fois encore, me rappelle que l'humain est surplombé d'erreurs.

L'erreur est humaine.

Il n'y a qu'ici que cela sonne vrai, comme un encouragement. Toutefois, cette triste réalité n'est encore une fois qu'un guet apens.

Nous sommes à la fois la proie et la cible.

- Maîtresse, maîtresse, vous voulez bien voir mon dessin, s'il vous plaît ?
Ces voix encore douces, encore fluides, dénuées de malice et transparentes. Ces voix là sont aujourd'hui les seules digne de confiance.
Plus tard, elles ne seront que ruses.

Je souris à mon élève aux magnifiques cheveux roux qui s'élancent en une harmonieuse cascade le long de son dos. Ses yeux verdoyants me témoignent une nouvelle fois de sa sincérité.

Un amour pur et véritable.

Je la prends alors dans mes bras et m'installe près d'elle, l'invitant à me réciter sa poésie après m'avoir fait découvrir son fabuleux dessin.

Le loup et l'agneau.

Étonnant car ces poésies, pour enfants, témoignent en réalité de la cruauté du monde. Quel choix judicieux en vérité, d'enseigner cela à des enfants de primaires.
Les préparer au dur mensonge de la société.
Je les regarde, en un seul coup d'oeil, balayant ainsi la salle de mon regard.
Aujourd'hui, ces enfants sont heureux et épanouis, ils ont trouvés un endroit de confiance. Mais rien n'est éternel, l'angoisse s'ensuit, le stress, la compétitivité. Le désir de réussir, de vengeance, de gagner et de tout détruire.

Ce n'est pas ce que je veux leur enseigner.

L'amour. La bienveillance. Le bon comportement. La compassion. La confiance en soi. Tout cela est pour moi le fondement essentiel de l'homme. Des fondements que l'ont finit par troquer par la rivalité et le désespoir.
Je ne peux pas changer le monde. Je ne peux pas le rendre paisible, je ne peux pas le rendre aux goûts de mes élèves.
Je ne peux rien faire en dehors de ma salle de classe.

À Travers Nos CœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant