Chapitre 15

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Dans le bleu obscur du ciel, la lune montre déjà le bout de son croissant, timide. Quelques étoiles dont les lueurs me rappellent vaguement la veilleuse de ma chambre l'accompagnent, me faisant oublier l'espace d'un instant l'angoisse qui me paralyse depuis que j'ai posé mes fesses sur cette chaise. La terrasse du petit restaurant compte encore moins de monde que son intérieur, chose qui m'étonne un peu car je trouve l'endroit très charmant, avec son petit air à la fois culturel et chic. En plus nous sommes un vendredi soir, je pensais que les gens de cette ville sortaient beaucoup plus...

Dans ma main, mon téléphone signale l'arrivée d'un SMS. Mon cœur loupe un battement lorsque, sans grande surprise, je lis le message de Jordan qui demande où je me trouve. « À une table dehors », je lui réponds. Et sans avoir le temps de compter trente secondes, temps qu'il faudrait à mon cœur battant à tout rompre pour se calmer, je vois apparaître sa grande silhouette à travers la porte arrière du restaurant. Il me cherche un instant du regard mais ne met pas longtemps à me trouver sur cette terrasse presque déserte. Les seuls autres occupants d'une table sont un couple d'adultes mûrs, à six mètres environ.

Je ne sais pas pourquoi en le voyant avancer, je me demande comment il faut que je l'accueille. C'est vrai, c'est la première fois qu'on se voit en dehors de chez lui ou du lycée ; comment on doit se comporter, là ? Je me lève pour lui faire la bise ? Non, trop romantique. Alors je lui serre la main ? Non plus, trop formel.

Finalement je reste assise et il prend place en face de moi en lançant un simple « salut » habituel.

— Tu t'es maquillée ? remarque-t-il, étonné.

— Juste un peu de gloss et du mascara hein, pas de quoi en faire tout un plat.

Au vu de ma gêne, il esquisse un sourire grand et éclatant comme trois soleils, révélant toute la profondeur de ses fossettes.

— Ça te va bien. Je te trouve resplendissante.

— Je le suis tout aussi bien sans maquillage.

Il se moque. Ça m'énerve mais néanmoins, je prends plaisir à le regarder faire. Il a le plus beau sourire de la galaxie.

— Permets-moi d'en douter.

— Quoi ? m'indigné-je. Je ne te le permets pas !

— Tant pis. N'empêche, tu connais le fond de ma pensée.

— Tchiiiip !

Je le toise avec insolence.

— Je suis quand même flatté que tu te sois pomponnée pour moi... Si j'avais su plus tôt qu'être brillant à l'école produisait cet effet chez les filles...

— Tu n'as eu qu'un douze et demi, Jordan ! Ce n'est pas ce que j'appellerais être « brillant ».

— Je sais, Maîtresse, mais avoue quand même que tu es fière de moi.

Mes lèvres s'étirent niaisement malgré le gros effort que je fournis pour ne pas sourire. Il a raison : je suis fière de lui. Mes yeux roulent, les siens pétillent ; j'aimerais croire que c'est mon reflet dans ses iris qui les fait briller ainsi, même s'il y a plus de chance que ce soient les guirlandes de petites lumières dorées tout autour de nous.

Une jeune serveuse l'air jovial, vêtue d'une petite robe faite de tissu Ndop, vient nous demander ce dont nous avons besoin. Sans hésiter une seconde, je commande un plat de Eru tandis que Jordan re parcourt la carte du menu, puis opte finalement pour du poulet.
Une dizaine de minutes plus tard, nos assiettes nous sont apportées, fumantes. Je remarque que Jordan me guette d'une façon curieuse. Je fais semblant de ne pas y prêter attention et tiens mes couverts pour commencer ma dégustation. À cet instant, mon compagnon éclate de rire.

Le roman de Kelly Où les histoires vivent. Découvrez maintenant