𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 16

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Après une nuit lourde de fin d'été, marquée par un orage assourdissant et des éclairs zébrant le ciel, le jour du grand départ était enfin arrivé. Le port de Telmar, baigné dans une lumière dorée, dévoilait le *Passeur d'Aurore*, majestueusement amarré, ses voiles prêtes à capturer les vents lointains. L'heure de l'embarquement était venue, et une certaine tension flottait dans l'air, mêlée à l'excitation et à l'incertitude du voyage à venir.

Sur le quai, Peter, le visage grave, échangeait les derniers détails du plan avec Caspian, Liliandil et Cornelius. Le poids de la mission semblait peser sur chacun de leurs visages, mais la détermination brillait dans leurs regards. Caspian, bien que calme, trahissait par ses gestes mesurés l'importance de ce départ. Une fois les discussions terminées, Peter se tourna vers le pont d'embarquement, prêt à monter à bord. Mais une voix douce, mais ferme, le retint.

— Majesté, je crois que vous pourriez avoir besoin de ceci, lança Roxane en lui tendant son épée, qu'il avait visiblement oubliée.

Peter s'arrêta, pris de court, avant de lui adresser un sourire reconnaissant.

— Merci, je me demande bien comment j'aurais pu m'en passer, répondit-il en prenant l'arme des mains de la jeune femme.

Le sourire sincère de Roxane éclaira son visage avant qu'elle ne s'éloigne, non sans lui souhaiter :

— Que des miracles croisent votre route.

Peter fronça légèrement les sourcils, réfléchissant à ces paroles énigmatiques, avant de reprendre son avancée vers le gigantesque navire. Il gravit le pont d'embarquement, le regard attiré par l'immensité du *Passeur d'Aurore*, impressionné par sa grandeur malgré tout ce qu'il avait déjà vécu.

Susan, habillée d'un pantalon souple et d'un chemisier blanc orné de délicates dentelles, montait à bord à son tour. Son pendentif en or, cadeau précieux du roi Caspian, scintillait doucement à son cou. Ses cheveux, attachés en une élégante tresse entrelacée de fines torsades, glissaient dans son dos. En marchant sur le pont, elle laissait ses doigts effleurer les rambardes, détaillant chaque recoin du navire avec fascination. Elle se souvenait des récits d'Edmund et Lucy sur leurs aventures passées à bord, et il lui semblait irréel de fouler enfin ce même pont.

Elle ne pouvait s'empêcher de penser à Caspian, se l'imaginant ici, à sa place, lors de son premier voyage sur ce navire. Le poids de cette réalité nouvelle était presque étourdissant. Son regard se perdit un instant dans les flots, avant que Lucy ne l'approche doucement, posant une main réconfortante sur son épaule.

— C'est incroyable, non ? sourit la cadette, habillée, elle aussi, de vêtements pratiques, loin des robes traditionnelles.

— Oui, c'est exactement comme tu me l'avais décrit, répondit Susan, sa voix remplie d'émotion.

Pendant ce temps, Edmund, Rix, et Keiran montaient à bord, rejoints par Caspian et Drinian. Ce dernier salua respectueusement les souverains avant de se diriger à la barre, prêt à reprendre son rôle de capitaine, un poste qu'il connaissait bien depuis sa première traversée avec Edmund et Lucy un an auparavant. L'équipage était au complet, y compris Rhince, revenu des Îles Solitaires pour rejoindre la marine royale, laissant derrière lui sa femme Hélène et sa fille Gael.

— Levez l'ancre ! ordonna Drinian, sa voix portant sur le pont.

L'équipage s'exécuta avec habileté, et peu à peu, l'ancre fut hissée. Le *Passeur d'Aurore* commença à s'éloigner du quai, s'enfonçant dans les eaux azurées. Lucy, observant sa sœur, remarqua le pendentif qu'elle portait.

— Susan, ton pendentif est magnifique ! s'exclama-t-elle.

Susan tourna la tête vers Lucy, un doux sourire se formant sur ses lèvres.

— C'est un cadeau, murmura-t-elle, jetant un regard en direction de Caspian sur le pont supérieur.

Le roi croisa son regard et lui rendit un sourire complice. Lucy, comprenant aussitôt l'origine du bijou, se mit à taquiner Susan d'un léger coup de coude. Amusée, Susan secoua la tête et se dirigea vers le bord du navire pour admirer l'étendue d'eau qui s'ouvrait devant elle, la mer se déroulant à perte de vue sous un ciel éclatant.

Peter la rejoignit, rompant la tranquillité du moment.

— Je n'en reviens pas d'être à bord de ce navire après avoir entendu tant d'histoires de Lucy et Edmund, dit-il d'un ton presque rêveur.

— C'est vrai que c'est incroyable, murmura Susan, son regard toujours tourné vers l'horizon.

Peter, toutefois, ne pouvait s'empêcher de laisser son regard dériver vers Caspian, posté à la barre, et Susan, sentant la question venir, se prépara.

— Tu comptes l'épouser ? demanda soudainement Peter, son ton direct surprenant Susan.

Elle manqua un battement, déconcertée par la franchise de son frère.

— Si nous sortons de cette aventure en un seul morceau... oui, répondit-elle finalement, nerveuse mais sincère.

Peter, après un instant de silence, tourna son regard vers les eaux turquoise.

— Je suis heureux pour toi. J'ai vu comment tu étais avec lui. Ce sourire... celui que Stan ne t'a jamais donné, avoua-t-il, la voix emplie de tendresse. Je suis content que tu aies refusé d'épouser Stan, que tu aies pu retrouver celui que tu aimes vraiment.

Susan, émue par ses mots, serra doucement la main de son frère.

— Fais confiance à Aslan, Peter. Tout ira bien, dit-elle, une pointe d'espoir dans la voix.

Peter ne répondit rien, perdu dans ses pensées, ses yeux fixés sur les vagues. À l'autre bout du navire, Edmund scrutait l'horizon à l'aide d'une longue-vue.

— Vous apercevez quelque chose d'intéressant, Majesté ? demanda Rix, curieux.

Edmund abaissa la longue-vue et la rangea avant de répondre avec un sourire.

— Rien de spécial, je cherchais juste à vaincre l'ennui. À vrai dire, mon cousin me manque. Il n'était pas si mauvais en dragon, plaisanta-t-il.

Caspian, qui écoutait non loin, éclata de rire.

— Si Ripitchip était encore là, il confirmerait cette observation, plaisanta-t-il à son tour, un sourire nostalgique éclairant son visage.

Edmund se perdit un instant dans ses souvenirs, pensant à Ripitchip, ce petit guerrier au cœur immense.

— Il vous manque aussi, n'est-ce pas ? demanda-t-il à Caspian.

— Il manque à tout le monde ici. Mais je suis certain qu'il est là où il a toujours rêvé d'être, répondit Caspian avec un sourire mélancolique.

- Maintenez le cap, déclara Drinian s'éloignant de la bar pour laisser les commandes à Rhince.

Le navire continuait à s'éloigner, les montagnes devenant de plus en plus petites à l'horizon. Le soleil, brillant haut dans le ciel, se reflétait sur la mer, projetant des éclats scintillants semblables à des fragments de diamants. Tout semblait paisible, presque irréel. Pourtant, tous à bord savaient que cet océan calme cachait des dangers insoupçonnés, et que chaque mile parcouru les rapprochait un peu plus des tempêtes et des défis à venir.

Narnia : Les souverains , les jumeaux et la boîte de NarniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant