Chapitre 22 - Amaia

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Une fois arrivée à la gare de Toulouse après plus de deux heures de train, je ne perds pas le moindre instant et me jette dans le métro jusqu'à la station Capitole depuis laquelle je me mets à courir jusqu'à l'immeuble de Rim. Lorsque j'arrive devant, l'un de ses voisins sort et je rattrape la porte pour entrer. C'est une chance sinon, j'aurais dû sonner et je sais déjà qu'elle n'aurait pas voulu m'ouvrir. Si elle est là, elle m'ouvrira en pensant que c'est l'un de ses voisins et ne s'inquiètera pas de qui se trouve réellement derrière la porte. Ainsi, je monte les marches deux par deux et gravis les escaliers en quelques instants. Déjà, je martèle à sa porte en croisant les doigts pour qu'elle soit chez elle même si ce serait une erreur de sa part. Personne n'ouvre la porte. Je jette alors un œil dans le judas en espérant y voir un mouvement, mais rien. L'appartement est vide. J'ai beau coller mon oreille contre la porte pour écouter ce qu'il s'y passe, je n'entends pas le moindre bruit. Rien du tout.

Je soupire alors, déçue de ne pas trouver Rim aussi facilement que je l'aurais voulu, même si cela signifie que le gang ne pourra pas non plus la trouver dans un temps particulièrement court. C'est positif mais j'ai bien peur que cela ne suffise pas. Le gang ne s'inquiète pas pour le moment, Grégory ne doit surtout pas savoir que je n'ai plus la main sur Rim, sinon je n'aurai plus la moindre excuse pour qu'il n'agisse pas à ma place. S'il découvre que j'ai perdu la confiance de Rim, pire : qu'elle a entendu notre conversation, je ne fais pas cher de sa peau ni de la mienne. Si j'ai réussi à le persuader qu'il fallait me laisser agir pas à pas avec elle par précaution, il n'y a plus la moindre raison pour lui de se contenir maintenant qu'elle sait tout et qu'elle me hait. Il n'hésitera pas à la tuer s'il la trouve avant moi. Et c'est exactement pour ça que je dois la trouver. Tant pis si elle me déteste et si, même après mes explications, elle ne me croit pas, je dois la sauver. Mon seul objectif à présent, c'est de la protéger. Je me fiche du reste, je me fiche de ma mission. C'est ma faute si elle est dans une telle situation. Si je lui avais tout expliqué dès le début, elle m'aurait cru et j'aurais pu la sauver, mais j'ai été égoïste. Je ne voulais rien dire par peur qu'elle dévoile la vérité à Grégory et que celui-ci me tue avant que je n'aie le temps d'agir. Je m'en veux tellement mais c'est trop tard, je ne peux plus repartir en arrière.

Je décide de quitter l'immeuble et de me rendre au parking habituel de Rim. Si la voiture de location y est, c'est qu'elle est passée dans le coin et alors, il me suffira d'attendre qu'elle revienne de son expédition – si elle réapparaît un jour, mais je dois croire en elle. Si je perds espoir, aucune de nous ne s'en sortira. Rim et moi avons besoin l'une de l'autre, je ne l'abandonnerai pas, jamais. Je ne peux pas m'y résoudre, je dois la retrouver, d'une manière ou d'une autre. Lorsque j'arrive dans le parking, je regarde chaque voiture, mais aucune d'entre elles ne ressemble de près ou de loin à la voiture de location. En revanche, je reconnais la sienne sans la moindre hésitation, à sa place habituelle. Elle n'est donc pas venue à Toulouse. Mais alors où peut-elle être ? Et si elle avait voulu venir mais n'en avait pas eu le temps ? Le gang surveille plutôt bien les routes ces derniers temps, ce n'est pas impossible qu'ils l'aient reconnue et qu'ils aient décidé d'agir, ignorant l'accord que j'ai passé avec Grégory. Une vague de stress remonte le long de mon échine. Ça ne se peut pas, c'est impossible. Rim doit vivre, je dois la protéger. Une larme coule le long de ma joue alors que je médite. J'appelle une nouvelle fois ses téléphones mais atterris sur la messagerie de l'un comme de l'autre. Soudain, je réalise que je peux savoir où elle est sans la contacter. Je préfèrerais ne pas avoir à agir d'une telle manière cependant je n'ai pas le choix, je suis certaine que Rim comprendra.

Ainsi, je me rends à mon appartement et attrape mon ordinateur sur lequel je tapote des codes dans un logiciel. Au bout de plusieurs minutes à répéter des formules que je tape régulièrement, j'accède enfin à la localisation des téléphones. Comme je m'y attendais, celui qu'elle possédait avant notre départ est toujours dans son appartement. Si rien n'a bougé depuis ce jour-là, j'en conclus qu'elle n'est pas venue à Toulouse, pas même pour récupérer des affaires. Son autre téléphone, lui, est localisé à La Rochelle. Putain, mais bien sûr ! J'aurais dû y penser. Il est évident qu'elle est allée chez ses parents. C'est proche de la ville où nous logions et je ne suis pas censée savoir où ils vivent. Et même si c'est un bon endroit où se cacher, j'espère qu'elle aura l'intelligence de bouger rapidement. Dès que le gang va se mettre à sa recherche, c'est le premier endroit qu'ils viseront, et si cela arrive, Rim ne sera pas la seule à mourir. Mais pour le moment, ce qui m'importe, c'est qu'elle soit en vie, c'est qu'elle aille bien. En effet, je peux savoir quand elle a été active pour la dernière fois sur son téléphone et par chance, c'était il y a une minute. Cela veut aussi dire qu'elle a bloqué mon numéro, sinon, j'aurais au moins eu le droit à la première sonnerie avant qu'elle refuse l'appel. Je soupire, ne sachant simplement pas quoi faire. Je suis incapable de me faire à l'idée que ma seule solution est de laisser Rim tranquille. J'ai envie de lui parler d'une manière ou d'une autre mais c'est impossible, elle ne souhaite pas me laisser la contacter. Mais je ne peux pas prendre le risque qu'elle meure avant que je puisse lui dire la vérité. Je me détesterais toute ma vie si je n'avais pas l'occasion de lui avouer tout ce que j'ai vraiment sur le cœur. Elle me détestera sûrement encore, mais elle a le droit de savoir que notre relation n'a jamais été un mensonge. Que cette amitié – bien que je ne sois pas sûre de pouvoir appeler ainsi ce qui nous lie – était réelle, de A à Z. Que tout ce que j'ai dit et fait était sincère lorsque j'étais avec elle. Parce que la vérité, c'est que j'aime terriblement passer du temps avec elle, c'est que je ressens un horrible vide dès qu'elle n'est pas près de moi. Je n'ai jamais ressenti cela et je ne sais pas ce que cela signifie, mais je sais qu'elle devrait le savoir.

Je prends alors une décision. Peut-être pas la meilleure, sans doute la plus dangereuse, mais je ne peux pas simplement ne rien faire, être loin d'elle sans avoir le moindre contrôle sur ce qu'il pourrait lui arriver. En quelques instants, je prépare des affaires et contacte un loueur de voiture qui est prêt à me laisser une voiture dans l'heure qui vient. Je souris, même si cela n'empêche pas mon cœur d'être compressé par la douleur. J'aimerais que tout aille plus vite, mais je dois me rassurer en me disant que pour le moment, Rim ne risque rien. Néanmoins, je reste sur mes gardes. Le pacte que j'ai passé avec Grégory pourrait voler en éclat en quelques minutes. Il suffirait d'une altercation, de choses qui ne vont pas dans sa vie pour qu'il décide de reprendre sa chasse. Je ne peux pas laisser Rim seule face à lui, elle a beau être forte, elle ne fera pas le poids, je le sais. Je ne sais pas quoi faire, je suis perdue à la simple idée que Rim perde la vie, et que ce serait entièrement de ma faute. Je ne mérite pas tout ce qu'elle m'a offert. Ce n'était qu'une amitié – peut-être même moins à ses yeux, mais pourtant, j'ai toujours eu l'impression que c'était bien plus que cela. Comme une relation de sexfriends qui ne requiert pas de sexe. Il est si difficile pour moi de décrire notre relation, surtout lorsque je n'ai jamais connu quelque chose de tel. Oliya était une expérience, quelqu'un qui me faisait du bien lorsque j'en avais besoin. Dylan et Isabel sont ma famille, des gens que je crois aimer, même si je ne suis pas certaine de savoir aimer les autres tant je me hais. Mes parents ne m'ont jamais appris ce qu'est l'amour ni même l'amitié. J'ai dû tout apprendre par moi-même et malheureusement, je me rends maintenant compte que c'est bien loin de suffir, qu'apprendre par soi-même n'est pas toujours la solution et que, quoi qu'il arrive, je ne peux pas imposer un tel fardeau à Rim. Je dois la sauver, c'est l'unique chose qui compte. Une fois qu'elle sera en sécurité, je ne l'approcherai plus, je la laisserai tranquille parce qu'elle mérite une vie simple et joyeuse. Elle ne mérite pas que je reste dans sa vie, elle est un soleil qui ne devrait jamais connaître d'éclipse. Elle mérite de briller de mille feux toute sa vie, sans jamais connaître la sombreur de la nuit.

Déjà, je suis au volant d'une voiture qui n'est pas la mienne et je roule bien au-dessus des limitations de vitesse. Chaque seconde est comptée et je ne peux pas risquer que ma belle Rim perde quoi que ce soit, pas même un cheveu. Le temps s'étire et c'est insupportable, pourtant je parviens à parcourir la distance en moitié moins de temps. Je vais probablement devoir beaucoup d'argent à l'agence de location et ils ne voudront plus jamais me louer une voiture lorsqu'ils apprendront que le permis que je leur ai filé est faux. Ils n'auront aucune manière de me retrouver et l'État pourra aller se faire foutre. Je ne lui pardonnerai jamais de m'avoir privé du moindre support alors que j'étais une enfant dans le besoin. La vérité, c'est qu'il se fiche des gosses qui sont traumatisés dès leur prime jeunesse. Si j'avais pu vivre encore plusieurs années, j'aurais sans doute eu comme projet de les épauler d'une manière ou d'une autre pour qu'ils ne vivent pas des choses aussi horribles que moi, mais c'est impossible, je ne m'en sortirai pas. C'est trop tard, je le sais au fond de moi. Il n'y a plus d'espoir. En revanche, je peux encore sauver la vie de Rim, je prie pour le faire. Je dois le faire.

Heart Beating [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant