Chapitre 21 - Rim

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La nuit est tombée et le film est terminé depuis plusieurs heures. Depuis que Amaia et moi avons décidées que nous allions nous coucher, j'ai dû veiller et résister à Morphée qui tentait pourtant de m'attirer dans ses bras. Je ne fais que bailler et cligner difficilement des yeux, mais je suis plus forte. Par chance, j'ai pensé à emporter avec moi des écouteurs et je peux enchaîner les films les plus haletants et gores possibles afin de lutter du mieux que je le peux.

Je me suis donnée trois heures avant de partir pour m'assurer que Amaia serait profondément endormie. Bien que j'ai utilisé mon téléphone pour rester éveillée, je n'ai pas oublié d'écouter régulièrement la respiration de Amaia pour être certaine qu'elle s'endormait et qu'elle ne se réveillait pas régulièrement au cours de la nuit. Il est à présent deux heures du matin et je ne sais pas encore comment je vais faire pour conduire plusieurs heures. Si seulement aller dormir dans la voiture est suffisant. Malheureusement, je ne prendrais pas le moindre risque et je préfère encore mourir d'un accident en m'endormant au volant que par ses mains. Cela rendrait les choses plus réelles. Je peux encore me laisser croire que je suis folle et que, lorsqu'elle comprendra que j'ai tout découvert, elle me donnera une excuse bien ficellée que je ne pourrais que croire. Cependant, cela n'arrivera pas, parce qu'au fond je le sais, elle n'a aucune excuse. Tout ce que j'ai entendu est réel, c'est la réalité. C'est à moi qu'elle ment, pas l'inverse. Sinon, elle m'aurait tout dit il y a bien longtemps.

Je soupire alors que mon deuxième film se termine. Pendant dix minutes, j'écoute encore la respiration de Amaia et à présent que je suis sûre qu'elle est profondément endormie, je quitte enfin mon lit. J'attrape mes chaussures, mon manteau et à pas de loup, je m'approche du bureau où trônent les clefs de voiture. Une fois que j'ai tout le nécessaire, je quitte discrètement la chambre, refermant doucement la porte derrière moi. Un léger clic se fait entendre et je prie pour que cela ne soit pas suffisant pour réveiller Amaia. Immédiatement, je me mets à courir le plus vite possible jusqu'au parking où je déverrouille la voiture en un instant. Je me jette au volant de celle-ci et démarre sans même prendre le temps d'enfiler mes chaussures.

Une quinzaine de minutes plus tard, après avoir largement quitté le patelin où se situait l'hôtel, je me gare sur le côté de la route et enfile mes chaussures. J'ai réussi, du moins, je crois. Amaia n'a pas d'autre voiture et à moins de voler l'une de celles qui sont garées sur le parking de l'hôtel, elle ne pourrait pas en obtenir une à une telle heure de la nuit. Et ça, c'est uniquement si elle s'est réveillée et a découvert que j'ai disparu. À présent, elle ne peut pas savoir où je suis. Je n'ai pas laissé de trace ni la moindre indication d'où je comptais me rendre. Parce que moi-même, je ne le sais pas encore. J'ai envie de retourner à Toulouse, mais je sais que c'est le premier endroit où elle me cherchera dès qu'elle comprendra que je suis partie. Surtout, je n'ai nulle part où aller dans cette ville en dehors de mon appartement et de la maison de Dylan et Megan. Spoiler alert, elle connaît l'adresse des deux logements, et ainsi, je ne pourrais pas y aller avant qu'elle abandonne d'elle-même sa quête. Ou que son gang décide de la tuer pour trahison. Je pourrais opter pour un hôtel, mais je ne doute pas des capacités de Amaia. Elle fera le tour de chacun d'entre eux jusqu'à me trouver. Elle me trouvera si je rentre, je le sais.

Je réfléchis et pense à aller chez mes parents. Elle ne connaît rien d'eux, du moins pas à ce que je sache. C'est un risque que je prends, je le sais. Je pourrais les mettre en grand danger, mais à cet instant, c'est chez eux que je veux me rendre. Si je dois mourir, je veux pouvoir leur avoir dit au revoir, je veux pouvoir leur dire à quel point je les aime même si, parfois, autant dans le passé que dans le présent, je ne suis pas des plus sympas avec eux. Parfois, mes sentiments prennent le dessus et je dis des choses que je ne pense pas un seul instant. Heureusement, j'ai la chance d'avoir des parents qui m'aiment tellement que malgré tout, ils pardonnent mes excès de colère que je tente de maîtriser du mieux que je le peux avec les combats. Cela ne suffit plus depuis quelques temps cependant. En fait, je dirais plutôt que c'était autre chose qui m'apaisait. Et je hais savoir que cette chose – ou devrais-je dire cette personne – était en fait Amaia. Je dois maintenant apprendre à vivre de nouveau sans elle, seule. Je m'habituais tout juste au déménagement de Megan lorsque j'ai parlé à Amaia pour la première fois. C'était encore tout récent puisqu'elle a déménagé chez Dylan après avoir compris qu'elle y passait bien plus de temps là-bas qu'à l'appartement au point d'y avoir déjà emmené ses animaux. Ils n'en ont jamais discuté et tout s'est fait naturellement, à l'image de leur relation. Elle me manque beaucoup mais elle est si heureuse que cela me comble bien assez.

Je règle finalement le GPS sur mon téléphone en priant pour que Amaia n'aie pas mis de traceur sur celui-ci. Avec tout ça, je deviens parano. Si elle m'a menti d'une telle manière, jusqu'où a-t-elle été pendant que nous étions de soi-disant alliées ? Finalement, je me mets en route en direction de chez mes parents. Je lance au passage la playlist que j'ai construite avec Amaia pendant l'allée. Les souvenirs remontent alors. Tous ces moments que nous avons passés ensemble, qui étaient supposés être des moments où deux êtres solitaires se retrouvaient pour devenir enfin solidaires. Ensemble. À deux. Malheureusement, c'était sans compter que Amaia ne faisait que mentir, qu'elle n'a jamais vu en moins une alliée mais seulement une cible.

Je soupire alors qu'une larme coule le long de ma joue. J'aurais voulu que cela me touche moins que ça, j'aurais voulu être assez forte pour ne pas m'attacher à elle si facilement, ou au moins n'en avoir rien à faire de sa trahison. Pourtant, pour une raison ou une autre, je suis détruite. J'ai l'impression qu'à présent, je suis plus seule que jamais. J'ai l'impression que plus jamais je ne serais capable de ressentir quelque chose de si fort envers quelqu'un, bien que je suis incapable de réellement définir ce que cela signifie. Mais maintenant, cela n'a plus la moindre importance. Maintenant, ma survie est ma priorité. Je ne laisserais personne détruire ma vie alors que j'ai encore de nombreuses années à vivre. Je mérite de vivre et d'être heureuse. Je mérite de m'entourer de personnes dignes de confiance qui sauront m'aimer mieux que Amaia, qui ne me trahiront pas. Des gens comme mes parents, comme Megan, comme Dylan. Comme Thomas, John et Julian, même si je ne les connais que trop peu, je sais qu'ils sont des personnes de confiance. Après tout, ils sont amis avec Dylan depuis leur jeunesse et d'après Megan, même s'ils sont parfois sacrément cons, ce sont aussi les personnes qui comptent le plus pour lui en dehors de sa famille. Je sais que Amaia fait partie de la vie de Dylan depuis sans doute plus longtemps que les garçons, mais je sais aussi qu'elle a été bien moins présente qu'eux au fil des années et qu'ils ne se connaissent pas réellement. Ils ont été là pour Dylan quand Amaia ne l'était pas – c'est-à-dire très souvent. Amaia m'a mentie, mais je sais que Dylan ne sait rien de sa cousine, qu'il en sait encore moins que moi. À vrai dire, même Megan en sait plus que lui puisque c'est la première à qui j'envoie un message lorsque j'ai des choses à dire.

Je lance un regard à l'horloge de la voiture qui affiche trois heures vingt du matin. À une telle heure, Megan dort profondément et je ne peux pas la déranger. Cependant, je me promets de l'appeler demain. J'ai besoin de lui parler, de lui dire tout ce que je viens de découvrir sur Amaia. Je devrais sûrement la rassurer, lui dire que même si Amaia sait qui elle est, elle ne risque rien. Je le sais parce que même si Amaia est une menteuse et m'a trahie salement, il suffit de la voir discuter avec son cousin pour savoir à quel point il compte pour elle. Jamais elle ne ferait de mal à Megan alors qu'il tient à elle plus qu'à sa propre vie. Pourtant, cela ne l'empêchera pas de me tuer, de me torturer. Tant que cela ne touche pas directement Dylan, elle se fiche des conséquences.

Je secoue la tête et me force à rester concentré sur ma route. Je fuis la mort et il est hors de question que je perde la vie en le faisant. Si je dois fuir toute ma vie, alors je le ferais, mais je ne la laisserai jamais me tuer. Si je dois mourir, ce sera autrement, mais jamais en la fuyant et encore moins de ses mains.

Elle pourra me courir après autant qu'elle le veut, je ne lui offrirai jamais le plaisir de voir mon sang couler.

Heart Beating [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant