Chapitre 9 - Amaia

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Je n'en reviens pas. Je prends des risques plus gros que jamais, mais cette fois, c'est plus compliqué. Cette fois, je ne sais pas comment m'en sortir ni comment réussir. Cette fois, tout est différent. Cette fois, je sais que rien ne sera plus pareil et surtout, que je risque ma vie plus qu'avec n'importe quelle autre mission. Celle-ci est bien plus dangereuse, surtout en m'associant avec Rim de cette manière. Sans doute était-ce une erreur de ma part. Peut-être aurais-je dû réfléchir plus longtemps avant de lui proposer de se joindre à moi. J'ai beau savoir que c'était la seule solution, je le regrette déjà. Je sais que je n'avais pas d'autre choix que d'agir ainsi pour faire avancer les choses, cependant j'ai peur d'avoir tout gâché.

Grégory : Tic tac.

Une nouvelle fois, ce rappel vient briser tous mes espoirs, vient me rappeler à quel point je suis longue et mauvaise. Je vais tout gâcher. Je n'y arriverai pas. Et pire, je mourrai pour avoir été si lamentable. Pour ne pas avoir su agir dans des délais assez courts. Je souffle et m'observe dans le miroir qui habille le mur de mon appartement. Celui-ci se situant au centre-ville est plutôt petit, un peu miteux, mais suffisant. L'argent gagné pendant les combats ne me revient pas, m'empêchant de pouvoir louer un appartement mieux que ceux qu'on loue en mon nom, sans en avoir rien à foutre de la salubrité de mon environnement. J'attends le jour où j'aurai enfin la force pour me rebeller, pour le détruire comme il m'a détruite. Il m'a menti, dès la première fois où je l'ai rencontré. Il m'a fait croire qu'en me soumettant à lui, je gagnerais sa protection alors qu'en réalité, ma vie est encore plus en danger qu'avant. Il m'a fait croire que je serais bien plus heureuse que je ne l'étais avant, et en sens, c'était presque vrai. Presque. Jusqu'à ce que je découvre que le mensonge était encore plus gros, jusqu'à ce que je comprenne que je n'étais pas seulement une pauvre biche perdue pour lui.

Je me marre en soignant ma blessure de la veille. Quelle naïve j'étais. Comment ai-je pu croire que ce serait une bonne chose ? Comment ai-je pu tomber dans son piège aussi bêtement ? Je l'ai regretté si rapidement, réalisant dans quoi j'avais mis les pieds. Les meurtres, les vengeances, la drogue, les armes, la torture, la soumission... Toutes ces choses horribles et illégales que j'aurais aimé fuir à l'instant où je l'ai compris. Mais il y avait pire. Il y avait le marquage. On m'a fait croire pendant des mois que c'était le jour où nous recevions la validation du centre, le jour où nous devenions de vrais membres. Personne ne m'a prévenu de ce que j'allais vivre, du fait que ma vie changerait à jamais. Je suis bel et bien devenue membre, mais je ne savais pas par quoi je devrais passer pour l'être. Et le pire c'est que j'ai tout accepté, comme si c'était normal.

Avec le recul, je réalise à présent à quel point rien de tout ça n'était normal. Personne ne devrait vivre ça. Je m'en souviens encore et je crois que jamais je n'oublierai. Au même titre que la brûlure qui marque depuis plusieurs années le haut de ma poitrine. Je me remémore encore ce jour. Ce jour où on m'a menti et que, de sang froid, on s'est permis de brûler mon corps avec un fer pour marquer mon appartenance au gang.

Finalement, je me force à penser à autre chose. Je ne dois pas m'apitoyer sur mon sort. J'étais jeune et désespérée, je ne supportais plus d'être touchée par des hommes bien plus vieux que moi, des inconnus. Cela paraissait être la meilleure solution, à cette époque. Je regrette d'avoir rejoint ce gang, mais en réalité, qui serais-je aujourd'hui, sans ça ? J'étais faible et sans défense, je vivais entourée d'escortes dans un endroit sombre où l'on ne pouvait pas toujours dormir sur des matelas. Je me nourrissais tout juste. Combien de temps aurais-je pu tenir dans une telle situation ? J'ai vu une occasion d'être sauvée et j'en ai profité. Mais je n'arrive toujours pas à savoir si c'était la meilleure ou la pire des décisions. Peut-être aurais-je dû attendre une meilleure option, mais je n'avais que quinze ans.

Amaia : T'es dispo quand pour ton premier cours ?

Il ne faut que cinq minutes pour que Rim me réponde.

Rim : Demain ?

Amaia : OK. 15h ?

Rim : File-moi l'adresse, je serai là.

Amaia : Je te la donnerai une heure avant. Mesure de sécurité.

Elle like mon message et je me retrouve de nouveau seule, face à mes pensées, face à ce qui me tourmente constamment. J'ai besoin d'oublier, j'ai besoin de m'occuper l'esprit. Je change alors de destinataire et envoie un nouveau message.

Amaia : T'es dispo ?

Olyia : Ouais. Envie d'oublier ?

Amaia : Oui. J'arrive chez toi dans dix minutes.

Je range alors mon téléphone dans la poche de ma veste et enfile celle-ci. Je me chausse et, finalement, je quitte mon appartement pourri pour rejoindre Olyia. Elle et moi avons vécu la même chose. Elle fait, elle aussi, partie de celles qui se sont faites marquer. Mais grâce au pacte qu'elle a passé avec le boss, elle a réussi à se libérer. Nous avons passé plusieurs années ensemble, partageant les mêmes traumatismes. Et de fil en aiguille, cette relation a évolué et rapidement, nous avons décidé de passer au-dessus de tout ça ensemble. Ainsi, quand nous avons besoin d'oublier, nous nous retrouvons pour boire un verre et partager un moment intime qui est toujours agréable, même si aucun sentiment ne fait partie de l'équation.

Elle est seulement utile pour ne penser à rien et vivre un bon moment. C'est toujours court, mais c'est aussi et surtout agréable. Elle me permet seulement de m'échapper de la réalité, le temps de quelques minutes. Et d'oublier cette mission, et ce dans quoi je me suis engagée avec Rim. Je ne sais pas où toute cette histoire ira, peut-être que tout se passera bien. Ou peut-être que tout se passera mal. Je suis incapable de savoir, incapable de voir dans le futur.

Il ne me faut que quelques minutes pour rejoindre l'appartement de Olyia, bien plus beau et spacieux que le mien. Je suis jalouse d'elle. Je rêve d'avoir un appartement comme celui-ci. Je rêve de pouvoir être enfin libre après toutes ces années de soumission. Pourtant, je sais que jamais il ne me laissera partir. Parce que je lui suis bien trop utile, mais surtout parce que je compte pour lui. Quand j'étais plus jeune, j'ai continué à m'améliorer pour devenir son meilleur élément, j'avais besoin de prouver qu'on ne m'avait pas recueillie pour rien. Et j'avais soif de pouvoir. Je savais qu'en devenant la meilleure, je gravirai les échelons jusqu'à devenir le bras droit du boss. Mais ça, c'était bien avant de découvrir la vérité. Je regrette de m'être moi-même piégée dans une prison dont je suis à présent incapable de sortir. Il est trop tard pour agir seule. C'est pour ça que j'ai besoin de Rim. Sans elle, il m'est impossible de réussir. Sans elle, je suis seule face à cette armée d'hommes et de femmes soumis à une seule et même personne.

Mais enfin, je peux tout oublier. À présent débarrassée de ma veste et de mes chaussures, Olyia s'approche de moi avec un sourire. C'est une belle femme. Elle est captivante tant sa beauté rayonne. Pourtant, elle ne vaut rien comparée à Rim. Cette femme est forte, magnifique, captivante, charismatique, et j'en passe encore. Ne pouvant cependant que me contenter de Olyia, je la laisse venir à moi et, lorsqu'elle est suffisamment proche de moi, mes lèvres se posent sur les siennes.

Ce n'est que temporaire, seulement pour oublier.

Heart Beating [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant