Chapitre 21 - Elden

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Arg ! Pourquoi je me suis laissé avoir aussi facilement ? Pourquoi j'ai laissé ces lianes me traverser la jambe sans rien faire ? Peut-être me suis-je reconnu dans les paroles de Doryl. Probablement ai-je approuvé sa façon d'être, de parler. Il a raison, je suis un monstre. Quand il a dit "vous", je suis sûr qu'il s'adressait à moi. Quoique ça ne me dérange pas plus que ça, je le savais déjà de toute manière. En revanche, je ne l'avais jamais vu comme ça. Il avait l'air fou ! Il devient comme moi. Enfin presque. Tout à l'heure, quand il s'est évanoui à cause du sang, je n'ai pas pu m'empêcher de rire.

C'est sûr qu'il ne sera pas un roi qui aime la guerre ! Encore faudrait-il que je sois encore vivant pour voir cela. J'ouvre les yeux péniblement. J'étais si bien dans mon sommeil. Un peu trop pour qu'il ait l'air naturel. J'ai mal partout. J'essaie de bouger, mais j'en suis incapable. Je cligne plusieurs fois des yeux, afin de préciser ma vision et être capable de voir où je me trouve, dans quel état est ma jambe et pourquoi je suis incapable de remuer le moindre membre. Peut-être est-ce du poison ?

Non, cela m'étonnerait que Doryl, qui maîtrise à peine ses pouvoirs, arrive à générer du poison. Ma vue devient plus nette et je peux remarquer que le mur sur lequel j'ai été propulsé m'est tombé dessus. Et je suis coincé sous les morceaux de bois et métal. Je m'étonne de ne pas être encore mort sous le poids des débris et de l'impact de mon dos. Je n'ai été transpercé qu'à la jambe, et c'est par la racine de Doryl.

Normalement, je ne devrais même plus être en mesure de penser. J'essaie à nouveau de bouger un bras, mais je n'y parviens toujours pas. Mais pourquoi donc ? Je suis un Survivant, donc je suis de constitution forte. Je devrais être capable de soulever cette toute petite charge. Je dois être encore un peu sonné... Et si je me rendormais ? Ça me semble être une bonne idée...

***

Je me réveille d'un sommeil sans rêves. Cette fois, je ne me réveille pas au milieu de planches et de métal avec une odeur de sang flottant dans l'air, mais dans un lit douillet. Ce que je vois en premier me donne immédiatement envie de retourner dans mon sommeil sous les planches.

- Enfin réveillé, on a cru que ça n'arriverait jamais, me fait Jux.

- Moi non plus, je grogne.

En réalité, j'aurais préféré ne pas me réveiller si c'était pour savoir cet imbécile toujours en vie, et probablement mon sauveur.

- Par pure curiosité, qui m'a sauvé ? je demande.

- Moi bien sûr !

Je soupire, il fallait que ce soit un idiot comme lui qui me sauve, bien évidemment. Je passe pour qui moi maintenant ? Pour un incapable, surtout devant Doryl... Doryl ! Je me redresse d'un coup et sors de mon lit, ignorant ma jambe blessée.

- Attend Elden, tu n'es pas encore guéri ! Et tu es... tu n'as pas...

Il a l'air gêné. Je baisse les yeux et comprends immédiatement pourquoi. Je tire la couverture et me couvre avec.

- Tu ne pouvais pas le dire plus tôt, imbécile ?! Pourquoi vous m'avez, pardon TU m'as désapé ?

- C'était pour désinfecter la plaie à ta jambe et voir si tu n'en avais pas d'autres ailleurs... Désolé.

J'ai carrément envie de le gifler. Et je ne me gêne pas. Je n'avais même pas besoin de ses soins superflus. J'ai une très bonne constitution qui me permet de mieux guérir que la grande majorité des espèces. Maintenant, je vais aller chercher Doryl et lui demander quelques explications.

- Où est-il ? je demande.

- Qui ?

- À ton avis ? Je cherche le pape !

- Tu me donnes une gifle et tu t'attends à ce que je te dise où est Doryl, ton petit protégé ? Tu peux te brosser.

- T'en veux une deuxième ? je le menace en levant mon poing.

- Non, non, c'est bon... Il est dans la chambre en face.

- Mince, j'avais tellement envie de te refaire le portait...

- Tu vas y aller comme ça ? il me demande.

- T'es con ou tu le fais exprès ?

- Ton pantalon, ton masque et ta cape sont là.

Il m'a enlevé aussi mon masque ? Je touche mon visage et j'ai la confirmation d'avoir le droit de lui signer son arrêt de mort. Tant mieux, une personne inutile en moins dans les dimensions. Je m'habille tranquillement avant par contre. Au moment de remettre mon masque, mes lèvres forment un rictus et mes yeux pétillent rien qu'à l'idée du prix d'une âme d'un Magicien, ou même de son goût.

Sûr que je pourrais couler des jours heureux ! Je me retourne et fonce en levant le bras droit, prêt à l'abattre sur Jux pour en faire une brochette. Sauf qu'il n'est pas derrière moi. Je lève les yeux, les méchants attaquent toujours au-dessus de leur adversaire. Et j'ai raison, mais il ne fait que m'observer avec toute sa suffisance. Il a l'air super détendu. Il le sera moins quand je vais trouver un moyen de l'attraper et de le transpercer de ma lame.

- Conseil d'ami, ne tente pas de sortir de cette chambre.

- Et c'est toi qui vas m'en empêcher ? je demande en ricanant.

Je n'écoute pas son conseil et marche vers la porte. Au moment où j'arrive pour ouvrir la poignée, elle s'ouvre et la moitié de mon visage avec. Je recule et sens un liquide couler venant de mon nez et de ma tête. Au même moment, j'entends un cri dans la pièce d'à côté.

- Tu n'y es pas allée de main morte, Fryn, tu as pensé à la pauvre Vena ?

- Qu'est-ce que Vena a à voir dans le fait que Fryn a ouvert la porte comme une personne normale ne les ouvre pas ? je demande en lui lançant un regard plein de colère.

Elle me fait un sourire désolé. Je ne sais pas si ça existe, mais celui qu'elle me fait en est clairement un. Je commence à me masser le nez, il n'a pas l'air d'être cassé. Tant mieux pour elle. J'attends que Jux m'éclaire sur ma question.

- Eh bien, tu as entendu un cri à l'instant ? C'était celui de Vena, me fait Jux.

- Et alors ? Elle a dû se cogner, je réponds.

Ils soupirent tous les deux en même temps. Qu'est-ce qu'il y a ? Tout le monde se blesse, quoi de plus normal ?

- Tu es si insensible. Mais ce n'est pas le sujet. Tout à l'heure, quand tu étais sous les décombres, tu ne pouvais pas soulever les planches, alors que j'ai le souvenir que les Survivants sont capables de soulever de très lourdes charges. Je me trompe ? il continue.

- Tu as raison. J'ai mis ça sur le compte du choc.

Pourquoi il ne descend pas de son perchoir ? Il veut jouer au chat et à la souris apparemment.

- Eh bien, figure-toi qu'au même moment, reprend-il, quelque chose a recouvert Vena, l'empêchant d'être fracassé contre le sol par la plante de Vena, cinq mètres plus bas.

Tient, tient, ce qu'il raconte commence à m'intriguer...

- Et devine quoi ? Depuis tout à l'heure, elle a une douleur à la jambe, pile là où tu as reçu la racine de Doryl. Et elle a eu mal au ventre quand je t'y ai attaqué.

Je ne la sens pas du tout son histoire là.

- Ne me dis pas que...

- Si. Toi et Vena êtes liés.

Il n'a pas besoin d'en dire plus pour que je comprenne que tous les combats que j'ai faits, tous les coups que j'ai reçus, quels qu'ils soient, ont fait du mal à Vena, et peut-être bien plus que ce que je pense. Même toutes les excuses, tous les mots que je pourrais lui dire, ne seront pas suffisants pour me faire pardonner auprès d'elle. Quoi que je fasse, je fais du mal autour de moi, même involontairement...

Les SorteliersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant