6 - Les bois

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  Attends, QUOI ? J'ai beugué un moment, puis je me suis mise à parler à toute vitesse.

   — Comment ça, vous êtes des sorcières ? En mode, des sorcières avec des pouvoirs ? Vous avez des pouvoirs magiques ? La magie existe ? C'est une blague. Impossible. Si la magie existe, les sorcières aussi, si ça se trouve les vampires aussi ! Et les loups-garous ! Mes chances de rencontrer Edward Cullen ne sont pas totalement vaines ! Sauf que si, évidemment, c'est un bouquin, et...

   J'ai pris une grande inspiration et le contrôle de mon cerveau. Les filles me jetaient des regards interloqués. Elle ne devaient pas s'attendre à ça DU TOUT.

   — Prouvez-le moi, j'ai dit d'une voix calme. Et expliquez-moi tout.

   Elles échangèrent à nouveau des regards.

  — On va commencer par les explications, je crois, dit Cassandra. Ce sera plus simple. Ambre, si tu veux bien t'en charger.

  Celle-ci hocha la tête, et demanda d'une voix timide :

  — Je commence par quoi ? Le début des sorcières, nous, ou nos capacités ?

  — Commence par vous.

  Alors elle a parlé. Sa voix avait perdu sa timidité, et elle-même ne paraissait plus si impressionnée. 

  — Les mères des filles sont sorcières aussi. C'est pour ça que quand elles sont nées, elles savaient comment s'en occuper. Zélie, Louane et moi, on n'a pas eu cette chance. On est nées dans des familles humaines. Des choses étranges sont arrivées, et nos parents ont eu peur et n'ont pas voulu nous garder. Camila et Inez nous ont trouvées quand nous étions petites, et nous ont adoptées.

  Je remarquai qu'Eleanor avait entouré les épaules d'Ambre de son bras. Zélie et Louane revenaient vers nous, des brassées de fleurs dans les bras.

  — En fait, la magie est un peu comme une petite fille, constamment en manque de compagnie. Les humains normaux ne la voient pas, mais les sorcières peuvent en quelque sorte communiquer avec elle et lui demander ce qu'elles veulent. Mais ça prend des années avant de savoir la contrôler. C'est pour ça que c'est dangereux de laisser des petites sorcières seules, parce qu'elles pourraient faire des dégâts sans même le vouloir. Regarde.

  Elle leva la tête.

  — Réchauffe-moi.

  Et elle s'enflamma. Je poussai un cri d'effroi. Mais aussitôt, les flammes cessèrent, et Ambre reparut, sans aucune brûlure, les vêtements intacts.

  — Tu vois ? 

  Je fis oui de la tête, tremblante.

  — Tu... tu n'as rien ?

  — Non. J'ai demandé un feu dont je contrôlais la température. Cela prend beaucoup de temps avant de réussir à créer quelque chose que l'on contrôle totalement. Il faut sans cesse penser à toutes les éventualités. Si une toute petite sorcière avait demandé la même chose, il aurait pu se passer absolument n'importe quoi.

  Au même moment, Zélie, qui s'était accroupie devant une plante qui avait tout juste commencé à germer, lui ordonna :

  — Pousse plus vite, deviens une fleur !

  La plante commença à trembler, à se transformer. Elle grandit, grandit, et finit par devenir... Une plante carnivore de cinquante centimètres de haut. Qui claqua au nez de la petite fille. Celle-ci poussa un grand cri et tomba sur les fesses. Je vis Mégane agiter légèrement la main, et la plante frissonna et retourna à son état d'origine.

  — Merci Zélie, c'était l'exemple parfait.

  La fillette, plus effrayée du tout, nous offrit un grand sourire. J'essayai de digérer tout ce que j'avais appris. C'était dur.

  — Donc vous êtes des sorcières. Ma meilleure amie est une sorcière. Je... je crois que j'ai besoin de m'asseoir.

  Je m'effondrai par terre. Eleanor s'assit à côté de moi et les autres s'éloignèrent pour nous laisser de l'espace. Mon amie m'entoura les épaules de son bras, comme elle l'avait fait pour Ambre tout à l'heure.

  — Est-ce que ça va ?

  J'avais du mal à respirer et je sentais la nausée monter.

  — Summer ! Summer, est-ce que tu m'entend ?

  Je n'arrivais plus à parler.

  — Concentre-toi sur ma voix. Respire en même temps que moi. Ça va aller. Tout va bien aller, d'accord ? Pour l'instant, concentre toi sur ma respiration. 

  Je fis ce qu'elle me demandait, et au bout d'un moment, je me calmai.

  — Ça va mieux ? 

  J'aquiescai. Je retrouvais le contrôle.

  — Ça t'arrive souvent ?

  — Non. J'en faisais quand j'étais petite, pendant le divorce de mes parents. Puis ça c'est arrêté. J'en ai refait une ou deux après que ma mère...

  Ma gorge se bloqua. La main d'Eleanor dessinait des cercles dans mon dos, et ça m'aidait à me calmer. Je pris une grande inspiration avant de prononcer les mots qui me faisaient si mal.

  — Quand ma mère est morte...

  Ma voix se brisa et je me laissai aller contre l'épaule d'Eleanor. Celle-ci resta un moment silencieuse puis finit par dire :

  — Je suis désolée. Pour ta maman, et pour avoir provoqué ta crise.

  Décidant de changer de sujet, je demandai :

  — Comment tu as su que je faisais une crise d'angoisse ? Et comment réagir ?

  — Quand Ambre est arrivée, elle avait six ans, et moi onze. On partageait la même chambre, et elle se réveillait souvent de ses cauchemars en criant et avec des crises d'angoisse. Avec le temps, j'ai appris ce qui lui faisait du bien, et elle est allée mieux.

  — Tu les aimes beaucoup, toutes les trois, non ?

  — Énormément. Quand elles sont arrivées, elle étaient si petites et terrifiées... Ce sont mes sœurs au même titre que les autres.

  On est restées un moment silencieuses.

  — Bon, il est dix-huit heures trente, on ferait mieux d'y aller avant que ton père n'arrive.

  — Bien sûr.

  On n'a pas bougé. J'ai poussé un soupir un soupir et j'ai fini par me lever. J'ai regardé autour et découvert que la clairière était vide.

  — Où elles sont passées ?

  — Elles sont rentrées. Allez vient maintenant, on va être en retard.

  On  marcha en silence jusqu'à ce que la maison soit en vue. La voiture de mon père était garée devant.

  — Eleanor ?

  — Oui ?

  — Mon père n'est pas au courant pour... les crises. Est-ce que tu pourrais éviter de lui en parler ?

  — Tu es sûre ? Il pourrait t'aider.

  — Sûre. Je veux pas lui causer encore plus de soucis.

  — D'accord.

  — Oh, et merci de m'avoir tout raconté. A propos de la magie, et tout ça. Ça fait plaisir que vous ayez confiance en moi.

Les sorcièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant