8 - L'attente

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  Je restai quelques secondes sous le choc. Puis je me ressaisis. J'entendais Eleanor pleurer au téléphone.

  — Eleanor, t'es chez toi ?

  — Je... Oui. Ma mère et Camila ne sont pas encore rentrées.

  — Ok, ne bouge pas.

  Je dévalai les escaliers et vint me planter face à mon père.

  — Il faut absolument que tu m'emmènes chez les Fernandez.

  — Quoi ? Mais, Summer, il est presque dix-neuf heures !

  — Papa, c'est super important ! Ambre a disparu !

  — Disparu ?

  — Oui ! Et sa mère n'est pas là ! Je t'en prie, il faut absolument que j'y aille !

  — Bon, d'accord.

  Je me précipitai dans la voiture, et mon père se dépêcha de me conduire à la maison à la lisière de la forêt. Je courus et frappai. Presque aussitôt, Suzanne m'ouvrit. Elle avait l'air au bord de la crise de nerfs.

  — Oh, Suzanne, je suis désolée. 

  — C'est Eleanor qui t'a appris, hein ?

  Je hochai la tête.

  — Eh bien, puisque tu es là, tu peux aller la voir. Elle est en haut avec les petites.

  Mon père s'approcha. 

  — Vous avez prévenu la police ?

  Suzanne hocha la tête.

  — On a cherché partout où elle pourrait être. Elle n'est nulle part.

  — Vos parents rentrent bientôt ?

  — Non, Inez nous a prévenu qu'elles avaient des affaires urgentes, et qu'elles ne pourraient pas être là avant vingt-deux heures, mais c'est assez régulier, donc ce n'est pas trop de ce côté-là que je m'inquiète...

  — La police est déjà passée ?

  — Non, on les attend d'une minute à l'autre.

  — Très bien, a dit mon père. Je vais rester au cas où ils auraient besoin d'un adulte.

  — Merci, mais ce n'est pas nécessaire, Alizée et moi avons toutes deux plus de dix-huit ans. Summer peut rester dormir à la maison, ce n'est pas un problème. Nous lui prêterons des affaires.

  — Oh ? Très bien. Eh bien, à demain, Summer...

  — A demain.

  Pour être honnête, j'avais hâte qu'il parte. C'était tellement gentil de la part de Suzanne de lui avoir proposé que je reste !

  Dès que la porte fut fermée, je remerciai Suzanne et montai l'escalier en courant et toquai doucement à la porte de ma meilleure amie.

  — Entrez, dit une petite voix.

  Je m'exécutai et découvrit Eleanor allongée sur son lit, en pleurs.

  — Summer ! J'ai cru que tu n'arriverais jamais !

  Je m'assis à côté d'elle et ouvrit les bras. Elle s'y réfugia sans cesser de pleurer.

  — Si tu savais comme je suis inquiète...

  — Que s'est-il passé ? demandai-je d'une voix douce.

  — Elle était rentrée après les cours, comme d'habitude, et après le goûter elle a déclaré qu'elle allait lire au jardin. Comme il faisait un peu frais, personne n'a voulu l'accompagner. Au bout d'une demi-heure, on s'est rendu compte qu'elle n'était plus là. Il n'y avait que son livre qui traînait par terre, dans la boue.

  Je frissonnais. Ça m'avait tout l'air d'un enlèvement. Et si quelqu'un s'était introduit dans leur jardin, il aurait pu faire du mal à chacune d'elle.

  — Où sont les petites ? Elles ont été mises au courant ?

  — Avec Alizée. Et c'est Louane qui a vu par la fenêtre de leur chambre qu'Ambre n'était plus sur la balancelle. Elles sont descendues toutes les deux et Zélie a découvert le livre.

  — Oh, soufflai-je.

  Eleanor se calma petit à petit, grâce aux techniques qu'elle avait utilisé sur moi hier. Hier... C'était seulement la veille que les filles m'avaient avoué leurs pouvoirs. Ambre m'avait donné l'impression qu'elle savait énormément de choses à propos de la magie, et des sorcières... Et soudain, je me figeai.

  — Est-ce que... est-ce que ça pourrait avoir un rapport avec ce que vous m'avez dit hier ?

  Eleanor se redressa, pensive, puis répondit :

  — Je ne crois pas, non. Nous ne connaissons personne qui aurait pu lui en vouloir pour ça. Il n'y a pas de règles communes à toutes les sorcières. En fait, il n'y a pas vraiment de communauté ou de choses comme ça. Chacune vit dans son coin, en espérant ne pas faire trop de bruit pour que les autorités soient au courant de nos dons. 

  Cela signifiait aussi qu'en cas de problème, on était seules.

  Quelqu'un toqua soudai à la porte, et cela nous fit sursauter. Cassandra passa la tête dans l'embrasure.

  — Les filles, la police est là, il faut que vous descendiez.

  On se dépêcha d'arriver en bas, où deux agents faisaient raconter toute l'histoire à Zélie et Louane.

  Une fois que toutes les dépositions prises, les agents nous assurèrent qu'ils feraient leur possible pour retrouver Ambre, et qu'ils feraient des battues dans les bois. 

  Leur visite ne nous avait pas vraiment apaisées, et la tension continuait à monter au fur et à mesure que les heures défilaient. Chacune mangea rapidement, l'appétit coupé. 

  Inez et Camila rentrèrent vers vingt-deux heures, comme elles l'avaient dit. Elles étaient encore plus anxieuses que nous, mais réussirent à convaincre les petites d'aller se coucher, et installèrent un matelas dans la chambre d'Eleanor pour moi.

  On est restées toutes les huit en bas. Le temps passait affreusement lentement, et était divisé entre attente douloureuse et silencieuse, et réconfort de l'une ou de l'autre quand elle s'inquiétait trop et passait proche de la crise de nerfs.

  Enfin, vers trois heures du matin, on toqua à la porte, ce qui nous fit sursauter. Suzanne alla ouvrir et poussa un cri. Des policiers se tenaient à la porte, et l'un d'eux portait Ambre, inconsciente et couverte de sang.

Les sorcièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant