15
Quelques jours plus tard, Adèle se réveilla complètement nue, dehors, au pied d'un calvaire situé en plein milieu du cimetière catholique. Elle soupira. Il ne lui était plus rien arriver d'anormal depuis que la bête était apparue à sa fenêtre. Elle aurait dû se douter que cela ne durerait pas. Ses ennuis ne pouvaient pas s'interrompre du jour au lendemain sans explications.
La fois précédente où Adèle s'était réveillée dehors entièrement dévêtue, elle savait comment elle s'y était retrouvée. Cette fois-ci, ce n'était pas le cas. La dernière chose dont se souvenait la jeune fille était qu'elle lisait un livre dans sa chambre, la veille au soir. Adèle fit quelques pas entre les tombes puis regarda le bois. Celui-ci se trouvait juste derrière le cimetière. La proximité de ce lieu l'inquiétait. Adèle s'immobilisa. Elle venait de voir une sépulture au nom de son frère ! En y regardant de plus près, elle constata avec soulagement qu'elle avait mal lu. Ce n'était pas le bon nom de famille bien qu'il ressemblait beaucoup au sien. Quant aux dates, elles ne correspondaient pas du tout. La personne enterrée à cet endroit était morte bien avant la naissance du Félix qu'Adèle connaissait. La jeune fille entendit tout d'un coup quelqu'un chantait au loin.
— Promenons-nous dans les bois tant que le loup n'y est pas.
La chanson provenait du bois. Adèle s'y précipita donc, pensant ainsi retrouver Tiffany.
16
À peine Adèle venait-elle d'entrer dans le bois que la chanteuse au loin s'exclama :
— Le loup est arrivé !
Il n'y eut plus le moindre bruit pour troubler le silence du bois à l'atmosphère de plus en plus angoissante. Adèle accéléra le pas, pensant avoir encore une chance de rattraper la chanteuse. Au bout d'un moment, il lui fallut toutefois bien reconnaître son échec. La personne qui avait chanté n'était manifestement plus dans les parages. Adèle fit demi-tour et constata avec effroi que l'agencement des arbres, buissons et autres végétaux avait complètement changé. Au fur et à mesure qu'elle marchait, il devenait de plus en plus évident qu'elle s'était perdue. Le bois lui semblait être devenu un sinistre labyrinthe végétal. Elle chercha désespérément la sortie, sans succès. Ses pas la conduisirent à la tombe de Yellow. Adèle frissonna en repensant à ce qui s'était passé la fois précédente où elle avait trouvé cette sépulture. Craignant que cela se reproduise, elle eut d'abord l'intention de repartir tout de suite, mais n'en fit rien finalement. Elle venait d'entendre des branches craquer. Quelqu'un approchait. Peut-être était-ce Tiffany. À moins que ce ne soit la bête. Il était trop tard pour fuir. La personne qui arriva se révéla n'être ni la bête ni Tiffany. C'était un garçon entièrement nu, ayant l'air très légèrement plus âgé qu'Adèle. La jeune fille fixa du regard l'organe qui pendait entre les jambes de cet individu. Après quelques instants, le garçon plaqua ses mains contre sa verge. Adèle releva alors la tête et s'aperçut que l'individu lui faisant face essayer de lui parler. Elle rougit en comprenant que le garçon n'avait dissimulé son sexe que pour qu'elle cesse d'y prêter attention et remarque enfin qu'il tentait de communiquer. Le problème est qu'il avait beau parler, aucun son ne sortait de sa bouche.
— Je n'entends rien, s'excusa Adèle. Je ne comprends pas ce que vous voulez me dire.
Un chat arriva. C'était celui qu'Adèle avait rencontré près du cimetière protestant. Il se tint aux côtés du garçon.
— Vous êtes Yellow ? en déduisit Adèle. Dans ce cas, vous êtes un fantôme ?
Puis Adèle réalisa que sa supposition était peu probable. Le garçon face à elle avait l'air bien trop jeune par rapport à l'âge que devait avoir Yellow à sa mort. L'individu face à Adèle continua d'essayer de parler, comme il était possible de le voir aux mouvements de sa bouche, laquelle ne produisait pourtant pas le moindre son.
— Dommage que je ne sache pas lire sur les lèvres, commenta la jeune fille.
Voyant qu'il n'arriverait pas à se faire comprendre, le garçon s'en alla. Le chat l'accompagna. Adèle les suivit. Des lianes jaillirent des arbres et des buissons. Elles s'enroulèrent autours des poignets et des chevilles de la jeune fille, l'immobilisant. Adèle se rappelait très bien ce qui s'était passé la dernière fois que cela lui était arrivé. Évidemment, ce souvenir ne la rassurait pas du tout, bien au contraire.
— Attendez ! supplia-t-elle. Aidez-moi à me libérer !
Le garçon s'arrêta et la regarda, puis il repartit avec le chat. Dès qu'il fut hors de vue, les lianes relâchèrent Adèle. Elle se précipita dans la direction où le garçon était parti, espérant encore pouvoir le rattraper, mais celui-ci avait disparu sans laisser de traces. Idem pour le chat.
17
Après sa rencontre avec l'étrange garçon près de la tombe, Adèle parvint facilement à sortir du bois. Le fait qu'il soit tantôt facile, tantôt difficile de le quitter la conforta dans son opinion que la configuration des lieux changeait fréquemment, comme par magie. De retour chez elle, Adèle retrouva dans sa chambre les vêtements qu'elle portait la veille. Ceux-ci étaient en lambeaux.
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La bête de Contiacum
HorrorUne jeune fille emménage dans un petit village où elle se fait presque aussitôt attaquer par une grosse bête. Elle est ensuite confrontée à de nombreux phénomènes étranges.