La bête de Contiacum

Chapitre 9

20

   Adèle se réveilla attachée à une grande croix en bois dans une grande salle. La lumière du soleil inondait la pièce en passant par de grandes fenêtres. La position dans laquelle Adèle se trouvait lui rappelait ce qu'elle avait vu à l'intérieur de l'église. Tiffany entra dans la salle. Elle se mit face à Adèle.

— J'espère que tes liens sont suffisamment serrés pour que tu ne puisses t'en défaire, mais pas assez pour qu'ils te fassent mal. Tu comprendras cependant qu'en aucun cas je ne les desserrerai.

— Où sommes-nous ? voulut savoir Adèle.

— Dans le château du XVIIIème siècle dont je t'ai déjà parlé, répondit Tiffany. Tu sais, malgré les apparences, je t'aime bien. Ce que je vais te faire, ce n'est pas de gaieté de cœur.

— Tu m'as mise en croix ! protesta Adèle. C'était l'un des pires châtiments dans l'Empire Romain !

— C'est symbolique si je t'ai attaché à une croix tel le Christ, se justifia Tiffany. D'après ce que je comprends de la religion chrétienne, Dieu a laissé son fils, Jésus, se faire crucifier en guise de sacrifice.

— Ce n'est pas vraiment l'interprétation que j'ai de cette histoire, répliqua Adèle.

— Or, l'ignora Tiffany, pour atteindre mon objectif, je vais devoir te sacrifier en dépit de l'amitié que j'ai pour toi. Comme je te l'ai dit tout à l'heure, les sacrifices peuvent être nécessaires. Tu ne dois pas voir ta mise en croix comme une humiliation, mais comme un hommage ! La preuve, c'est qu'en l'honneur du Christ, des calvaires ont été édifiés. Je dois toutefois avouer que je suis jalouse de toi. Cela fait treize ans que j'habite Contiacum et je n'ai jamais pu trouver la pierre tombale de Yellow. Toi, tu la trouves dès le premier jour où tu arrives ici.

— Je n'y peux rien.

— Je sais. Vois-tu, je connais quelques sorts de magie noire, que j'ai d'ailleurs testés sur toi sans jamais savoir s'ils ont fonctionné.

— Alors, c'est toi la responsable de toutes les choses étranges qui me sont arrivées, comprit Adèle.

— C'est possible, mais pas forcément. À ce qu'il parait, une fois que l'on trouve la tombe de Yellow, on voit souvent des phénomènes étranges ensuite. Pour en revenir à ce que je disais juste avant, je ne connais que quelques sorts minables, sans grands intérêts et peu fiables. Or, en trouvant les manuscrits rédigés par Yellow, je pourrai en apprendre des biens mieux. Ces écrits sont censés se trouver dans son laboratoire secret, dont je soupçonne l'entrée d'être cachée par sa sépulture.

Tiffany tourna le dos à Adèle et réfléchit un moment. Puis elle reprit parole.

— La première fois que je t'ai rencontré sous ma forme de loup-garou, c'est parce que je passai près de ta maison par hasard et j'ai senti l'odeur de la chair fraîche. À ce moment-là, je suis sûre que tu n'avais encore jamais mis les pieds dans le bois. Je voulais juste te manger. Quand je t'ai retrouvé près de la rivière, peut-être avais-tu déjà trouvé la tombe, mais je n'ai pas pensé à vérifier avec mon odorat. Quand tu m'as dit, par la suite, l'avoir découverte, d'abord je ne t'ai pas cru. Puis je t'ai vu en compagnie d'un chat ressemblant trait pour trait à Gribouille. J'ai alors envisagé la possibilité que tu dises la vérité, mais je ne pouvais pas m'en assurer sous ma forme humaine. À la tombée de la nuit, en tant que loup-garou, je suis donc venue te voir pour sentir s'il y avait sur toi l'odeur, indiscernable pour les humains, caractéristique de ceux qui ont trouvé la tombe de Yellow. C'était le cas.