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Le lugubre souterrain se divisait parfois en plusieurs embranchements. Adèle s'efforça de continuer tout droit chaque fois que cela était possible. Après dix minutes de marche environ, elle atteignit le bout du tunnel, où se trouvait une vielle échelle en fer toute rouillée. Elle l'utilisa pour remonter à la surface, ce qui la conduisit dans ce qui était manifestement l'église. Il n'y avait personne d'autre à l'intérieur. Cependant, de nombreux cierges étaient allumés, ce qui signifiait que quelqu'un était parti récemment et avait prévu de revenir bientôt. Les lieux étant bien éclairés, Adèle éteignit sa lampe et la posa sur l'autel. Elle observa attentivement tous ce qui l'entouraient et remarqua la présence d'une vielle armoire en bois dont les portes étaient grandes ouvertes. À l'intérieur, il y avait de nombreux carnets, en mauvais états pour la plupart. Adèle en prit un au hasard et en lut un passage.
J'habite maintenant dans la commune depuis huit mois. Jamais je n'aurai dû y mettre les pieds. Chaque nuit, j'entends les hurlements terrifiants des loups. Or, il n'est plus censé y avoir de loups depuis vraiment très longtemps. Étrangement, les autres habitants disent ne rien entendre la nuit. Je ne suis pas fou ! Je sais que ce que j'entends n'est pas le fruit de mon imagination. Le pire, ce sont les nuits de pleine lune. J'ai mené mon enquête et en suis arrivé à la conclusion suivante : les loups-garous existent !
Adèle s'interrogea. La bête qui l'avait attaqué était-elle un loup-garou ? Celui peint sur le tableau accroché à la cheminée ressemblait énormément au monstre. D'un autre côté, Adèle s'était fait attaquer en pleine journée. Et ce n'était pas du tout la pleine lune.
La cloche se mit à sonner. La jeune fille sursauta et fit tomber le carnet par terre. Elle dirigea son regard vers l'origine du bruit, jusqu'à ce qu'il cesse. Ensuite, elle se retourna et fut alors pétrifiée de terreur. Devant l'autel, il y avait désormais une grande croix en bois sur laquelle une fille nue était crucifiée. Cette fille était la copie conforme d'Adèle.
— Bonjour Adèle, dit l'Adèle crucifiée.
La véritable Adèle resta bouche bée, incapable de faire le moindre geste. Son interlocutrice afficha un sourire cruel avant de reprendre la parole :
— Qu'est-ce qu'il y a Adèle ? Ce que tu vois ne te plait pas ?
Puis elle se mit à rire. Son rire diabolique résonnait dans toute l'église. La véritable Adèle parvint à se libérer de sa paralysie. Elle se mit à courir et se précipita hors de l'église. Elle referma aussitôt la porte derrière elle et s'y adossa, tout en essayant de reprendre son souffle. De là où elle était, elle pouvait voir le monument aux morts. Au sommet de celui-ci se trouvait une statue d'un soldat de la Première Guerre mondiale. Celle-ci s'anima et pointa son fusil en direction d'Adèle. La jeune fille se remit à courir. La statue tira, mais manqua sa cible. Adèle traversa la place du village en courant. La statue tira à nouveau. La balle passa juste à côté de sa cible. Adèle commença à traverser la route lorsqu'une cycliste freina juste devant elle. C'était Tiffany. Elle descendit de son vélo.
— Adèle ? Nous nous retrouvons à nouveau et tu es encore toute nue, constata-t-elle avec étonnement.
— On me tire dessus ! s'exclama Adèle.
Une nouvelle balle passa juste au-dessus de sa tête.
— Prends mon vélo et va au cimetière, ordonna Tiffany en lui montrant du doigt la bonne direction. Je t'y rejoindrai dès que possible !
Adèle grimpa sur le vélo de son amie et se mit à pédaler à toute vitesse. Après avoir passé le panneau indiquant qu'elle venait de sortir de la commune, elle ralentit, pensant être désormais en sécurité. Elle trouva rapidement les cimetières à la première intersection. Le problème est qu'il y en avait deux, chacun d'un côté différent de la route. Quel était celui dont avait voulu parler Tiffany ? Adèle choisit celui à sa gauche. Elle posa le vélo contre un calvaire, puis entra dans le cimetière. Elle déambula entre les tombes, lisant parfois les inscriptions gravées dessus, s'accroupissant de temps en temps pour mieux voir les noms que les années avaient rendus de plus en plus illisibles.
Le silence fut brisé par un miaulement. Intriguée, Adèle sortit du cimetière. Elle se dirigea vers l'endroit d'où semblait provenir le bruit. Elle découvrit ainsi une tombe à côté du cimetière. Cette sépulture avait la forme d'un gros bloc rectangulaire. Dessus était gravé :
Famille Vérité-Bion
"Tu n'abandonneras pas mon âme dans le sépulcre" Psaumes XI
Adèle se demanda pourquoi ce monument funéraire se trouvait à côté du cimetière et non pas à l'intérieur. Un chat était assis dessus. En voyant la jeune fille, il descendit et se frotta à la jeune fille tout en ronronnant. Adèle se baissa et commença à le caresser. Le félin semblait apprécier.
— Tu ne devrais pas t'approcher de ce chat, déclara Tiffany en arrivant.
Le félin s'en alla et Adèle se releva.
— Pourquoi ? demanda-t-elle.
— Parce qu'il est identique à Gribouille, celui qu'avait Yellow d'après la légende, expliqua Tiffany.
— Tu n'as pas parlé d'un chat quand tu m'as raconté la légende.
— Parce qu'il s'agit d'un détail qui ne semble pas avoir une grande importance, répondit Tiffany.
— Pourquoi est-ce qu'il y a deux cimetières ? voulut savoir Adèle.
— Il n'y en a pas deux. Il y en a trois. De ce côté-ci, c'est le cimetière protestant, de l'autre, celui des catholiques. Un peu plus loin se trouve un cimetière militaire britannique. Dans aucun des trois tu ne trouveras la tombe de Yellow. C'est logique puisque la légende la situe dans le bois, mais je parie que tu as quand même voulu vérifier chaque sépulture.
— Pas toutes, répondit faiblement Adèle tout en rougissant.
— Qui est-ce qui tirait sur toi ? voulut savoir Tiffany.
— Si je te le disais, tu ne me croirais. Ces derniers temps, ils m'arrivent de nombreuses choses étranges.
— C'est peut-être dû au fait que tu as vu la tombe de Yellow, suggéra Tiffany.
— Tu me crois maintenant ?
— Maintenant que je t'ai vu en compagnie d'un chat ressemblant trait pour trait à Gribouille, je n'écarte plus l'hypothèse que tu m'aies dit la vérité. Peux-tu me conduire à la tombe de Yellow ?
— Je ne suis pas sûre de pouvoir la retrouver, mais ça ne coûte rien d'essayer.
Les deux filles partirent en direction du bois.
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La bête de Contiacum
HororUne jeune fille emménage dans un petit village où elle se fait presque aussitôt attaquer par une grosse bête. Elle est ensuite confrontée à de nombreux phénomènes étranges.