Chapitre 19 : Où Piège est clos

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Chapitre 19 : Où Piège est clos

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Singulier destin que celui de Melania Black.

Saviez-vous qu'elle réussit à s'ouvrir à nouveau au monde après cet anniversaire ?

Qu'elle reprit une vie, sinon mondaine, du moins sociale ?

Qu'elle retrouva ses amis de Poufsouffle et leurs rires pleins de joie ?

Et qu'elle vécut la vie dont elle aurait pu rêver ?

Remarquez, cette vie a duré si peu de temps.

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Arcturus était brillant, et c'est sans doute cette intelligence supérieure qui le fit devenir fou : quiconque d'un tant soit peu malin comprend qu'il vaut mieux se méfier du 12, Square Grimmaurd. En tant qu'héritier attentif à l'honneur de sa place mais tout à fait spirituel, Arcturus avait, dès son plus jeune âge, été déchiré entre deux directions contraires : tout faire pour protéger la Maison des Black, ou se protéger de tout ce qu'elle pourrait lui faire.

Il avait fallu que Melania reçoive un maléfice de son oncle Cygnus et que leur fille naisse pour que le danger que représentait la maison des Black effleure la surface de sa conscience. Il avait fallu qu'il voie et qu'il adore sa fille pour la garder éloignée du 12, Square Grimmaurd.

Il avait fallu toutes ces horreurs pour que Lucretia Black ait une enfance heureuse et libre, un cœur bon, et des ambitions simples et bienveillantes.

Je suis persuadé que Lucretia était déjà trop candide pour que le 12, Square Grimmaurd puisse l'attraper dans ses filets comme sa mère avant elle et qu'il ne finisse pas par la dégoûter. Elle avait connu un vrai bonheur dans la maison de Tutshill, un bonheur qui lui faisait dire qu'une vie simple entre ses deux parents, des champs à perte de vue et des Fléreurs, des mulots, des escargots, des Botrucs et toutes sortes de merveilles de la nature étaient apaisants et pouvaient apporter le bonheur.

Elle avait toujours eu l'ambition simple et candide d'être heureuse. La plus belle en soi.

Et c'est ainsi qu'elle s'en sortit malgré tous les malheurs qui l'assommèrent durant toute sa vie : dans ce souvenir que le bonheur existait dans toute sa simplicité grâce à un peu d'amour et au silence de la nature.

Ni Melania, ni Lucretia ne brillaient par un génie ou une intelligence supérieure. Elles étaient même banales si je veux être tout à fait honnête. Deux sorcières nées à une vingtaine d'années d'intervalles au début du vingtième siècle, qui avaient fait des mariages d'amour avec des sorciers un peu étranges et aux antipodes l'un de l'autre, mais qui les aimaient plus que tout. Melania était plus avide de liberté que Lucretia, mais c'était sans doute parce qu'on n'avait jamais dit non à Lucretia, au contraire de Melania. Lucretia était en tout cas plus innocente, et Melania plus méfiante.

Toutes deux légères, toutes deux malmenées par la vie mais toutes deux douces et éternelles amoureuses. Amoureuses de la vie et de leur famille malgré tout ce que les familles se disent et se font. Et toutes deux qu'on aime éternellement aussi.

La grande différence réside surtout dans le fait que l'une est entrée chez les Black, alors que l'autre les a quittés. L'une continua à se faire mal sur l'échiquier des mains de pouvoir, l'autre n'a jamais pu être attrapée par ces mains de pouvoir. Le pouvoir attrape le pouvoir, non le désintéressement. Lucretia ne voulait aucun pouvoir, sur personne et pour aucune raison. Le pouvoir ne l'intéressait pas ; il ne pouvait donc pas l'approcher ni s'en prendre à elle.

Les Mains de PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant