Chapitre 5 : Isaac

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Flashback

    Marchant dans les couloirs du lycée et tenant des copies dans mes bras, mon professeur a prévu de nous faire un devoir surveillé surprise, heureusement pour moi, je suis un élève assidu et qui révise toujours ses cours après le lycée. Ce n'est pas pour me vanter mais j'ai pour projet de devenir instituteur, donc je dois avoir un dossier scolaire en béton armé. Ni heure de colle, ni mauvaises appréciations ne doivent y être dans mon dossier.
    Alors que je poursuis mon chemin dans les couloirs, quelqu'un me bouscule laissant les feuilles s'éparpiller sur le sol.
    — Fais chier... juré-je dans ma barbe et en m'accroupissant pour les ramasser.
    — Tu ne peux faire attention !? Rugit une voix au-dessus de ma tête.
    Relevant la tête vers la personne qui m'a bousculé, je reconnais mon ancien camarade de classe. Nous ne sommes plus dans la même classe, ayant pris une filière différente à notre arrivée au lycée, il est à présent dans une classe différente de la mienne.
    Mais le harcèlement que je subis de sa part n'a jamais pris fin et le seul qui est au courant, c'est mon meilleur ami...
    — Je suis désolé... je ne t'ai pas vu arriver.
    Sans que je m'y attende, il me pousse brusquement contre les casiers et ma tête heurte violemment contre les compartiments de rangement. Une vive douleur me traverse le crâne et me fais grimacer de douleur, je m'appuie contre le métal pour reprendre mes esprits. Mon corps commence à trembler sans que je puisse le contrôler, de violents souvenirs des années précédentes refont surface dans ma mémoire...
    Ça va recommencer... c'est reparti pour la descente en enfer...
    — Tu en as pas marre de t'en prendre à plus faible que toi !? Lance une voix froide et dépourvu de sentiment.
    Relevant la tête vers le nouvel arrivant, c'est la première fois que quelqu'un tient tête à mon harceleur. Un garçon, un poil plus grand que moi, de dix centimètres environ, se tient debout derrière mon persécuteur.
    Je l'ai déjà aperçu dans la cour du lycée mais il est assez distant avec les gens, comme s'il veut les éviter, je n'ai donc jamais osé lui adresser la parole. Je connais encore moins son prénom, il porte ses cheveux bruns assez long pour les laisser devant ses yeux noisette, il est assez musclé, je crois que je l'ai déjà vu pratiquer du basket.
    — Tu veux te battre ? Hurle mon bourreau.
    — Je n'ai aucune envie de perdre mon temps avec toi. Rétorque l'inconnu.
    Mon harceleur porte le premier coup, frappe le visage du brun et une bagarre éclate au milieu du couloir.
    — A-Arrêtez... tenté-je pour les séparer.
    Mais un poing manque de me percuter de plein fouet et me force à reculer, rien ne les arrête. Deux surveillants débarquent dans le couloir et séparent les deux étudiants.
    — Lâchez moi ! Hurle mon harceleur en se débattant. Je vais lui refaire le portrait !
    Le directeur sort de son bureau, surement alerter par les cris de mon persécuteur. Le brun a la lèvre fendu et saigner légèrement tandis que l'autre s'en sort avec une arcade ouverte.
    — Emmenez ces deux-là à l'infirmerie ! Ordonne-t-il. Quant à vous Monsieur Miller. Dans mon bureau.
    — Mais...
    Pourquoi me veut-il dans son bureau ? Je n'y suis pour rien dans la bagarre qui vient d'avoir lieu...
    — Maintenant !
    Je n'attends pas une seconde de plus et m'exécute. Je ramasse à la vite les photocopies puis suis le directeur dans son bureau. Ouvrant la porte, il m'invite à entrer d'un geste de la main, je me mets devant son bureau, attendant qu'il m'invite à m'asseoir.
    — Asseyez-vous.
    J'obéis et pose les feuilles sur mes cuisses.
    — Je peux savoir ce que vous faisiez dans les couloirs au lieu d'être en classe Monsieur Miller ?
    — Monsieur Cooper m'a envoyé en salle des professeurs pour récupérer les copies qu'il avait oublié pour un devoir surveillé surprise...
    — Bien, retournez en cours.
    — Bien Monsieur...
    Je me lève sans me faire prier et quitte rapidement son bureau. Marchant en direction de ma salle de classe, je suis soudainement pris de vertige et tout se met à tourner autour de moi, laissant à nouveau les copies tomber au sol. Me sentant partir, je me rattrape tant bien que mal au mur.
    Merde... qu'est-ce qu'il m'arrive ? J'allais parfaitement bien il y a encore deux minutes...
    J'essaye de faire un pas devant moi mais c'est pire... dès que je fais un pas en avant, le monde se remet en mouvement, tourbillonnant sans fin... Je ne sais pas pourquoi, mes doigts se fraient un chemin jusqu'à l'arrière de ma tête, vérifiant machinalement l'intégrité de mon crâne sous les mèches de cheveux. Mes yeux s'écarquillent lorsque je sens un liquide chaud entres mes doigts.
    Mon regard se posant sur ma main, je vois du sang sur cette dernière laissant un haut-le-cœur faire son apparition... je ne supporte pas la vue du sang, même quand c'est le mien... je fixe ma main sans bouger, ma cage thoracique se compresse sous l'effet de la panique, ma respiration commence également à se faire absente...
    Deux mains se posent sur mes épaules me faisant tressaillir.
    — Calme toi, ce n'est que moi. Entends-je.
    Faisant volte-face, je vois le brun qui avait pris ma défense quelques minutes plus tôt, sa lèvre ouverte est maintenu par deux fins pansements.
    — Comment tu t'appelles ?
    — I-Isaac...
    — Enchanté, moi c'est Noah. Me répond-t-il mais toujours froidement. J'ai un an de plus que toi.
    Je le regarde sans rien dire, pourquoi un élève d'une classe supérieur me vient en aide ? Et pourquoi s'intéresse-t-il à moi ?
    — Je vais t'emmener à l'infirmerie, je pense que tu t'es ouvert à l'arrière de la tête.
    — Ou-Ouvert ? Me réentends-je dire.
    Noah m'aide à marcher jusqu'à l'infirmerie mais ma tête continue de me lancer, je m'agrippe si fort à mon ainé qu'il doit s'arrêter et je sens ses yeux noisette se poser sur moi.
    — Quelque chose ne va pas ?
    — J'ai la tête qui tourne...
    — Tu veux que je te porte ?
    Je baisse aussitôt la tête en rougissant de honte.
    — N-Non merci...
    La sensation du regard inquisiteur de Noah sur moi ne me quitte pas.
    — Ta blessure n'a pas l'air trop grave.
    — Qu'est-ce que tu en sais ? Rétorqué-je froidement.
    — Oh, Monsieur a du répondant. Non plus sérieusement, mon père est médecin donc je l'ai déjà vu recoudre des blessures plus ou moins grave.
    Aucun son ne sort de ma bouche et je me contente de marcher en silence tout en l'observant. Comment un fils de médecin pouvait savoir si ma blessure est plus ou moins grave ?
    — J'ai quelque chose sur le visage ?
    Je sursaute au son de sa voix grave et sors brusquement de mes pensées. Comment il fait pour autant m'intimider ?
    — Non je suis désolé... j'étais dans mes pensées... réponds-je, en baissant la tête.
    Sans trahir aucune émotion, Noah maintient une contenance austère, son regard et son visage d'une froideur marbrée...
    — Nous sommes arrivés.
    On entre dans le bureau de l'infirmière Parker et Noah m'aide à m'asseoir sur un des lits.
    — Madame Parker ? Vous pouvez examiner cet élève ? Demande-t-il.
    Regardant Noah, je ne vois pas l'infirmière s'approcher dans ma direction, elle doit avoir la quarantaine, ses cheveux roux lui tombant en cascade sur ses épaules et ses yeux d'un bleu océan me donnent l'impression d'être au bord de mer. L'infirmière du lycée a l'habitude de me voir dans son cabinet, dès que je me blesse à cause de mon harcèlement, c'est ici que je trouve refuge.
    — Vous vous êtes bien amoché Monsieur Miller, comment vous vous êtes fait ça cette fois ?
    Je me fige dès que la question franchit ses lèvres. Je ne peux pas leur dire la vérité... sinon, mon harceleur va savoir que j'ai parlé et il va de nouveau s'en prendre à moi...
    Si je balance... lui et sa bande vont de nouveau s'en prendre à moi... et ça sera encore pire que les fois précédentes...
    — Isaac ?
    Je tressaute en entendant mon prénom, venant d'être prononcé par Noah. Je perçois de l'inquiétude dans son regard malgré son visage fermé et froid, même Madame Parker se montre inquiète.
    — J-Je... bégayé-je.
    — Tu es sûr que ça va ?
    — Monsieur Miller... votre état m'inquiète...
    Je ne sais pas quoi faire... devrai-je leur en parler au risque qu'on s'en prenne à nouveau à moi ? Ou me taire et laisser mon persécuteur me prendre à nouveau pour son esclave ? Je sens soudainement ma poitrine se comprimer et ma respiration se faire un peu plus absente, disparaissant petit à petit...
    — Monsieur Miller, calmez-vous, tout i-
    La voix de l'infirmière me parait si loin, la pièce se met à tourner autour de moi au point qu'un haut-le-cœur me prend à la gorge. Et ma dernière pensée est :
    Est-ce que je vais mourir ?

Je t'aiderai à raviver les souvenirs perdus...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant