Assis sur un rondin humide, je croquai dans ma ration de survie, et savourais les baies ramassées sur le chemin pour trouver le lieu de camp. Chacun en avait eu droit à une poignée pour le moment. Leurs saveurs me rappelaient les bons moments passés dans les bois avec Altaïr. J'avais hâte de lui raconter notre mission de survie.
Maître Tenk avait échappé à Téméria, et s'était attaqué à mon groupe en fuite avec les vivres volés. En quelques instants, les messagers avaient fait parvenir l'information au groupe de Téméria qui avait rappliqué aussitôt.
J'avais alors mis de côté la panique, la frustration, et ce sentiment d'avoir échoué, et un plan s'était formé dans ma tête. Les autres l'avait appelé plus tard la « formation Flocon », à cause de la forme que donnait le positionnement de chacun. Elle était composé de trois cercles. Le premier, le plus éloigné, comprenait les possesseurs d'armes de distance (Idori, Kiarès, Nérilios). Le second et le troisième étaient pour les moyennes, courtes distances et corps-à-corps ; à la différence que dans l'un on se battait, et que dans l'autre on attendait le bon moment en reprenant son souffle. Et au centre, l'unique cible, Maître Tenk. Lorsque les élèves qui l'affrontaient commençaient à se fatiguer, ils étaient immédiatement remplacés par le deuxième cercle. Ainsi, la cible n'avait aucun répit, combattant sans cesse des adversaires pleins d'énergie.
Au terme de cet affrontement, nous étions parvenu à capturer Maître Tenk, désormais attaché au gros rocher dominant la clairière, surveillé de près par Nérilios et Kiarès.
Pendant l'assaut du camp des chefs, le feu s'était éteint, mais Max était parvenu à le rallumer grâce à son pouvoir. Le soleil se couchait, lentement, la nuit s'installait. La plupart des apprentis-guerriers discutaient par groupe de deux ou trois, caressant distraitement leur éclateil.
« Mais je t'ai vu ! Tu vas m'assurer le contraire ? »
La voix énervée de Nérilios résonna sans la clairière.
« Oui ! Laisse-moi tranquille, je ne t'ai rien demandé, répliqua Ruby sur le même ton.
-Que je te laisse tranquille ? Tu veux que je te laisse tranquille ? Après t'avoir vu voler des baies ? On en a tous besoin je te signale.
-Ne dis pas n'importe quoi. Je n'ai rien volé du tout ! »
Je soupirai. Ça ne risquait pas de s'arranger. Je me levai péniblement, et m'approchai d'eux. Kod y était déjà, et tentait vainement de les calmer.
« Arrêtez...ça ne sert à rien de... »
Il fut à nouveau coupé par la dispute des deux élèves qui n'écoutaient pas. Il n'y parviendrait jamais de cette façon. Le robuste apprenti-guerrier n'était pas capable de s'imposer assez pour qu'ils fassent attention à lui. Il n'oserait pas.
« Kod, fis-je, tu peux me prêter ta hache ? »
D'abord surpris, mon ami ne répondit pas, puis, il s'exécuta.
« Bien sûr. »
Il me tendit l'arme lourde, que je saisis de mes deux mains à cause de son poids. Puis de toutes mes forces, je frappai le tronc de l'arbre voisin. La hache se planta dedans, le son qu'elle produisit résonna dans l'air lourd du soir. Tous se turent, même Ruby et Nerilios, et les regards étonnés convergèrent vers moi.
« Arrêtez de vous battre comme des gamins, déclarai-je fermement. Ruby, as-tu volé des baies ?
-Bien sûr que non ! J'étais juste en train de redresser la réserve qui était sur le point de tomber, quand cet abruti a...
-Mais...protesta Nerilios.
-Tais-toi, tête de piaf !le coupa Idori. Écoute.
-Donc tu n'as rien volé, conclus-je. Nerilios, pourquoi tu ne la crois pas ? Nous avons dit que notre mission ne pouvait réussir que grâce à la cohésion du groupe et la confiance. Écoutez, nous sommes tous épuisés, donc pas vraiment dans notre état normal. Chacun doit faire un effort pour se contrôler, et éviter de s'énerver pour rien. »
« Qu'est-ce que t'as tête de piaf, pourquoi tu ris ?demanda Idori à Anger qui pouffait sans raison apparente.
-Oh, rien, c'est juste que... »il reprit son souffle. « tu appelles tout le monde « tête de piaf », mais en fait, c'est à toi que ça irait le mieux ! »
Tout le monde retint les éclats de rire qui lui montaient à la gorge, mais le garçon aux cheveux noirs fixa le blond en silence. Puis, il sourit et déclara :
« Si tu veux te battre, je suis disponible toute la soirée. »
Plus personne ne se retint de rire.
« Très bonne idée, Anger ! s'exclama maître Tenk. Tête de piaf... c'est vrai que ça lui va bien... »
Le reste de la soirée se passa sans encombres. Chacun craignait que le nuit ne soit pas aussi reposante que prévue.
Quand chacun alla se coucher, roulé en boule dans sa couverture contre son éclateil, il faisait déjà nuit. J'avais pris le premier tour de garde. Assis au sommet d'un rocher, légèrement éloigné du camp, je scrutais chaque ombre avec attention.
« Tu penses que les maîtres attaqueront cette nuit ?demanda Ace.
-Ils en seraient bien capables, répondis-je avec certitude.
-Mais tu est prêt, constata-t-il.
-Je le suis.
-Moi aussi. »
La lune brillait entre les cimes des arbres, parcourant les écailles de mon éclateil de reflets argentés.
« Tu pense qu'un jour, je retrouverai Yohito ? lançai-je, comme cherchant un encouragement.
-Je ne sais pas, mais je t'y aiderai. »
Sa réponse me satisfit. Mon dragon était sincère, disait ce qu'il pensait. Je l'aimais comme ça. C'était agréable de savoir qu'il y avait quelqu'un dans ce monde qui ne me cachait rien.
« Tu sais, fit-il en me fixant de ses grands yeux sable, ton frère n'est pas le centre de ta vie, il n'en est qu'une partie.
-Et que suis-je censé faire de ma vie, dans ce cas ?
-Ça, c'est a toi d'en décider, Hardex. »
J'étirai mes bras derrière ma tête, et fixai les étoiles. Qu'est-ce que je voulais faire...
« En fait, déclarai-je après réflexion, ça me plairait bien d'explorer le monde...
-Alors, tu comptes intégrer une escouade ?répondit-il, presque en ronronnant.
-Oui. Tu es d'accord ?
-Bien sûr ! Tu sais bien que je te suivrai où que tu ailles. Et puis...j'aimerais bien rencontrer d'autres dragons, s'ils existent...avoua-t-il, rêveur.
-Ça marche ! acquiesçai-je en souriant. On explorera le monde, à la recherche des dragons... »
Soudain, un bruit me fit sursauter, et attira mon attention. Ce n'était pas un craquement de branche, ou un son clair...c'était un simple bruissement... Je scrutai les bois, mais dans le noir, je ne voyais pas grand chose... Ace me murmura :
« Je sens plusieurs personnes. Elles sont à environ 100 mètres. »
Je hochai la tête. Le flair d'un éclateil se trompait rarement. Je glissai au bas du rocher, et filai secouer Elta en silence. Elle comprit aussitôt, et eut le bon sens de ne faire aucuns bruits. Nous réveillâmes rapidement les autres, en évitant de parler. Seuls Anger et Nérilios sortirent brusquement du sommeil, et furent plus bruyants que les autres. Silencieusement, chacun saisit ses armes, revêtit ses quelques plaques d'armure, et se mit en position. En à peine trois minutes, nous étions prêts au combat.
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[EN PAUSE] Fallen Wortt - Exploration à dos de dragon.
FantasyAprès la mort de ses parents et le départ inexpliqué de son grand-frère adoré lors d'une attaque de son village par la Grande Armée, Hardex est adopté par son cousin et sa femme, qui ont un fils un peu plus jeune que lui. Son coeur est brisé, et il...