[EN PAUSE] Fallen Wortt - Exploration à dos de dragon.

Chapitre 34

Immenses, taillées dans un bois clair, les portes du village se dressaient devant nous. Il y a de çà de nombreuses lunes, les habitants ayant rendu un service aux elfs, ceux-ci, pour les remercier, avaient lancé un sort de protection sur ces portes, les rendant incombustibles (résistantes au feu). Distrait, j'observai les motifs et arabesques qui les paraient. La grandeur et le raffinement des portes du village les rendaient presque... arrogantes. D'ailleurs, dans les légendes et auprès de Lagdohl, Valtarden était connu pour sa fierté arrogante et son esprit d'équipe.

« Tes amis arrivent, me dit Ace, tu ne devrais pas attendre trop longtemps pour leur dire au revoir, je crois que Maître Haken aimerait partir d'un moment à l'autre. »

Je hochai la tête. Mon escouade quittait le village aujourd'hui, et ça me faisait vraiment mal de penser que je ne les verrait plus avant longtemps.

« T'as de la chance de partir aussi tôt, mon pote, »m'envia Kod d'une bourrade.

Je souris. Mon robuste ami n'avait pas changé.

« T'as pas intérêt à faire n'importe quoi, plaisanta Elta. Tu suis les ordres sans faire d'histoires !

-Compte là-dessus ! »

Elle non plus n'avait pas changé. Elle coinça une mèche blonde d'une intense clarté derrière son oreille.

« Fais attention à toi, »murmura-t-elle.

Je ne répondis rien, mais mon coeur se serra à ces paroles. Décidément, je détestais les au revoir.

Je saluai chacun de mes anciens camarades de classe d'un Razen, comme déçu de les quitter, et me dirigeai vers ma famille qui m'attendait, l'amertume comprimant ma poitrine. Je serrai dans mes bras Sirius et Kirielle.

« Je ne vous remercierai jamais assez d'avoir pris soin de moi, affirmai-je.

-Tu reviendras nous voir souvent, hein ?s'inquiéta ma cousine.

-Promis.

-Tu as bien pris une couverture ? Je ne veux pas que tu aies froid la nuit. Tu veux des gâteaux en plus ? Tu n'as pas oublié ta gourde, au moins ?

-Ne t'en fais pas, répondit Sirius à ma place, coupant court à ses inquiétudes. Hardex a tout ce qu'il lui faut, et tout se passera bien. Beaucoup d'autres l'ont fait avant lui. »

Elle hocha la tête, à peine rassurée.

Je me tournai vers Altaïr. Mon neveu me fixa de son regard vert émeraude. Il était triste, et mourrait d'envie de partir avec moi, je le savais. J'avais ressenti la même chose en regardant grandir Yohito.

« T'en fais pas, mon gars, je reviendrai très vite. Tu vas devenir un super guerrier, j'en suis sûr.

-Mais j'aurai préféré que tu sois là pour le voir... »

Ne sachant que répondre, j'ébouriffai ses cheveux bruns. Ça me faisait mal de le laisser seul. Il allait s'ennuyer un peu, et devrait s'entraîner sans moi, mais je savais qu'il se ferait des amis dans 1 an à l'académie. Je commençai à partir, mais il attrapa la manche de mon sweat pour me retenir.

« Attends. »

Il me tendit un petit poignard à lame sombre, dont le pommeau était taillé dans un marbre noir veiné de blanc.

« C'est bientôt ton anniversaire, et... tu ne seras pas là pour le fêter.

-Merci, murmurai-je en le tournant et retournant dans ma paume. »

Il était beau. Fascinant.

« Et j'ai le même en blanc, »fit Altaïr, dégainant une arme de sa ceinture.

Je relevai la tête. En effet, le sien lui était semblable en tous points, à cela près que toutes les nuances de sombres avaient été remplacées par du blanc, quelque chose de clair, de plus lumineux.

Je souris et attachai le poignard à ma ceinture.

« Comme ça, je penserai toujours à toi. »

Je rejoignis mon escouade, et, après avoir franchi les portes, nous nous mîmes en route. Je jetai un dernier regard à mon village, puis, d'un signe détectable par lui seul, je demandai à Ace de décoller.

Maître Haken et Kate chevauchaient Rhodes, l'étalon baie, aux côtés de Téméria et Rébélior. Max les suivait, sur le dos de Zalden, tandis qu'Idori et moi, nous voyagions par les airs. Royal et Ace étaient plus rapides que les autres, et nous devions donc souvent attendre le reste de l'escouade, ou revenir en arrière pour être à leur niveau. Aussi, nous ne nous privions pas de faire des courses, et de nous amuser. Nous passions souvent par des bosquets, et je perdais alors de vue les cavaliers, cachés par la cime des arbres et leur branchage.

Les lents et puissants battements d'ailes d'Ace m'apaisaient. Je contemplais le décor qui s'offrait à moi. Nous laissions derrière nous, un peu au sud, la splendide Cascade du Dragon que je rêvais de voir de près, le fracas de ses chutes d'eau que j'imaginais, et la majesté de sa structure de pierre. Me retournant sur ma selle, j'aperçus un vague reflet et un éclat de lumière. Le lac d'Ohl. Les falaises d'Isokel se dressaient encore à de nombreux kilomètres de nous, et le ciel légèrement nuageux d'une douce teinte caractéristique à la saison des Brumes d'Ambre en cachait le grès ocre. Bien plus au loin, les pâles contours des Monts de la Force se dessinaient dans la pierre grise. Et, tout autour de nous, au milieu des vastes plaines herbeuses entrecoupées de bosquets familiers, mon regard se perdait.

Comme lisant dans mes pensées, mon dragon déclara :

« Il est beau, hein, le monde...

-Ouais, murmurai-je. Je pense que voyager va me plaire plus que je ne l'imaginais. »

Je jetai un coup d'oeil vers Valtarden. Au loin, sur le bord de la falaise qui dominait le village, une petite silhouette aux cheveux courts se dressai, tournée dans notre direction. Une vague de tristesse me fit frémir, et à regret, j'arrachai mon regard du village qui m'avait vu grandir, et de celui qui était devenu mon petit-frère, me fixant tandis que je m'éloignais.