Dimanche 15 janvier

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Dimanche. Normalement jour de brunch instagramable entre amis mais aujourd'hui, exceptionnellement, c'est déjeuner dominical chez mes parents. Ils ne sont pas loin, une demi-heure de voiture. Et ma mère a très fortement insisté pour que je vienne.

─ Bonjour Ma chérie ! Tu vas bien ? m'a demandé ma mère en m'enlaçant. Elle en profite pour me tapoter la hanche. Les jeans larges, tu es sûre que c'est adapté à ta morphologie ? Enfin bon, tu fais bien comme tu veux.

Et d'une. Première remarque sur mon léger embonpoint. On ouvre les scores, la journée risque d'être riche. Heureusement qu'elle n'a pas connaissance de mon âge métabolique, sinon elle m'enfermerait à la cave pendant deux semaines en me nourrissant de cailloux à sucer. Et de contrex.

─ Bien Maman, et toi ?

─ Oh tu sais, moi mon bébé, ça va toujours. Tu sais à quelle heure arrive ton frère ?

Quand il aura dessoûlé et arrêté de vomir ses tripes après un énième samedi soir de beuverie ? Adrien, mon frère est encore étudiant à vingt-cinq ans. Il commençe sa troisième licence sans n'avoir jamais terminé les précédentes. S'il en entame une quatrième, il va devoir se mettre sur liste d'attente pour une greffe de foie.

─ Non, Maman, je ne sais pas, ai-je dis en caressant Caramel le labrador de la famille, qui un peu vieillissant et passablement sourd, venait seulement de s'apercevoir de mon arrivée.

─ Il vient avec sa nouvelle copine aujourd'hui. Il veut nous la présenter.

Première nouvelle. Ravie de savoir qu'il y en a au moins un qui s'envoie en l'air dans cette fratrie.

Je me dirige vers le salon pour essayer de dénicher mon père, Caramel sur mes talons. Bonne pioche. Sans surprise, je le trouve assis dans le canapé, concentré devant un match de rugby, serrant de manière compulsive la télécommande de la télévision, le visage crispé. Je regarde l'écran. Les All Black contre la France. Qui se prennent une déverrouillée apparemment. Il répond à mon bonjour par une diatribe composée d'un vocabulaire très fleuri destinée à l'arbitre. Enfin j'espère. Je ne la retranscrirais pas ici.

Il y a quelques années, alors que mon père, les fenêtres ouvertes, faisait profiter le voisinage de son imagination prolifique lorsqu'il s'agissait d'insulter un joueur en particulier, Monique, la voisine d'à côté, avait appelé la police, pensant que ma mère était victime de violences conjugales.  Bien que mon frère et moi en rions encore (en cachette de mon père), il fallait que je songe à dire à ma mère de commencer à cacher la télécommande les jours de match. Mon père n'était plus si jeune et vivait assez mal la pression. Un coup de malchance, un essai de trop et c'était l'AVC assuré.

Je me suis assise en silence à côté de lui. Au bout de quelques minutes, pendant lesquels les All Black ont marqué deux autres essais et que mon père a pris trois nouveaux cheveux blancs, ma mère nous a appelé dans l'entrée. A sa voix aigue et surexcitée, j'en ai déduit que le fils prodigue arrivait avec sa nouvelle fiancée. Malgré le match, mon père a semblé saisir l'urgence de la situation. Il a mis en sourdine le son de la télé et s'est levé précipitamment pour rejoindre sa femme. En même temps, après trente ans de vie commune, il savait reconnaitre les situations à risques.

Ma mère, dans un chuchotement furtif, nous a demandé, ou plutôt ordonné, de bien nous tenir, avant d'ouvrir la porte et de sourire comme si on accueillait la reine d'Angleterre en personne (paix à son âme). Je me suis pris un coup de coude dans les côtes assorti d'un « Souris et arrête de faire la tête ». Je ne faisais pas la tête, j'étais prudente. Ce n'est pas la première fois que mon frère nous ramenait une fille. Et ça ne serait certainement pas la dernière. Alors pardon si je ne m'émouvais pas devant la nouvelle en date. Avec Adrien, j'ai appris qu'il ne fallait pas s'attacher trop vite.

Journal sans titre. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant