J'observais les vingt-cinq gnomes qui couraient autour de moi dans la forêt en hurlant à la mort. Enfin plus précisément, j'observais la maman de Corentine, accompagnatrice de la sortie scolaire qui avait passé le trajet en car (soit une heure trente) à m'expliquer comment l'éducation positive pouvait transformer mon cadre pédagogique en une ambiance de classe saine ET efficace. Elle était en train d'attraper Titouan par le sac pendant qu'il essayait de lui mordre la main.─ Nooooon arrête Titouan ! Lâche les cheveux de Théa ! Maintenant ! Stop... AAAAAAAAAAAAAAAHHHH !
Si j'étais mesquine, j'aurais continué à me délecter du spectacle tout en lui faisant remarquer qu'elle venait d'employer le mot interdit en N, et que clairement, Titouan devait se sentir étouffé par la pression d'un cadre social bien trop normé qu'elle lui imposait et que cela allait certainement entraver le développement de son libre arbitre pour les cinq années à venir. Au moins. Mais finalement j'ai craint que Titouan finisse par perdre une dent à force de s'acharner sur la main de la maman de Corentine. Et comme ses parents sont du genre TRES procéduriers, je suis intervenue.
─ Titouan ! Si tu veux retourner voir le cadavre du renard écrasé sur la route, tu arrêtes ce cinéma tout de suite !
Et Titouan a immédiatement mis fin à ses simagrées. Il s'est promptement excusé auprès de Théa et de la maman de Corentine, à qui j'étais ravie de montrer comment on matte une vraie révolte. Après quelques cris et pleures supplémentaires pour un problème de kinder bueno sauvagement écrabouillé, voilà toute ma classe de CP, assise sagement, écoutant avec attention le guide montagne, leur expliquer comment reconnaitre des feuilles de chênes et leur montrer où nichaient les hiboux après la saison des amours.
─ D'ailleurs, elle va bientôt commencer, ajoute notre guide, Roland, soixante ans bien tassés, de toute évidence expert en reproduction animale. Le tout en accompagnant ses propos par un clin d'œil appuyé en ma direction.
─ Maîtresse ! Ça sert à quoi d'apprendre tout ça ?
Sauvé par le gong.
─ Tu sais Eglantine, la nature c'est la plus belle chose qui te saura donner de voir. Le mystère de la vie. L'Homme ne peut pas vivre sans elle. Elle nous offre tout ce dont on peut avoir besoin, sans jamais rien demandé en retour si ce n'est de l'admirer à sa juste valeur... Regardez les montagnes en face de vous. A quel point elles sont immenses, majestueuses et à quel point on est insignifiant à côté d'elles. Elles étaient là bien avant notre naissance, et resteront là bien après notre mort. Toujours aussi belles et inaltérables. C'est tout simplement de la magie. Et c'est pour ça qu'en plus de comprendre la nature, il faut apprendre à en prendre soin, pour que vous, vos enfants et toutes les générations futures puissent encore en profiter.
Toute ma classe regarde le paysage, émerveillée, les yeux pleins d'étoiles, la bouche entrouverte... Je sens l'émotion me prendre. C'est un de ses moments, où je me sens utile. Vraiment utile. Pile à la bonne place. L'enseignement n'est pas facile tous les jours, mais quand c'est une vocation, ça prend vraiment un sens incroyable.
─ Maîtreeeeeesse ! Tu peux te pousser steuplé ? Tes grosses fesses, elles cachent toute la montagne.

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Journal sans titre.
HumorMargaux, jeune enseignante dans la vingtaine, raconte ses déboires amoureux, familiaux et amicaux avec une bonne dose de second degré. Ce roman est largement infusé d'une ambiance à la Bridget Jones !