Dimanche 5 mars :

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Pour le dernier jour de mes vacances, Bianca et moi sommes allée faire un footing en fin de journée. Si l'exercice restait difficile, je commençais à parfois, y prendre un peu de plaisir. De plus les résultats commençaient à être visibles. Mes cuisses étaient plus fermes, ma taille un peu moins épaisse, et surtout, je me sentais beaucoup mieux psychologiquement. Bref, plus légère sur tous les plans. Par hasard, nous sommes passées dans la rue du restaurant de notre premier rendez-vous avec Noé.

─Tu vois, c'est ici que Noé m'a emmené pour notre premier rendez-vous, ai-je dis à Bianca en lui montrant le restaurant le Liban'est. 

─ Tu aimes bien le Libanais toi maintenant ?

─ Non. Mais Noé oui. Il faut savoir faire quelques concessions non ? C'est bien le but d'un couple...

Bianca ne m'a pas répondu car elle était trop accaparée à observer quelque chose par-dessus mon épaule. 

─ Dis Margaux... Tu as vu le mec par la fenêtre du restau ? Je ne l'ai vu qu'en photo, mais il ressemble quand même beaucoup à...

─ Noé. Il ressemble beaucoup à Noé.

C'était bien lui. Installé à la même table que nous lors de notre premier rendez-vous. Je reconnaissais ses cheveux châtains faussement ébouriffés et son profil détestablement parfait. Et assis en face de lui, une fille. Jeune. Jolie. Une boule douloureuse et indigeste s'est instantanément formée dans mon ventre. Bianca a mis sa main sur mon épaule.

─ C'est peut-être juste une amie... Ou quelqu'un de sa famille...

Je n'y croyais pas. Bianca n'y croyait pas non plus. Je suis restée plantée au milieu de la rue à le fixer. Noé. Mon Noé avec une autre. La fille s'est mise à rire. Il a passé sa main au-dessus de la table pour prendre la sienne.

─ Viens Margaux... Viens, on y va, ne reste pas là... Ça sert à rien... a bredouillé Bianca. Je voyais bien qu'elle ne savait pas comment régir à la situation et à mon mutisme soudain.

─ S'il te plait... on y va...

Ma tête voulait la suivre, mais mes pieds en ont décidé autrement. Je me suis dirigée droit sur le restaurant. J'ai ouvert la porte à toute volée, et je suis allée me planter devant la table de Noé et de sa pouffe.

─ Oh, bonjour Margaux, m'a salué Noé. Il avait l'air un peu surpris de me voir, peut-être un soupçon gêné, mais rien d'extraordinaire comparé à la réaction que devrait avoir quelqu'un en train de se faire prendre la main dans le sac avec une autre. Qu'est-ce que tu fais là... ?

─ Comment ça, qu'est-ce que je fais là ?? Qu'est-ce que TOI tu fais là ?

─ Bah tu vois bien... Je dîne.

Il ne paraissait vraiment pas savoir où je voulais en venir, ce qui, en plus de me déstabiliser, intensifiait la rage qi sommeillait en moi, jusqu'à m'en faire trembler.

─ Arrête de te foutre de ma gueule Noé ! C'est qui cette fille ?

─ Euh... est intervenu la pouffe. Il y a un problème ?

─ Ouais il y a un sacré problème bordel ! T'es en plein rencard avec mon mec !

Noé m'a regardé avec des yeux de merlans frits, comme s'il tombait des nues.

─ Parce qu'on avait déjà parlé d'exclusivité... ?

─ Pardon ?

─ On s'était déjà dit qu'on était exclusif toi et moi ? a répété Noé.

C'est là ce moment précis que j'ai disjoncté. Littéralement. Dans un premier temps je me suis mise à pleurer, abandonnant toute forme de dignité, n'essayant même pas de retenir les larmes qui s'échappaient de mes yeux ni d'essuyer la morve qui s'était mise à couler de mon nez jusque sur mon menton. Mon visage entier semblait être devenu une fontaine à fluides corporels.

─ T'es... T'es vraiment... qu'un g...gr... gros co... Connard, ai-je réussi à articuler malgré les sanglots que je ne pouvais refouler.

C'était pitoyable, je m'en rendais bien compte, mais c'était comme si j'étais à côté de mon corps et que je me trouvais dans l'incapacité de mettre sur pause le film absolument catastrophique qui se jouait devant mes yeux et dont j'étais la protagoniste.

Je me suis donc regardée plonger la main dans le houmous, en prendre une poignée généreuse, et l'étaler consciencieusement sur le visage de Noé. Il s'est laissé faire, visiblement paralysé par la sidération. Je me suis reculée un peu. L'image de son visage parfait recouvert de la mixture beige m'a alors paru follement comique.

Et j'ai ri. J'ai ri comme une folle. Un rire d'hystérique, compulsif, à la fois aigue et rauque. Je ne savais même pas que j'étais capable de produire un tel son. On aurait dit un marsouin au bord de l'orgasme. Ou de l'asphyxie. Après tous les deux ne sont pas incompatible parait-il.

─ Margaux... a balbutié Noé en tentant de se nettoyer avec sa serviette. T'es vraiment tarée putain...

─ Ta gueule Noé. Ta gueule.

Noé et la pouffe me fixaient, complètement médusés, le regard un peu affolé. Je crois que je leur faisais peur. J'ai essuyé avec application ma main sur la nape, longuement. Lentement. Jusqu'à ce qu'elle me paraisse débarrassée de toute trace de pâte au pois chiche. Puis je me suis tournée vers la pouffe, ignorant ses grands yeux bleus de biche et ses long cheveux noirs et brillants.

─ Tu pourrais me dire merci. Sinon tu aurais dû le bouffer, son houmous dégueulasse.

Je n'ai pas attendu une quelconque réponse. Je ne rends pas service pour espérer de la reconnaissance, même si elle est amplement méritée. 

Là-dessus, j'ai tourné les talons pour retrouver Bianca, qui m'attendait toujours sur le trottoir d'en face.

─ Je... Je crois que c'est fini avec Noé.

─ Je crois aussi, a-t-elle simplement répondue d'une voix douce.

Elle ne m'a pas jugé. Elle m'a simplement pris dans les bras et m'a embrassé dans les cheveux.

─ Tu crois que j'ai un grain ?

─ Oui. Clairement. Mais je t'aime.

En rentrant chez moi, j'ai trouvé trois cafards morts derrière la poubelle. Ils étaient raides, sur le dos, les pattes repliés contre leur corps. Je me suis demandé si j'avais exterminé une famille, redéclenchant une nouvelle slave de larmes.

En deux mois, j'avais donc deux choses à rajouter sur ma nécrologie:

- Réussir l'exploit de me faire cocufier une nouvelle fois.

- Provoquer un génocide.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 12 ⏰

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