Quinzième inclassable

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Drogue de la mélancolie

Cette musique triturait ses sentiments.

Comme chaque fois, elle prenait une cuillère et venait farfouiller ses émotions, mettait ses souvenirs en vrac, fichait le bazar puis le laissait seul pour remettre tout en ordre.

La mélancolie le prenait d'un coup à chaque fois et c'était tellement lourd à porter qu'il en avait l'impression de ne plus pouvoir respirer. C'était une des rares musiques qui lui faisaient ressentir quelque chose d'aussi intense. Au total, elles devaient se compter sur les doigts d'une main. Deux, peut-être.

Toujours était-il que la pagaille avait été mise. Mais il ne comprenait jamais trop pourquoi, il avait besoin de l'écouter une deuxième, une troisième, une dixième fois d'affilée. Ca le mettait dans des états qu'il ne comprenait pas, ça le bouleversait tellement qu'il n'avait pas de mots mais, étrangement, il en avait jamais assez.

Ca faisait ressortir des souvenirs perdus, faisait tournoyer ses émotions, remuait ses larmes mais il n'en avait jamais assez. Il lui en fallait toujours plus. C'était comme une drogue.

Une drogue de la mélancolie.

Une drogue de la nostalgie.

Tout était flou, il ne savait même plus quel souvenir était en train de remonter. Il ne savait même plus de quoi il était nostalgique ni même si cela le laissait en paix ou empli de cette tristesse fade et amère.

Quand l'effet s'atténuait, il changeait de musique et en choisissait une autre, une qui avait le même type d'effet. Comme s'il ne venait pas de passer vingt minutes à se faire battre par la mélodie, il se laissa les harmonies nouvelles le noyer.

Ca se passait dans sa tête, au creux de son ventre, dans son coeur déchiré. Dans ses membres crispés, ses yeux humides, sa gorge serrée.

Il ne pouvait pas s'en passer. Il se shootait le cerveau aux souvenirs. Comme une drogue.

Une drogue à remonter le temps.

Une drogue de la mélancolie.

Le visage dans l'oreiller, musique à fond dans ses oreilles, il entendait toujours mieux les basses, le rythme, la mélodie, ce cri. Ca le touchait au plus profond de lui-même, dans des endroits que lui-même n'arrivait pas à identifier.

Enfance, sourires, amis, adolescence, tristesse, découvertes, deuil, rupture, fous rires. Tout se mélangeait. La nostalgie, ce sentiment jaune et doré, se mêlait à la mélancolie, ce sentiment bleu foncé. Les souvenirs faisaient des noeuds et il n'arrivait plus à faire la différence entre passé et réalité.

Pourtant il en voulait encore. Comme une drogue.

Une drogue à remonter le temps.

Une drogue de la nostalgie.

Drogue de la mélancolie.

écrit le 21 février 2024

Je fais collection de stylo-plumes [RECUEIL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant