Chapitre 5

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Dans la tanière, l'atmosphère était devenue tendue et désagréable. L'odeur des herbes qui était autrefois rassurante et apaisante était maintenant insupportable pour Cœur Roux. Chaque fois qu'il sentait l'odeur d'une graine de pavot ou d'une feuille d'oseille, il sentait des frissons lui parcourir le corps en se demandant si Vent Gris survivrait. Pour le moment, son état n'avait pas empiré, mais il restait désespérément faible. Les rares fois où il se réveillait, il ne parlait que du Clan de l'Ombre et ordonnait de surveiller la frontière, avant de se rendormir. Depuis deux jours déjà, Cœur Roux et Croc Blanc essayaient une multitude de remède pour soigner son énorme plaie à la gorge, qui peinait à cicatriser.

Quant à Poil de Musaraigne, il avait reprit beaucoup de forces. Même si Croc Blanc lui avait ordonné de rester dans la tanière des guérisseurs pour l'instant, sa vie n'était pas en danger. Son œil gauche était désormais dépourvu de poil sur une grande surface, et resterait sans doute fermé à jamais. Le grand guerrier gris avait eu un choc en comprenant qu'il devait s'habituer à ne voir que d'un œil désormais. A présent, Cœur Roux avait compris qu'il valait mieux éviter le sujet avec lui.

"... près de la frontière.

- Excuses-moi, tu peux répéter ? bredouilla Cœur Roux, qui venait simplement de se rendre compte que son mentor lui parlait tandis qu'il préparait un mélange d'herbe.

- Je me disais bien que tu ne m'écoutais pas, répondit celui-ci en plissant les yeux. Je disais que j'avais repéré un beau plan d'herbe à chat près de la frontière du Clan de l'Ombre. Même si nous sommes guérisseurs, je pense que c'est dangereux d'y aller seul. Je vais me joindre à l'une des patrouilles de guerriers, je te laisse t'occuper de Vent Gris.

- Entendu, Croc Blanc."

Cœur Roux sentit ses oreilles se chauffer de honte. Croc Blanc n'aimait pas se répéter, mais son apprenti avait beaucoup de mal à se concentrer depuis la bataille. Pourquoi les guerriers sont-ils toujours obligés de se battre ? Ils ne peuvent pas régler leurs conflits d'une manière moins mortelle ? Cette pensée le torturait depuis qu'il avait vu la patrouille de guerriers quitter le camp du Clan du Tonnerre.

Après un vif hochement de tête, Croc Blanc laissa son apprenti seul dans le repère. Dans un soupir, celui-ci apporta son mélange de plantes à Vent Gris, toujours étendu dans son nid de mousse. Il le poussa du bout du museau pour tenter de le réveiller. Le lieutenant ouvrit timidement un œil en réponse, puis le referma dans un gémissement. Bizarre, il a l'air encore plus faible qu'hier, constata Cœur Roux. Hésitant, le guérisseur roux et blanc toucha le museau de son patient du bout de la patte. La truffe du blessé était anormalement chaude et humide. Il a de la fièvre, ce n'est pas bon signe.

"Bonjour, Cœur Roux, bailla Poil de Musaraigne derrière lui en s'étirant. Comment va Vent Gris ?

- Il va mieux, mentit-il. Tu peux aller me chercher de l'eau avec de la mousse ?"

Le guerrier s'exécuta sans demander de détails. Quand il revint avec une boule de mousse dans la gueule, Cœur Roux ne put retenir un hoquet de surprise en voyant son visage. Il s'en voulu instantanément en voyant l'air peiné de Poil de Musaraigne, mais aucun des deux ne prononça un mot. La partie droite de son visage était intact. En contrepartie, la peau nu autour de son œil infirme était rouge et laissait apparaître de vilaines cicatrices. Les guérisseurs avaient fait ce qu'ils pouvaient, mais aucune herbe ne permettait de faire repousser de la fourrure.

"Cœur Roux, si je te parle honnêtement, tu me promets d'en faire autant ?" demanda soudainement le guerrier borgne, assis et la queue entourant ses pattes.

Le jeune guérisseur, surpris par la demande de son patient, interrompit son geste pour le regarder bien en face. S'il me demande si Vent Gris survivra, je ne saurais lui répondre, songea-t-il. Nerveux, Cœur Roux hocha la tête d'un air solennel.

Tome II : Une Nouvelle AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant