Chapitre 24

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Il était juste là, allongé sur un fin tapis de fougères sèches, son flanc se soulevant anormalement lentement, et Cœur Roux ne savait pas quoi faire. Aucune plante, aucune graine, aucune racine n'avait fonctionné, et son état ne semblait pas s'améliorer. En plus de le rendre nerveux, cela le frustrait. Nous ne sommes pas les seuls à avoir besoin d'eau... Si la pluie ne revient pas bientôt, je n'aurais même plus assez de remède pour soigner la moindre petite toux, s'inquiéta le guérisseur en jetant un œil vers les creux où étaient stockés les dernières plantes.

Au même moment, une quinte de toux rauque s'approcha d'un pas traînant. Le matou gris et blanc, qui parraissait bien plus vieux qu'il ne l'était réellement, cligna des yeux plusieurs fois, comme pour s'habituer à la luminosité ambiante après être resté toute une journée dans le noir complet. Désormais, Croc Blanc n'essayait même plus de cacher son état quand il était dans sa tanière. Et il ne la quittait que rarement, surtout depuis que l'état d'Étoile Charbonneuse s'était stabilisé, quelques jours plus tôt.

Si Cœur Roux ne connaissait pas son mentor, il aurait pu le prendre pour un ancien dont l'heure était presque venue. Le guérisseur n'était plus que l'ombre de lui-même. Sa fourrure semblait terne et emmêlée, chaque poil replié trahissant la faiblesse qui l'habitait. Elle pendait par endroits, laissant entrevoir une peau fine et parcheminée, marquée par les os saillants de ses côtes. Son corps amaigri se mouvait avec une lenteur douloureuse à voir. Chaque pas était un effort visible, chaque mouvement semblait calculé pour économiser la moindre énergie. Ses pattes étaient maigres et tremblantes, peinant à le porter, tandis que ses griffes, jadis acérées, étaient maintenant émoussées et ternes.

A le voir dans cet état, son apprenti sentit une vague de compassion et une légère frustration l'envahir.

"Je vais te chercher la plus belle prise du tas de gibier, tu ne peux pas continuer comme ça, décida-t-il.

- Non, je te l'interdit, répliqua son mentor d'une voix fatiguée à peine audible. Les proies sont devenues trop dangereuses.

- Mais regarde toi ! Tu tiens à peine debout ! Je refuse de te regarder mourir de faim.

- Il est plus prudent que je reste ainsi, crois moi. Au moins je suis en vie, et ce maudit poison ne pourra pas m'abattre. Je ne peux pas me permettre de risquer ma vie en mangeant des proies empoisonnées alors que mon clan a besoin de moi.

- Je comprends ton point de vue, mais ta vie est déjà en danger, tenta calmement d'expliquer Cœur Roux. Et dans ton état actuel, tu ne pourras aider personne. Laisse-moi au moins te trouver quelque chose à manger.

- Je ne mangerai uniquement des proies dont j'ai la certitude qu'elles sont saines." affirma Croc Blanc en grimaçant, avant d'être coupé par une nouvelle quinte de toux.

Malgré son état déplorable, le chat tacheté continuait de remplir son devoir du mieux qu'il pouvait, refusant de céder. Son regard, bien que fatigué, portait toujours cette étincelle de dévouement inébranlable que son apprenti ne pouvait qu'admirer.

"Comment va Poil de Pigeon ? demanda le chat malade comme pour changer de sujet.

- Mal. Il dort depuis ce matin, et ne se réveille que pour se plaindre de douleurs au ventre.

- Combien de graines de pavot ?

- Trois ce matin, et une autre tout à l'heure."

D'un pas pénible, Croc Blanc s'approcha du guerrier, toujours étendu au sol, et l'examina rapidement avec les gestes habituels. Cœur Roux n'osa pas l'interrompre.

"Il a mangé aujourd'hui ?

- Juste une moitié de souris. Elle venait du nid de Bipède abandonné, et je l'ai examiné avant de le lui donner. Elle n'était pas empoisonnée."

Tome II : Une Nouvelle AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant