Chapitre 33

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L'ambiance était pesante, personne n'osant prendre la parole. Malgré l'espace réduit qui séparait à présent les deux territoires, chaque guerrier cheminait de son propre côté de la frontière. Marcher près du torrent agonisant donnait des pincements au cœur à Aile de Chouette. Même s'ils réussissaient à trouver l'origine du poison, elle doutait que cela puisse ramener l'eau.

Quand la patrouille se rapprocha de la limite des territoires, le terrain commença à s'élever, les arbres à se raréfier. La roche remplaça bientôt la terre sous les pattes des félins, et la mousse si douce disparut.

"C'est donc ce chemin que prennent les guérisseurs à chaque fois ? grommela Nuit Cendrée. Ils n'auraient pas pu trouver une Source de Lune plus accessible ?"

Personne se releva sa remarque, les autres étant bien trop curieux de savoir à quoi ressemblait ce lieu si sacré. Aile de Chouette imaginait un énorme bassin dans une grotte où seuls les rayons de la lune pouvaient entrer. L'eau était pure, transparente, et reflétait les chats disparus avec une netteté parfaite.

Pourtant, au bout d'un moment, le chemin d'eau bifurqua vers un endroit inaccessible pour les chats, qui se retrouvèrent forcés de continuer sur le chemin tracé par les guérisseurs. Après une ascension qui essouffla Aile de Chouette, un étroit passage s'ouvrit entre deux buissons, juste assez grand pour faire passer un chat. Le chemin descendait en pente douce de ce côté, et il s'en échappait un léger clapotis d'eau.

"Vous pensez que... commença Aile de Chouette, hésitante.

- C'est la Source de Lune, juste en bas, confirma Poil de Hérisson. L'endroit le plus sacré de toute la forêt.

- Alors, on descend ?

- Non, Plume de Grive, répondit brutalement Nuit Cendrée. La rivière ressort de l'autre côté, c'est là qu'on va. L'accès à la Source de Lune est interdite pour les guerriers.

- Je sais, mais... Tant qu'on est là...

- Nous n'avons pas le temps de visiter, continuons."

Elle prend beaucoup de décisions, pour une patrouille censée n'être dirigée par personne, remarqua Aile de Chouette sans oser le dire tout haut. Le comportement de la femelle noir aux pattes blanches la troublait. Elle n'avait rien à voir avec la chatte qu'elle avait rencontrée lorsqu'elle était apprentie. Peut-être qu'elle ne se souvient pas de moi... Si je lui parle, ça la détendra sûrement. Mais pour l'heure, elle ne savait pas comment entamer une discussion.

Comme l'avait prédit Nuit Cendrée, le petit groupe retrouva la rivière un peu plus loin, après avoir cheminé entre la roche et les buissons sur un chemin descendant. Le cours d'eau était plus garni que ne l'était le torrent, mais appeler ça une rivière était une hyperbole.

Aile de Chouette ne put cacher son soulagement quand elle retrouva le couvert des arbres, même si ce terrain inconnu était très différent de celui du Clan du Tonnerre. Les ronces étaient rares, et les arbres étaient jeunes et fins. D'ailleurs, aucun d'eux ne ressemblait aux grands chênes et aux érables de son foyer. Les arbres, dont les troncs verticaux et lisses se dressaient vers le ciel clair du début de matinée, étaient espacés les uns des autres et laissaient filtrer la lumière du soleil en de fins rayons dorés qui dansaient sur le sol.

Ce bois était dépourvu des ronces et des buissons épais qui formaient le sous-bois dense du territoire du Clan du Tonnerre. Il n'y avait pas de cachettes naturelles, pas de recoins sombres où se faufiler pour échapper à un danger. Aile de Chouette se sentait exposée dans cet espace ouvert. Elle jeta des coups d'œil nerveux autour d'elle, ses oreilles se dressant au moindre bruit.

Tome II : Une Nouvelle AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant