Chapitre 21

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A la fin de la journée, Aile de Chouette ruminait toujours. Recevoir des conseils de la part d'une ancienne qui ne connaissait rien d'elle la frustrait. Au moins, dans la forêt, ses camarades la laissaient tranquille. Après avoir changé la litière des anciens, elle s'était vu contrainte de chercher leur tique. Grâce au Clan des Étoiles, Graine d'Ortie n'en avait pas et ne lui avait plus adressé la parole depuis leur discussion de la matinée.

En cette fin d'après-midi, la jeune guerrière avait décidé de prendre un peu l'air dans les bois, où personne ne pouvait lui reprocher de ne pas encore être dans la pouponnière. Je suis une guerrière, pas un ventre sur patte qui ne sert qu'à produire des futurs guerriers, fulminait-elle. Ce n'est pas juste ! D'un puissant coup de patte, elle envoya rouler une pomme de pin à une longueur de renard d'elle, qui vint se fracasser contre un rocher.

Sans destination précise, elle continua de marcher d'un pas pressé. Elle remarqua que ses griffes étaient sorties seulement quand des feuilles commencèrent à s'y accrocher. Dans un grommellement, elle se secoua ses pattes pour s'en débarrasser. Ce soir, même l'air pur et le calme de la forêt ne parvenait pas à la détendre. Malgré toutes ses tentatives, elle finissait toujours par repenser aux mêmes choses. Patte Givrée et son compagnon secret, Graine d'Ortie et ses leçons de morale, Plume de Hibou et son regard si tendre, Queue de Mulot et ses étranges escapades nocturnes... et surtout, Pelage de Cendre et ses secrets.

Finalement, Aile de Chouette se retrouva face à face avec le Vieux Chêne, un immense arbre sur lequel les apprentis apprenaient à grimper. Il y a encore quelques lunes, elle avait détesté Truffe d'Écureuil pour l'avoir forcé à grimper le chêne pendant des après-midi entières.

Ses sens en alerte, elle s'approcha doucement de l'arbre, puis leva la tête. Les branches chargées de feuilles vertes l'empêchaient de voir la cime, qui lui semblait inatteignable. Se balançant au rythme du vent, les feuilles semblaient narguer la guerrière depuis leur grande hauteur. Comme pour répondre à leurs moqueries silencieuses, Aile de Chouette cracha, les oreilles couchées en arrière, et planta ses griffes dans l'écorce du tronc.

Désormais plus grande et plus agile qu'à l'époque, l'escalade lui parut étrangement rapide. En quelques sauts, elle était déjà à plusieurs longueurs de queue du sol, perchée sur une des branches les plus larges. Elle s'allongea prudemment en laissant sa queue se balancer dans le vide. De son perchoir, elle pouvait apercevoir le lac.

Le matin même, Truffe de Blaireau s'était empressé de partager leur découverte de la veille avec Étoile Charbonneuse au sujet des proies qui continuaient de boire l'eau du torrent. Désormais, les patrouilles avaient pour ordre d'éviter de chasser de ce côté du territoire. Finalement, c'est l'eau qui nous aura volé une partie de notre territoire, pensa Aile de Chouette en posant la tête sur ses pattes avant.

Quelques instants plus tard, elle entendit des voix familières s'approcher. Lever la truffe ne fut même pas nécessaire pour reconnaître celle de Queue de Mulot, dont la voix pouvait sans doute porter jusqu'à l'autre rive du lac. Il était évident qu'il était accompagné de Pelage de Ronce et Truffe de Blaireau, comme toujours. La fourrure blanche et noir de ce dernier entra bientôt dans le champ de vision de la femelle.

"C'est fou de disparaître comme ça, elle n'a pas pu aller bien loin..." marmonna-t-il.

Les trois guerriers passèrent devant le Vieux Chêne sans même lever la tête. D'un geste lent et calculé, Aile de Chouette poussa une noisette vers le sol. Celle-ci atterrit pile entre les oreilles de Queue de Mulot, qui secoua la tête en grommelant.

"Tiens, il pleut des noisettes, le railla Pelage de Ronce.

- Les écureuils pourraient ranger leur nourriture dans un endroit où elle ne risque pas de nous tomber dessus, marmonna le mâle brun.

Tome II : Une Nouvelle AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant