Chapitre 8

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Les jours suivants furent encore plus durs que les précédents. Pas un seul nuage ne vint perturber le soleil pendant un quart de lune, pas une seule goutte ne tomba. Les seules proies qui osaient encore se montrer étaient les oiseaux, qui venaient régulièrement s'arroser les plumes dans l'eau du lac. Même si les anciens mangeaient toujours à leur faim, Aile de Chouette avait remarqué que les guerriers commençaient à maigrir. Pire encore, la sensation constante de faim mélangée à la canicule rendait les chats irritables. Les guerriers ne cessaient de se chamailler pour un rien. Un jour, Aile de Chouette se surprit à piquer une colère contre Pelage de Ronce car il s'était levé en pleine nuit pour aller au petit coin. Une autre fois, Plume de Hibou a dû empêcher de justesse Museau Tigré d'attaquer Nuage de Tournesol car celle-ci avait affirmé qu'elle avait hâte de devenir guerrière. En journée, le camp était aussi calme qu'en pleine nuit de mauvaise saison, tant les guerriers rechignaient à s'adresser la parole.

Les nuits étaient particulièrement terribles. Tous les guerriers du Clan du Tonnerre devaient dormir serrés les uns contre les autres, alors que la température était à peine plus faible qu'en plein jour. Ne pouvant trouver le sommeil dans ces conditions, certains avaient décidé de dormir dehors, à la belle étoile. Aile de Chouette a souvent été tenté de les imiter, mais elle préférait de loin le confort de son nid. Heureusement, cela permettait à la tanière de se vider. Mais la chaleur poussant les chats à dormir en s'étalant sur toute leur longueur, la place gagnée était très vide perdue.

Comme si le Clan du Tonnerre ne souffrait pas assez, une petite épidémie avait l'air de se répandre. Pelage de Cendre, qui avait été une des premières à en souffrir, s'était remis au bout de quelques jours. Mais les trois anciens continuaient de se plaindre régulièrement de mots de ventre et il leur arrivait de vomir leur repas. Patte Givrée, Nuage de Tournesol et Bois de Chêne quant à eux, étaient toujours malades. Après examination, Cœur Roux avait déclaré que laisser les proies au soleil les faisait sûrement pourrir plus vite.

"Désormais, le gibier ramené au camp devra être consommé en moins d'une demi-journée, après quoi elles seront enterrées à l'extérieur du camp." avait ordonné Étoile Charbonneuse.

Depuis, la réserve de gibier était presque constamment vide. Aile de Chouette avait pu remarquer que ne pas avoir de réserve affectait le moral des guerriers. Le stress régnait dans le camp autant que la chaleur. Étoile Charbonneuse n'avait d'ailleurs toujours pas reparlé à Aile de Chouette de son idée pour attirer les proies hors de leur terrier.

Un jour néanmoins, un faible espoir vint illuminer la journée d'Aile de Chouette ; de fines masses blanches venaient zébrer le ciel, et d'autres étaient encore plus grosses loin vers l'horizon. Confiante, elle s'était empressé d'en parler à ses frères.

"Vous avez vu ? Les nuages arrivent ! Il va peut-être enfin faire moins chaud !

- Si tu penses que de simples petits nuages vont résoudre tous nos problèmes, tu es vraiment une cervelle de souris, grommela Truffe de Blaireau en agitant les oreilles.

- Si tu n'es pas capable de te réjouir d'une bonne nouvelle, c'est ton problème, rétorqua sa sœur. Mais ne t'avises pas de tout gâcher !

- Il vaut mieux te convaincre maintenant qu'il n'y aura pas de pluie, sinon tu risquerais d'être déçue. Je dis ça pour te rendre service.

- C'est trop compliqué de me laisser passer une bonne journée, pour une fois ? siffla Aile de Chouette en plissant les yeux.

- S'il vous plaît, ne recommencez pas à vous disputer...

- Reste en dehors de ça, Pelage de Ronce !" répondirent les deux chamailleurs d'une seule voix.

Levant les yeux au ciel, le mâle brun-gris n'insista pas et se détourna pour s'allonger à l'ombre du frêne. A l'inverse, Queue de Mulot semblait amusé de la situation, ce qui irrita Aile de Chouette de plus bel. C'est à se demander s'il y a vraiment quelque chose dans la tête des mâles ! S'il n'y avait pas autant de chats dans la combe, elle aurait bien donner une bonne leçon à Truffe de Blaireau. Les guerriers étaient tellement à cran que leurs petites chamailleries habituelles viraient souvent en réelles disputes, ces derniers temps.

Tome II : Une Nouvelle AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant