ANGELICA
Quelques années plus tôt, Mexique.
Dans une année bissextile, il y a 366 jours.
Dans une année normale, il y a 365 jours.
Dans une année, il n'y a qu'un jour.
Une journée dure vingt-quatre heures, 1440 minutes, 86 400 secondes.
Une fois par an, durant 86 400 secondes, je perçois, ne serait-ce que quelques secondes, le bonheur.
Pendant 1440 minutes, je me permets de l'atteindre, je me permets de ne pas laisser entrer sa voix dans ma tête, de l'oublier pendant ne serait-ce que vingt-quatre heures.
Pendant une journée, je me laisse vivre. Pendant une journée, plus rien n'a d'importance. Plus rien, mis à part moi.
Peut-être que mes paroles, mes pensées, vous feront penser que je ne suis qu'une personne égoïste, et peut-être que vous auriez raison.
Mais vous voulez que je vous dise ? Pendant vingt-quatre heures, 1440 minutes, 86 400 secondes, je n'en aurai rien à faire.
Enfin, ça, c'était avant.
Avant qu'il ne fasse l'erreur d'augmenter le volume, qu'il ne commence à enlever le mince voile de mensonge qui me permettait d'être égoïste pendant cette journée.
Je sens sa main se refermer sur mon bras, tenter de me faire détourner le regard, mais il était trop tard.
Je l'avais entendu, le cri.
Un cri que je ne pourrai jamais oublier. Il était puissant, mais pire encore, il était tellement douloureux. Il reflétait ce que les mots ne pourraient jamais dire.
Les flammes, elles devaient se refléter dans mes yeux alors que je ne pouvais les quitter, elles et l'âme qu'elles renfermaient.
Je ne saurais comment décrire ce tableau, cette vérité devant moi. Aucun mot ne serait assez fort pour le dépeindre, aucune pensée ne serait assez vraie, car la vérité est que je ne saurais comprendre, je ne peux qu'imaginer, essayer d'imaginer où doit se situer sa douleur.
Le cri, il ne s'arrête pas. Sur ses genoux, il n'y arrive pas alors qu'il la regarde. Seulement, ce n'est pas elle, ce n'est que son cadavre, son cadavre carbonisé alors qu'il fume encore.
Il n'y a rien de plus douloureux que de se sentir impuissant face à la mort de son enfant.
Alors que l'écran devient noir, que son cri s'arrête enfin. Je n'arrive pas à les regarder, aucun d'entre eux.
Son impuissance, sa mort, c'est à cause d'eux. Tout est à cause d'eux.
- Comment ? Comment avez-vous pu ? Parce que c'est vous, n'est-ce pas ? Tout venait de vous. Leurs impuissances, leurs morts...
- Angelica-
- Ce n'était qu'une enfant, une enfant. Qu'est-ce qui pourrait bien justifier cela ? Rien.
Si ses doigts me tenaient encore il y a encore quelques secondes, ils n'étaient désormais plus là alors que je les regarde tous avec horreur.
Des monstres, je ne voyais que ça. Ma famille, les personnes qui m'ont élevé, sont des monstres.
Je ne peux m'empêcher de fixer l'écran noir comme si cela allait la faire revenir, comme si j'allais pouvoir continuer d'être égoïste durant les centaines de minutes qu'il me reste. Seulement, il est impossible de faire comme si de rien n'était alors que la farine est devenue de la poudre, la confiture, le sang. Comment continuer à avancer ? Comment continuer à être égoïste ?
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POUR TOUJOURS ET À JAMAIS
Romance« Ils paieront tous. » Dans un monde sombre où règne la mafia dans l'ombre, où le sang coule avec abondance et où la paix n'est qu'un miroir prêt à être brisé, ils étaient là. Dans cet univers où les apparences ne sont que trompeuses, où la destinée...