CHAPITRE 14

36 12 18
                                    

Un silence complet règne sur les gradins. Priam ne se jette pas sur moi comme je le pensais. Nous nous tournons autour pendant de longues secondes. Nous savons tous les deux que le combat ne sera pas facile. La tension est à son comble. Il finit par attaquer. Rapidement, précisément, à la hauteur de mes attentes.

Mais ce n’est pas suffisant, loin de là. J’esquive facilement un énorme coup de hache. Je continue à lui tourner autour, sans attaquer. Le public s’impatiente et des spectateurs commencent même à siffler. J’attends encore un petit peu. Priam s’impatiente également et finit par courir vers moi. Exactement ce que j’attendais. Une course rapide et impatiente, prête à en découdre mais pas protégée. Je me glisse sous lui et lui assène un coup dans le bas de la colonne vertébrale. J’essaye d’atteindre sa tête mais il esquive mon prochain coup. Le combat a commencé.

Nous tournons dans une série de coups et d’esquives, sans qu’aucun de nous deux n’arrive à toucher l’autre. Finalement, il met toute sa force dans un coup qu’il abat sur ma main. Je me glisse sur sa droite, mais il me surprend en tournant et je me prend le manche de la hache dans le ventre. J’en ai le souffle coupé et mon épée tombe quelques mètres plus loin. Profitant de son avantage, il ne rate pas une seconde et fait pleuvoir les coups. Sans me laisser surprendre, je finis par réussir à m’approcher assez près et dégaine mes poignards. Parfait. Je laisse glisser ma lame et enchaîne fluidement une série de mouvements. Je réussis à l’atteindre à l’avant-bras et au mollet. Il pousse un hurlement avant de frapper frénétiquement sans but précis, dans l'espoir de me toucher. Je sens le crépitement de son pouvoir et de sa force se déchaîner. Je dois à tout prix lui retirer cette hache avant de me prendre un coup dangereux.

Je décide de jouer la carte de la ruse et prétend tomber en arrière. Il en profite pour avancer ses épaules et soulever ses bras, position très vulnérable. Je reporte mon poids sur mes talons, me redresse et enfonce une de mes lames dans son avant-bras. La surprise dans ses yeux laisse place à la douleur, puis à la fureur. Il hurle avant de lâcher sa hache et de tomber à genoux en se tenant le bras. Le public est surexcité et crie de tout les côtés. Debout, face à mon opposant vaincu, je murmure :

« Tu as perdu. Et c’était pas glorieux. »

Je me retourne, prête à partir. Je l’entend murmurer quelque chose dans mon dos mais je décide de l’ignorer. Galvanisée par ma victoire, je me dirige vers la sortie. Mon corps tremble, encore plein d'adrénaline. Les ovations du public me vrillent les tympans.

Soudain, une douleur lancinante me traverse l’épaule. Je comprend trop tard. Lorsque je me retourne, Priam tient son bras dégoulinant de sang. Le couteau que j’y avais planté est désormais fiché dans mon épaule gauche.

Mais quel lâche, bordel ! Il m’a tiré dans le dos !

Mes pupilles s’écarquillent sous la douleur. Une immense chaleur s’empare de toute la partie gauche de mon haut du corps. Je regarde Mme Colifa, espérant qu’on m’aide, qu’on me sorte de là. Il n'a pas le droit de faire ça ! Mais elle me regarde simplement, impuissante. Le roi me lance un regard interrogateur, comme s’il se demandait ce que j’allais faire. Il ne va pas être déçu du voyage.

Je sais qu'il ne faut jamais laisser ses émotions prendre le dessus pendant un combat, mais cette injustice me met hors de moi. Je me jette sur mon adversaire en hurlant, ignorant la douleur qui me transperce de toutes parts. J’enchaîne les mouvements, mais ma blessure me rend moins habile et chaque mouvement est plus douloureux que le précédent. Et je n’ai pas le luxe de faire une pause pour retirer le couteau qui est toujours là.

Je ne peux pas perdre, pas comme ça. Je ne peux pas perdre. Ce serait tellement injuste. La rage me déchire les entrailles. Nous sommes tous les deux épuisés et blessés, je me demande pourquoi personne n’a interrompu le combat. Mais nous continuons tous les deux à nous battre. Je finit par percer sa garde, me glisse d’un mouvement rapide derrière lui. Il n’a pas le temps de se retourner. Je saute sur ses épaules et le projette sur le sol. Je suis au dessus de lui, un poignard pointé sur sa gorge. Pendant un instant, une fraction de seconde, je suis tentée de lui enfoncer dans la trachée, de lui faire payer sa lâcheté et ses dernières années de harcèlement continu. Je suis vite rappelée à la réalité. Trois trompettes sonnent la fin du combat. Je cligne des yeux et m'écarte de lui, à nouveau impassible et froide. Cette fois-ci, j’ai vraiment gagné. Je me relève, victorieuse. Le public hurle d’excitation.

Des étoiles commencent à danser devant mes yeux à cause de la douleur. L'adrénaline du combat l'avait anesthésiée, mais à froid, elle revient à toute vitesse. Je commence à m’évanouir, je n’arrive même plus à tenir debout. Au moment où je m’écroule, j’entends une énorme détonation retentir dans l’arène. J’ai à peine le temps de voir les gradins exploser, puis ma tête heurte le sol et je perds connaissance.

Le Royaume d'Atales Où les histoires vivent. Découvrez maintenant