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— Marinette, t'es là ? On a préparé du Kaiserschmarrn¹ avec Peter. Ça te dit qu'on le mange ensemble ? On est tous les deux là, on trouvait que ça faisait longtemps qu'on avait pas passé de temps tous les trois ensemble.

Heidi et Peter se sont rendus ce soir vers l'installation que s'était faite Marinette. Ce soir-là, elle n'était pas venu manger, et c'était le moment idéal pour lui rendre visite. Ils ont trouvé judicieux de ne pas évoquer l'état actuel de leur amie, et plutôt de prétexter vouloir simplement passer un moment avec elle. Si elle souhaite se confier, elle pourra le faire, mais sinon, passer un moment avec ses amis, ne pourra que lui faire du bien, en lui changeant les idées. Reste à espérer qu'elle veuille bien se montrer, mais dans le cas contraire, elle verra qu'ils pensent toujours à elle, et surtout qu'ils tiennent toujours à elle.

Un long moment s'écoule sans le moindre signe d'une réaction de Marinette. Heidi et Peter commencent à se regarder, s'interrogeant silencieusement pour savoir s'ils doivent encore attendre. Ils ont prévu en cas d'absence, de laisser une assiette devant sa porte, qu'elle trouvera en rentrant, ou en ouvrant la porte, plus tard. Heidi a emmené de quoi griffonner un mot.

Mais alors qu'ils ne s'y attendent plus, la porte s'ouvre lentement, laissant apparaître une Marinette pas au mieux de sa forme. Ses yeux, loin d'avoir leurs éclats habituels, sont vides, sans vie, et des cernes les noircissent, ainsi que ses joues, creusés. Ses cheveux sont sans dessus dessous dessous, et elle semble porter le poids du monde entier sur ses épaules. Même Peter, qui la voit quotidiennement, se retient d'afficher sa surprise de la voir ainsi. Lui qui lui trouvait triste mine… manifestement elle faisait encore des efforts pour se montrer présentable, et cacher son état.

— J'ai rien… j'ai pas de chaise et… enfin voilà.
— Peut importe, on est bien par terre, hein Peter ?

La question de Heidi, qui a haussé le ton, arrive à sortir Peter de sa torpeur.

— Euh, oui. On en a pas à l'estive non plus.

Peter s'assoie à même le sol aux côtés de ses amies, et peine à redescendre sur terre. Comment est-ce qu'elle peut aussi bien dissimuler son état, et surtout, bien plus grave, comment est-ce qu'il a pu ne pas voir à quel point elle va mal ?

— C'est toi qui t'es souvenu que j'aime le Kaiserschmarrn ?

Peter lui adressa un sourire discret en guise de réponse. Tous trois admirent silencieusement le paysage face à eux. Les feuilles, fraîchement poussées, donnent aux arbres des couleurs vert tendre. Quelques rares plaques de neige apparaissent encore par endroits, elles ne seront bientôt plus qu'un souvenir.

Le silence s'installe de nouveau, laissant entendre les premières marmottes, fraîchement sorties de leur longue hibernation, jusqu'à ce que Heidi le rompe en reprenant la parole.

— T'as vraiment bien travaillé, ça ressemble plus du tout à ce que c'était au début. C'est bien plus grand.

Marinette haussa mollement les épaules.

À ce moment, Peter vit le tas de petits bois entassé dans un coin.

— Pourquoi t'as rien dit ? Je t'aurais fendu du bois, si j'avais su que t'avais plus que ça.
— C'est pas grave. Le printemps est là maintenant.
— Si je vais m'en occuper. Les nuits sont encore froides.
— Et demain, on t'emmène en rando. La rivière est en pleine débâcle, c'est super beau. Ça te fera du bien. Maintenant que les naissances sont terminées, ya bien quelqu'un qui pourra s'occuper des chèvres rien qu'une journée non ?
— Je vais me débrouiller.
— Je … Désolée, ça rime à rien, je ressemble à rien, je suis ailleurs. Je sais même pas quoi vous répondre. Désolée, j'y arrive plus sans lui. Merci d'essayer, mais j'y arrive plus. Je vais partir, vous serez mieux sans moi. Désolée Peter pour ce qu'on avait prévu ensemble. Et pour stopper le projet du centre, là haut, vous en faites pas, le plus gros est fait, vous avez plus besoin de moi pour le reste.

Peter et Heidi se jettent un discret coup d'œil. Peter hoche la tête, suffisant pour leur permettre de se comprendre sous un mot.

—  Hors de question qu'on te laisse tomber Marinette, dit Heidi d'un ton doux, mais ne laissant pas place à la réplique. T'es notre amie. Garde espoir, la lettre que t'attends peut arriver, demain peut être, la semaine prochaine, ou dans un mois, on ne peut pas savoir. Mais si elle arrive, ce sera ici. Rien que pour ça, tu dois rester là. Et surtout, si tu pars juste pour ne pas nous ennuyer, je te rassure, on est pas mieux sans toi : t'es notre amie. C'est très mal nous connaître de dire ça. Et on va prendre soin de toi.

Et brusquement, Marinette fond en larmes.

***

Quand Peter pousse la porte de chez lui, bien plus tard, Sophia arrive en même temps et il lui tient la porte pour la laisser passer. Elle lui explique qu'elle revient du village.

— J'ai pas encore réussi à trouver du travail, mais j'y arriverai, t'en fais pas. J'ai peut-être quelque chose pour qu'on aille y habiter par contre. Je me suis renseignée, je pourrais sûrement l'avoir pour très peu, ce serait l'affaire de quelques mois d'économie, quand je travaillerai. Par contre c'est pas habitable en état. Tu serais d'accord pour m'aider à rénover ?

Devant l'absence de réaction de son cousin, Sophia renouvelle sa question.

— Peter ? Ça t'embête ? Je comprends si t'es trop occupé, je me débrouillerai autrement. Vous en avez déjà fait beaucoup pour moi.
— Non ! Bien sûr que je suis d'accord ! Je t'aiderai, t'en fait pas.

Le lendemain matin, lorsque Marinette arrive pour la traite des chèvres, Peter se précipite vers elle.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? Pourquoi tu fais cette tête ? Si t'as pas pu te libérer pour aller marcher tout à l’heure, c'est pas grave. Je t'en veux pas.

Sans prendre le temps de répondre, Peter lui tend une enveloppe qu'il vient de recevoir. Dessus, le nom complet de Marinette, suivie de l'adresse de Peter. Fébrilement, elle s'en empare, avant de la déchirer pour lire la lettre qu'elle contient.

— C'est lui. Il avait demandé à son ami de vérifier si j'avais laissé quelque chose deux-trois fois dans l'année, au cas où. Il a récupéré l'adresse. Il arrive.

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¹ plat autrichien (donc juste à côté de nos trois compère, qui sont dans les Alpes Suisses). Pour plus de détails, Google est ton ami. Merci à becky pour l'idée du plat.

Ça faisait longtemps que j'avais pas publié de chapitre de JLMTM. J'espère que l'attente en valais la peine !

Pour la petite histoire, j'ai écrit la fin de ce chapitre en pleine montagne, sous ma tente de bivouac, en plein vent, et après avoir mangé des horties bouilles en guise de soupe, pour garder la vraie soupe pour le petit dej, puisque le petit dej avait été oublié dans la vallée. Folklo, mais j'en garde un super souvenir. 😂

À bientôt  (peut être) pour la suite. 😉

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 29 ⏰

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Juste la montagne, toi, et moi. [En Cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant