6. Premier Entraînement

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Je sors à mon tour. Dans le couloir, je suis un peu perdue. Je regarde des deux côtés et au bout du couloir, à gauche je distingue des escaliers en colimaçon. Je me dirige donc là-bas. Les quelques filles que je croise chuchotent à mon passage et me lancent des regards… envieux? Oui, c’est ça. Pas de dédain, pas de pitié. De l’envie. De la jalousie. Et moi je les ignore. Je n’en ai rien à faire de leurs sentiments. Je descends les escaliers avec malaise, à cause des marches.
Je sens des picotements au bout des doigts.
J’inspire profondément et avance sans faire attention à cette sensation désagréable.

Une porte du côté droit indique “Corchang Männ” et une autre du côté opposé indiquant “Flugplat”. Ouais non, je continue à descendre.

Quand les marches s’arrêtent, j’ai la tête qui tourne. Ah, ces foutus Kuntaïs, comme je les déteste. En plus je suis habillée de… J’ai envie de vomir. Je me dégoûte moi même. Changeons-nous les idées.

Je vais apprendre à me battre. Je pourrais enfin me venger de ces années de rabaissement et de solitude. Et tuer ce satané Shaolin. Je débarque dans un couloir qui paraît interminable, alors qu’il n’y a que deux portes. Une pour les Kuntaï je suppose, et l’autre pour les Sunfaï. Je me dirige vers l’aile ouest, endroit où est censé avoir lieu mon entraînement. Arrivée au bout, il y a une porte que j’ouvre.

Encore des foutus escaliers en colimaçon. Super. Je grimpe les marches et atterris dans une salle de… d’armes? Oui, c’est ça. Une salle d’armes et armures. Dis-donc, ils sont bien armés, les Kuntaï…

Comme il n’y a personne, je continue de monter et entre dans une possible forge. Une chaleur étouffante émane de ce lieu. « Bonjour ? Y’a quelqu’un?» Un petit homme apparaît. D’où est-il sorti?

D’un petit recoin aéré sans doute. Il a les yeux rougis, une silhouette frêle, le dos courbé, 50 tdp sûrement, un sourire édenté, mais un regard fermé, quasiment métallique. « Bonjour. Comme tu as pu le constater, il y a effectivement un être vivant dans cet endroit. L’endroit du diable, dit-on. Personne ne pénètre un lieu comme celui-ci sans en ressortir changé. Que veux-tu, demoiselle?»
Il est fou? Complètement taré? Mais qu’est ce que je fais là, moi? 
«Je… euh… Vous savez où a lieu l’entraînement de la Paisajanea ou comment vous l’appelez?
            - Pourquoi? Que voulez-vous lui faire, à cette jeune fille?
            - Beeeeen… C’est moi en fait.
            - Je ne vous crois pas.
            - Croyez ce que vous voulez, mais moi je vais être en retard à mon entraînement. Alors soit vous me faites confiance, vous me croyez et je disparais de votre vie; soit on négocie et je vous ajoute dans ma liste de Kuntaï auprès desquels je peux me venger, ce  qui ne me prendra pas beaucoup de temps. Alors?»
Je pose mes poings sur mes hanches et j’attends. L’homme me scrute. Il pourrait me transpercer de ce seul regard. Je vérifie que mes barrières mentales sont toujours là. Positif.
«Petite effrontée. Comment oses-tu m'adresser la parole sur ce ton, moi qui t’ai respectée comme un être humain, par simple instinct de te faire confiance? Je pourrais t’envoyer parler au feu, mais tu m’intrigues. »

Blablabla. Il a fini, ce vieil oiseau? Soudain, son regard palpite de petites taches brillantes. «Oh. Toi. Nuit. La Fille. Celle qui s’est fait rejeter. Tu es. Comment est-ce possible? Astrée. Lune. Pétard de moine! Tu es! tu ES! TU ES!»

Je recule face aux énigmes du métallurgique. Cet homme est un fabricant. Un réparateur. Un conteur, donc. Il me connaît? Tilt. Oh.

Le jour où j’ai manifesté mes pouvoirs. Il y avait une tonne d’épées. Il sait. «Je suppose que vous avez compris que je ne vous ai pas menti au sujet de mon identité. Donc, pouvez-vous s’il vous plaît m’indiquer mon lieu d’entraînement?» J’ai bien appuyé sur le “s’il vous plaît”, vu son comportement. Il hoche vigoureusement la tête, livide tout-à-coup. Il se dirige vers une porte que je n’avais pas vu, la pousse (oui, il la pousse, rageusement même) et se met sur le côté. «Avance tout droit, tu ne tomberas pas. Ne regarde pas vers le sol, et quand tu seras arrivée, tu le sauras. Bonne journée.» Il me pousse un peu et ferme la porte.

La Fille sans NomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant