La Fille sans Nom

21. Visite du Monastère

Après le repas, Aideen me communique qu'elle a pour ordre de me faire visiter le monastère.

Nous voici donc dans le couloir du rez-de-chaussée, qui est celui des entraînements physiques. Nous y passons très peu de temps, car je le connais déjà.

Puis, on monte ces foutus escaliers en colimaçon. J'ai le "vertige". C'est ce que m'explique Aideen. Quelques personnes, ce n'est pas du tout rare, ont une mauvaise tolérance aux hauteurs. Je fais partie de ces personnes. Mais moi apparemment c'est très fort, tellement que ça devient une phobie extrême. Mais là pour l'instant, on monte pas trop haut. Donc ça va encore.
Sauf que je supporte très mal les endroits fermés où je ne peux pas bouger, quand c'est pendant pas mal de temps. Mais si j'y passe cinq minutes, ça ne me fait rien.

Nous arrivons donc à la porte qui indique "Entraînement psychique" en Mothsprache.

Aideen pousse le battant et me fait entrer. À peine ai-je posé un pied dans le couloir, que je sens l'atmosphère chargée de magie. Bizarrement, ça me détend. « Les personnes qui ont des habilités spéciales, déclare Aideen, ça les relaxe. Les autres, qui savent bien ou pas manipuler leur pensée, sont très tendus. Leur corps ne se trouve pas dans leur élément naturel. Les gens comme toi, Paisajanea, se trouvent dans leur environnement le plus adapté à leur cerveau et leur peau.»

Wow. C'est... Étrange. Ça veut dire que j'ai des habilités spéciales. Bon, je le savais déjà mais là je suis sûre. Le couloir est silencieux, mais on entend quand même un peu des objets qui se cassent, des voix et des petits cris. Mais tout cela est très étouffé.

Je m'arrête devant une autre tapisserie. C'est pas possible, ils sont accros aux tapisseries ou quoi?

Mais celle-ci est différente. Elle représente quelque chose. Et on dirait qu'elle est très ancienne.

Dessus, sont représentés, je pense, tous les dieux. Mais en dessous, est écrit : Tapisserie des Olymas.

Olymas. C'est l'ancien nom des dieux ? Ou bien est-ce une autre espèce de Dieux ?

Je décide de la regarder attentivement. C'est fascinant : on dirait que ces Olymas ont été ici. C'est impossible de représenter un Dieu tellement bien. La forme des lèvres, la cicatrice, le grain de beauté, la forme des oreilles, la morphologie... C'est tout tellement bien détaillé !

Mon regard se balade sur les Dieux. Il y en a un qui attire mon attention.

Grand, titanesque même, les cheveux mi-longs gris, la peau claire, avec une teinte grisâtre, la mâchoire carrée. La copie conforme d'Amel, sauf les yeux, la taille et la couleur de peau. Ici, les iris du Olymas sont rouges. Et le blanc des yeux est noir. Amel les a gris.

J'ai déjà vu cet homme. Pas Amel, le Dieu.

Je cherche dans mes souvenirs, bien que défaillants, mais j'essaye quand même.
Oh.
Oh-oh.
Je le connais bien, lui. Celui qui a failli tuer mon père. Celui que j'ai "failli tuer". L'ancien Shaolin Kuntaï.
Daemon.

C'est donc lui qui a fait que je manifeste mes pouvoirs. Ce sera le premier à payer.

Je laisse de côté mes plans de vengeance et regarde la femme qui se tient de la main avec lui.

Elle a les yeux d'Amel.
Sa chevelure dorée est ornée d'un panier (je pense) rempli de fruits. Elle a une robe blanche avec des fruits dessinés dessus.

Déesse de la Gastronomie, je suppose. Alias, Samossa. La mère d'Amel, donc.

Mais du coup, Amel c'est un vrai Dieu. Le Dieu de l'espoir, non ? Et Azraël est une vraie divinité.

Je cligne des yeux.
Je suis un peu sonnée.

Je décide de dévier mon regard à la déesse qui est au premier rang.
Cheveux bleus comme la nuit, avec des points blancs.

La dame de la tour de l'oubli.
C'est donc la déesse des étoiles. Astrea. Mais, que faisait-elle là ?

Je tourne la tête vers Aideen qui me regarde, avec les yeux écarquillés. Je fronce les sourcils et penche la tête sur le côté. Elle secoue la tête, en me faisant comprendre d'ignorer son état.
Ok...

Mais elle continue à me regarder, en état de choc, mais cette fois-ci, son regard alterne entre moi et...
La dame de la Tour.

«Euh, Aideen? Ça va ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

- Hein, quoi ? Eeeh... Non non, ne t'inquiète pas. C'est rien. Rien d'important...»

Je ne la crois pas. Mais bon, je vais la laisser. Si elle dit que ce n'est pas important, c'est qu'au moins ce n'est pas grave.

Elle secoue la tête, m'empoigne le poignet et m'entraîne de force jusque dans les escaliers en balbutiant : « Viens, je... euh non, on... on va voir la piste d'atterrissage des Geais. Tu... Tu pourras venir voir cette... cette tapisserie... quand tu voudras. Vas-y avec Athanase si tu veux. C'est mieux. Oui. C'est mieux. »

Je suis perplexe. Elle parle comme si elle voulait s'en rassurer. Bizarre...

Nous arrivons donc à cette piste. Je panique.
Il n'y a pas de barrières. Il y a au moins quinze mètres entre cette plateforme et le sol.
Peut-être qu'elle est vieille ? Et si elle se cassait ?
Il y a du vent ! Non ! Non, je ne veux pas tomber. Non non non non.
Aideen me tire du bras.
Je reste collée au mur. Je sens que le monde tourne sous mes pieds. Je ne suis pas stable. Si je fais un pas, peut-être que je vais glisser.
Et tomber.

Aideen me regarde, inquiète. Elle me parle mais je ne l'entends pas.

Je me concentre. Ma respiration. Il ne faut pas hiperventiler, sinon je vais m'évanouir ou bien ne plus bien voir et ça va être pire.

Tu as réussi à marcher dans le vide. Pour aller à ton entraînement. Tu contrôles le vent, le vent glacé, oui, mais quand même. Si tu tombes, tu peux faire en sorte que tu flottes dans le ciel. Tout va bien.

J'inspire profondément, et j'expire par la bouche.

Au bout d'un moment, j'arrive à entendre Aideen, en train de me ramener à la réalité. En essayant de me réconforter. Mais elle est loin, non. Je regarde mes mains.

Ah. La glace. En plus, les éclairs. Ça va. «Paisajanea? Ça va mieux ? Tu ne vas pas tomber, d'accord. Ça fait beaucoup de TdP que c'est là et personne ne s'est jamais tombé. Ça ne va pas être toi. Ce serait vraiment pas de chance, d'accord ? Allez, viens. On va voir le portail.

- J'arrive, attends juste un peu. Je... Je me sens un peu faible. Et fatiguée. J'arrive tout de suite. Juste, le temps de me reprendre.

- Oui, oui. Ne t'inquiète pas. Je t'attends. »

Je cligne un peu des yeux. Je me secoue un peu. Voilà.

Je la suis.
Oh non. Les escaliers en colimaçon. Argh. Comme je les déteste. Après maints arrêts pour me calmer, j'arrive à atteindre la fin. Youpi ! Aideen m'a attendu et m'a tenu quand je vacillais un peu.

Nous voilà maintenant en haut, où il y a un de ses portails qui mènent, selon les légendes, au monde des Dieux.

Il est doré. Il est magnifique.

Sa couleur me fait inconsciemment penser à Daëgan. Que sera-t-il en train de faire ?

POURQUOI TU PENSES À LUI ? ARRÊTE.

Je secoue la tête, m'insultant intérieurement. J'essaye de passer le portail. Aideen me retient.