12. Rendez-vous

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Hailey


— Tu es vraiment certaine de toi ?

Je fixe Travis qui me fait face depuis l'entrée de ma maison en grimaçant bien malgré moi. Suis-je certaine de mon coup ? Je ne crois pas, non. À la simple idée de ce qui m'attend, j'ai l'impression que mes intestins se tordent.

Miguel m'a demandé de l'accompagner pour une soirée entre collègues. Cette dernière semaine, il s'est montré bienveillant et il m'a répété inlassablement à quel point il aimerait passer du temps avec moi. Avec le besoin urgent de me changer les idées, j'ai cédé. Maintenant, j'ai envie de me faire passer pour malade, ce qui serait complètement stupide, puisqu'il m'a vu au boulot aujourd'hui et qu'à part une certaine angoisse, j'étais en pleine forme.

Travis remarque mon hésitation et un sourire rassurant naît sur ses lèvres. Bien que je le soupçonne de vouloir m'inciter à annuler ma soirée, il fait l'inverse.

— Je vais rester au bar du restaurant pour garder un œil sur toi. Si tu en as besoin, on peut simuler une rencontre inattendue pour que je te rejoigne.

— Je t'ai déjà dit que tu étais mon ange gardien ? demandé-je avec reconnaissance.

— Ouais, eh bien ton ange gardien est aussi un putain de monstre qui n'hésitera pas à démolir quiconque voudrait te faire du mal.

Un petit sourire effleure mes lèvres en fixant l'attelle à son bras.

— Dans ton état, je doute que tu puisses faire quoi que ce soit, le charrié-je. J'aimerais bien t'éviter une seconde visite à l'urgence.

— Sache, Hailey Williams, que ce n'est pas une petite blessure insignifiante qui m'arrêtera de casser la gueule à qui que ce soit si on ne fait que toucher à un de tes cheveux. J'ai des ressources, je n'hésiterai pas à les utiliser.

Je le reconnais bien là. Il répond toujours présent pour veiller sur moi, peu importe qu'il soit en pleine forme ou malade, qu'il soit occupé ou non.

— C'est juste un souper entre collègues, ça devrait bien se passer, dis-je pour nous convaincre tous les deux.

— Tu te souviens tout de même de nos signes ?

Comment les oublier ? Ces gestes sont devenus un automatisme maintenant :

— Je gratte mon avant-bras si j'ai besoin d'aide, je touche mon front si tout va bien.

Il acquiesce avant de poser une main sur la poignée de porte.

— Je suis tout prêt si tu as besoin d'aide, me répète-t-il.

Je le remercie du bout des lèvres et l'observe s'éloigner pour rejoindre sa voiture un peu plus loin dans la rue. Miguel ne devrait plus tarder à arriver, je sais donc que mon ami attendra pour nous suivre en voiture. Ça peut sembler un peu extrême comme mesures, mais savoir qu'il reste tout près m'aide à accepter ce genre de soirée. L'angoisse ne me quitte pas pour autant en revanche. Dès que je referme la porte derrière Travis, je commence à me ronger un ongle sous l'appréhension. Une pression se fait ressentir sous mes côtes et je dois résister une fois de plus à l'envie de tout annuler.

Avant que j'aie le temps de me décider, Miguel arrive et vient me chercher devant la porte. Lorsqu'il avance pour m'embrasser sur les joues, je recule d'instinct, inconfortable devant la familiarité de ce geste. Miguel ne semble pas y porter attention et jette plutôt un coup d'œil à ma tenue.

— Tu es très jolie ce soir, me dit-il d'une voix un peu plus grave qu'habituellement.

Le compliment m'embarrasse. Pour une fois, j'ai osé enfiler un chandail sombre aux épaules dénudées, ainsi qu'un jeans bien normal. Rien de trop grand ou encore d'emprunté à Travis, ce que je regrette à cet instant. Je déteste qu'une personne puisse me trouver jolie, alors que je porte d'immondes cicatrices sur mon cœur et mon âme.

Les abîmes du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant