22. Tu viens ?

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Hailey


La pluie frappe dans une cadence parfaite contre la fenêtre. À l'extérieur, des nuages gris recouvrent le ciel pour lui donner un aspect bien plus obscur, tandis que les 19h viennent à peine de sonner.

Ce soir, je suis seule.

Trenton m'a abandonné afin d'aller boire un verre avec Travis. Puisque tout est préparé pour notre départ imminent, ils voulaient profiter d'une dernière soirée en civilisation avant de partir au pays de nul part. Je crois bien que Kayden sera avec eux aussi, mais je n'ai pas osé demander.

En rentrant du boulot, j'ai trouvé une fleur contre la porte. Une seule et unique tulipe jaune, aux pétales si délicates qu'un seul effleurement menaçait de les désagréger. Incertaine de sa signification, tout comme sa provenance, la curiosité m'a surmenée jusqu'à faire quelques recherches.

Si en apparence elle paraît jolie et détonne de par sa couleur, le message qu'elle détient me jette dans la perplexité. Dans le langage des fleurs, le jaune représente un doute, une inquiétude. Mais elle peut aussi indiquer un sentiment de rejet ou... d'amour impossible. Lorsqu'on lui porte attention, les contours sont agrémentés d'un fin trait rouge, comme si... ils étaient brûlés par la passion. Elle est encore fermée, laissant croire qu'elle ne fait pas confiance à la lumière. Ou peut-être a-t-elle simplement trop vécus de jour pluvieux pour s'épanouir ?

En jetant un coup d'œil vers la table-basse du salon, j'en évalue la couleur, tout en me demandant pour la millième fois de qui elle peut provenir.

Une part de moi a inévitablement songé à Kayden. Inévitablement, puisqu'il habite mes pensées h24 depuis beaucoup trop longtemps, le tout empiré depuis sa dernière visite aux arômes de vanille. Mais... les fleurs ne s'additionnent pas à son comportement de je m'en foutisme. Et puis, pourquoi diable aurait-il mis une fleur à ma porte ? Il détient les clés, il aurait pu tout simplement la balancer sur le comptoir de cuisine. À moins qu'il n'osait pas se faire voir par Laurie ?

Il y a bien une autre personne qui me semble l'auteur parfait de cette attention, mais considérer cette possibilité est l'équivalent de m'entourer la tête d'épines. Ô combien douloureux...

Pendant que j'observe les gouttelettes tomber en cascade contre la vitre, je ronge nerveusement l'ongle de mon pouce. Ces intempéries, lorsque la solitude me berce, me font l'effet d'un passé douloureux qui rampe sous ma peau pour marquer mon derme. Lorsque le tonnerre gronde, je me recroqueville sur moi-même et ferme les yeux pour combattre les souvenirs qui s'insinuent dans ma tête. Ils sont virulents. Même si je ne l'ai pas vu depuis quatre ans, sa voix s'insinue en moi, aussi limpide que s'il se trouvait dans la pièce.

« Tu as toujours été ma préférée...»

Juste pour le faire taire, j'attrape vivement la tulipe avant de la balancer à l'autre bout de la pièce. Un violent coup retentit au même moment contre la porte d'entrée. J'échappe un cri de frayeur tout en sursautant sur le divan. Les bras serrés contre ma poitrine, je jette un regard vers la fenêtre, avant de fixer la fleur comme si elle détenait un secret maudit sur la présence derrière le battant. Puis je fixe le couloir, craignant de voir quelqu'un surgir.

Lorsque les cognements se répètent, je me fais la réflexion qu'il s'agit probablement de Laurie. Depuis un moment, elle est tant à côté de la plaque qu'elle oublie constamment ses clés.

Je me dirige rapidement vers la porte. En ouvrant, je pousse un soupir excédé :

— Vraiment, il va falloir que tu penses à traîner tes clés ! J'en ai marre de...

Les abîmes du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant