♦ CHAPITRE 5 ♦

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▬ Aurore boréale ▬

Le temps passe et efface -un peu- le mal. Allongé sur le lit de Lola, regard rivé sur l'écran du vieil ordinateur portable de la petite sœur, l'illusion est presque parfaite. Tout semble si calme, si doux. Elle, calée à moitié sur moi, la tête qui s'épanche sur mon épaule et sa main qui cherche toujours la mienne, main avec laquelle elle s'amuse plus pour me distraire de potentielles pensées que pour m'embêter. J'ai besoin de ce contact, de ce retour à la réalité et pourtant je le crains tant. Le touché paraît il à toujours été ma façon d'aimer -avant- quand tout môme je courais dans les ruelles. Je me cachais dans les bras, embrassais les joues avec bonheur. J'aimais les étreintes fortes et les baisers humides, j'aimais qu'on ébouriffe mes cheveux, qu'on me fasse voler dans les airs.

Enfin c'est ce qu'on raconte. Moi, je ne m'en souviens pas. Tout cet avant reste flou et puis peut être bien qu'au final, j'avais déjà un peu peur de vexer, d'attrister, peut être que je n'aimais pas toujours ça, que je doutais, me forçais. Peut être. Je ne sais plus. J'aimerais tant me souvenir, l'affirmer, que oui ou non cela fait partie de ma personnalité. J'ai oublié qui je suis, je construis quelqu'un que je connais pas.

_ Hé ho ! Le film !

Une main s'agite devant mes yeux. J'ai du m'égarer trop longtemps, je reviens avec lenteur et fixe quelques secondes Lola. Je perd le bleu de mes yeux dans le brun profond des siens.

Un sourire étire mes lèvres, faiblement. Juste pour dire que ça va, oui ça va, ne t'en fais pas. Je suis encore là, encore dans ce monde qui me hante, pour toi, pour toujours, jusqu'à ce que la mort nous sépare, non ? J'imagine que la formule fonctionne aussi pour les sœurs, elle devrait même encore mieux fonctionner avec elles car aucun amour n'à la chance de se voir aussi grand que celui qu'on porte aux siens et surtout aux plus petits.

_ T'as loupé le moment où elle lui casse la gueule pour aider sa pote !

Lola aime bien ça. Les films où ça hurle, ou ça se venge, ou ça se révolte, ou on subit pour mieux rendre les coups, plus tard. Elle passe son temps à en regarder, la dystopie dans les veines bien que d'après elle, nous en vivions déjà une, surtout depuis la montée en puissance de Tiago.

_ Désolé, désolé, j'étais ... ailleurs.

_ Mauvais souvenir ?

Elle se penche un peu plus, envahit tout mon champ de vision.

_ Non, pas vraiment. Ça va.

_ Bon souvenir alors ?

Ses mains s'écrasent sur le matelas et sa tête se relève, elle me sourit de toutes ses dents dans cet espoir lumineux que -peut être- un grain de bonheur se soit faufilé dans ma tête.

_ J'irai pas jusque la Lola.

Un long «Oooh» lui échappe, déçue. C'est sans compter la porte qui claque en bas et les bruits de pas qui accélèrent, tapent le bois fragile, des talons semblent torturer les marches. Pas le temps de produire un son quelconque que la porte de la chambre claque, s'ouvre en grand, assez pour en taper le mur et pour l'abîmer.

_ VOUS ÊTES LA !

Oui Aurore. Oui, on est là.

Elle arrache presque les talons de ses pieds, les envoie valser quelque part et fait de même avec l'adorable sac a main scarabée qu'elle emmène partout avec elle. Création merveilleuse, œuvre de son frère de ce que j'ai compris. Décidément, tous les membres de cette famille semblent avoir de l'or dans les doigts. Foutus Blackwood.

OSCAR [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant