Chapitre 21

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Derek était épuisé, mais ne profita pas du sommeil de Stiles pour se reposer davantage. Sa nuit avait été fort courte, ciselée en plusieurs morceaux bien distincts, et elle lui renvoyait les échos de nombre de choses... Qui nécessitaient chez lui un besoin de réflexion certain. S'il avait dormi après le quart d'heure d'indécence inauguré par Stiles ? Un peu, pas beaucoup. Bien sûr, il avait passé un temps monstrueux à penser à ce qu'ils avaient fait. Rien de très poussé, mais c'était déjà bien plus que ce qu'ils avaient déjà fait ces dernières semaines, avant que... Stiles ne disparaisse subitement après avoir dit passer une soirée en tête à tête avec lui-même. Il y avait eu dans leurs gestes un besoin de proximité, d'intimité. D'urgence, de désir, de passion. De se savoir là, dans ce lit, l'un avec l'autre, hors de danger, seuls. A ce moment-là, plus rien d'autre ne comptait et sur le coup, cela leur allait très bien.

Mais Derek y avait repensé. Il y songeait encore. Ainsi, il décida de quitter le lit en fin de matinée, après avoir réfléchi longuement à tout ceci. Evidemment, il n'y avait pas que ce quart d'heure de folie qui le préoccupait – le reste était évident.

Alors oui, il avait besoin de s'isoler un peu, pour penser de façon claire et objective. Avec Stiles dans son champ de vision, il serait incapable de le faire tant lui prenait l'envie, voire le besoin... De le prendre dans ses bras pour tenter de lui montrer que, peu importe ses blessures, il ne le laisserait pas tomber. Si ce n'était pas, en soi, une mauvaise chose... Cela l'empêchait tout de même de réfléchir à des solutions un peu plus... Concrètes. Prendre soin de lui était une chose : l'aider à avancer en était une autre. Derek savait qu'il ne pouvait pas s'y prendre au hasard, pas dans ce cas-là.

Le loup-garou piocha un pantalon et un t-shirt parmi ceux que lui avait fait parvenir Magnus. Bien qu'il n'apprécie pas réellement le fait de porter des vêtements qui ne lui allaient pas, il devait avouer que les pouvoirs du sorcier étaient bien pratiques. Ainsi, le loup-garou pouvait se changer sans trop de problèmes, d'autant plus que tout était à sa taille. Néanmoins, il lui tardait de retrouver ses vêtements à lui, ceux qui portaient son odeur depuis le départ. Ceux que Magnus lui avait fournis venaient d'une grande surface du centre-ville. Une grande surface qui ne souffrirait pas de ce petit vol insignifiant.

Derek sortit de la chambre sans faire de bruit. Que Stiles se repose ainsi était une bonne chose – il en avait diablement besoin. Des jours, des semaines : voilà ce qu'il lui fallait. Autant dire que les vacances scolaires tombaient fort bien... Mais Derek n'était pas dupe. Ces quelques jours ne seraient pas suffisants, bien au contraire. En tout cas, il mettrait tout en œuvre pour que la guérison de la psyché de Stiles se fasse efficacement. C'est toutes ses pensées dirigées vers lui que le loup-garou débarqua dans la cuisine. L'appartement de Magnus était gigantesque, mais Derek en avait mémorisé l'organisation générale. S'il n'avait d'autre choix que celui de lui accorder un minimum de confiance, il tenait tout de même à connaître l'endroit... Juste au cas-où. Ne disait-on pas que l'information faisait le pouvoir ? Dans ce cas précis, Derek était plutôt d'avis qu'elle pourrait les sauver, lui et Stiles, en cas de danger soudain.

Ce n'était donc pas du tout parce qu'il avait faim que le chemin jusqu'à la cuisine ressortait un peu plus facilement que les autres dans son esprit. Pourtant, son ventre criait bel et bien famine. Derek ne ressentait pas réellement la faim en tant que telle – et il était ainsi depuis son arrivée ici. Néanmoins, il savait qu'elle était là et comptait la satisfaire malgré tout. Il devait être capable d'agir en toutes circonstances. Cela se traduisait, par conséquent, par un maintien de sa forme de façon générale. Si se servir dans le frigo et les placards d'un presque inconnu ne lui plaisait pas du tout, Derek se devait de mettre certains de ses principes de côté. Sa motivation, c'était Stiles. Le reste importait peu, au final. De même, Magnus lui avait dit à plusieurs reprises de se mettre à l'aise, de faire comme chez lui... Alors dans un sens, Derek lui obéirait – parce qu'il n'avait pas d'autre choix que celui-ci pour se nourrir sans s'éloigner de Stiles. Son cœur, il l'entendait battre d'ici. Au moindre problème, il rappliquerait à son chevet en un instant. En fait, il était si concentré sur son presque amant qu'il se montrait assez inattentif quant au reste... Si bien qu'il ne notifia pas le fait qu'un cœur supplémentaire battait dans l'appartement et que de légers mouvements montraient que son possesseur était en mouvement.

Derek prit la liberté de se servir un peu d'eau et de manger un cookie au chocolat, qui se trouvait dans une boîte sur la table – après s'être olfactivement assuré que tout allait bien avec ça et qu'il ne risquait pas de s'empoisonner. Et c'est une fois qu'il eut mâché et péniblement avalé la chose qu'il se rendit compte à quel point il haïssait cette situation. Parce que son angoisse sourde, couplée au fait de ne pas être à l'aise pour un sou, l'empêchait purement et simplement d'avoir faim. Son corps réclamait, mais pas lui – en cela, quelque chose le bloquait. Et même si sur le papier, Magnus avait raison en gardant Stiles en sécurité ici, loin des yeux et oreilles indiscrètes de la meute... Derek ne pouvait pas s'empêcher d'avoir hâte que l'humain accepte qu'ils s'en aillent. A partir de là, il l'emmènerait au manoir. Après plusieurs jours d'absence, la meute devrait avoir écarté la possibilité qu'ils puissent s'y trouver... Puisqu'il s'agirait sans doute du premier lieu qu'elle serait allée voir – l'écarter par la suite était donc une évidence. Derek prit alors sa décision, en espérant que Stiles la validerait au plus tôt : il ne pourrait pas passer plus de quelques jours ici sans perdre les pédales. L'endroit avait beau être agréable, chaleureux, spacieux au possible... Ce n'était pas chez lui et... La situation ne changeait pas – ils logeaient chez un presque inconnu. Un sorcier, qui plus est.

Derek s'efforça d'ingurgiter un cookie supplémentaire. Ça non plus, ce n'était pas dans ses habitudes. Il était du genre... Plat de spaghettis au petit-déjeuner avec une sauce, et... Quelques protéines. En somme, il mangeait bien et beaucoup – de sorte, toujours, à se maintenir en forme. Là, c'était... N'importe quoi. Et il s'en rendait compte. Il se sentait anxieux, peut-être plus profondément qu'il ne le pensait au départ – ce qui lui faisait tout drôle. Derek n'avait pas l'habitude de se retrouver à l'intérieur d'une situation dans laquelle il n'avait pas le moindre contrôle et... Où il n'était pas indirectement sa propre priorité. Il avait toujours voulu protéger la meute lorsqu'il le pouvait, mais... Concernant Stiles, c'était différent. Derek avait l'impression qu'il pouvait le perdre à tout instant, qu'à la moindre erreur de sa part... L'empêcherait de retrouver celui qu'il avait toujours connu – et il y croyait. Il y croyait dur comme fer. Stiles était toujours là, quelque part, derrière ce regard dominé par la terreur et à travers lequel on voyait sa psyché en morceaux. Derek, aussi peu à l'aise soit-il concernant cette situation, ne laisserait pas tomber son presque amant. Quoiqu'il se passe, il serait à ses côtés.

Il soupira. Oui, vivement qu'ils s'en aillent...

- Alors c'est toi, le loup.

Derek se tendit instantanément et tourna la tête dans un mouvement sec en direction de l'entrée de la cuisine, d'où provenait cette voix qu'il ne connaissait pas. Celle de Magnus l'aurait un peu moins surpris étant donné qu'il l'avait déjà entendue et qu'il s'efforçait de faire un semblant confiance au bonhomme – il n'avait pas le choix. Mais cet homme-là, il ne l'avait jamais vu. Son visage sévère ne lui disait rien, pas plus que ses yeux inquisiteurs qui le fixaient sans peur. Qu'il connaisse sa nature le crispait d'autant plus qu'il lui donnait l'impression d'être désavantage face à cet inconnu. En temps normal, Derek se serait empressé de lui sauter dessus pour l'immobiliser et s'assurer qu'il n'essaie pas de l'attaquer, mais... La peur sourde qu'il entretenait depuis son arrivée ici n'était pas assez forte pour mettre son cerveau en veilleuse. Alors il réfléchissait. Cet homme, vêtu de façon décontractée, les cheveux en bataille comme s'il sortait du lit, arborait un air à l'aise. Aucun doute, il connaissait l'endroit et, par extension, Magnus. Il était en terrain connu et Derek, en terre inconnue. La différence, colossale, se devait d'être prise en compte.

Alors Derek n'eut d'autre choix que celui de se montrer prudent. Il hocha simplement la tête et avisa malgré lui les nombreux tatouages qu'arborait l'homme. Quelque chose le fit tiquer, si bien qu'il sentit la bête en lui grogner – mais la retint suffisamment pour que sa part humaine garde le contrôle. Hors de question qu'il creuse davantage sous ses pieds, accentuant par là l'ampleur de sa position d'infériorité.

Mais le style des tatouages de l'homme rappelait à Derek la marque ornant le cou de Stiles... Celle qui les hantait tous les deux.

Autant dire que la tension qui se mit à émaner si fortement de lui à cet instant était impossible à ignorer.

Dans le reflet de ton épéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant